lundi 4 avril 2011

Billet de Carême, Mardi de la Quatrième semaine

"Personne ne mit la main sur lui car son heure n'était pas encore venue" Jean 7, 31

Cette formule intervient comme la première conclusion d'un épisode extrêmement violent, au cours duquel les juifs traitent Jésus de possédé : "Nous savons que tu as en toi un démon". A la lettre, ils ne peuvent pas le supporter. "N'est-ce pas là celui que l'on cherche à faire mourir ?" En même temps, comme si de rien n'était, Jésus enseigne sur le Parvis du Temple : "Le voilà qui parle en toute liberté sans qu'on lui dise rien !".

D'où vient cette liberté, qui contraste tellement avec la violence de tel de ses auditeurs ?

Le Christ est la personne la plus libre du monde. Sa liberté ne consiste pas, comme la nôtre, à faire laborieusement le choix des meilleurs moyens pour parvenir à accomplir sa fin. Quant à lui, sa destinée divino-humaine est par elle-même un accomplissement magnifique. C'est même l'accomplissement de toute l'humanité. Quant à sa mort sur la Croix, il ne s'agit pas d'une défaite, comme le montre l'épisode d'aujourd'hui. Le Christ n'est as un vaincu. Il donne sa vie, comme il l'explique dans l'allégorie du Bon Pasteur. "Ma vie, j'ai le pouvoir de la donner et le pouvoir de la reprendre.

Sa mort intervient à l'Heure qu'il a décidée. Elle est volontaire. A partir de ce point, plusieurs imaginent l'idée d'un suicide du Christ. Mais c'est absurde. Le Christ donne sa vie ; il ne la perd pas ; il n'est pas en quête de je ne sais quelle forme de néant. Le suicide est une quête impossible du néant. Le sacrifice du Christ est l'inverse du suicide. "Ma vie personne ne la prend, mais c'est moi qui la donne" Jésus donne sa vie, c'est-à-dire qu'il la partage. Elle jaillit pour tous ceux qui s'approche de Jésus par la foi en lui.

Le moment de ce partage et de ce jaillissement est fixé : c'est ce qu'il appelle dans les quatre évangiles : son heure. Avant cette heure personne ne peut rien contre lui. Il passe au milieu de ceux qui lui veulent du mal, sans que personne puisse seulement lever la main sur lui. Cette heure coincide avec "l'heure de la puissance des ténèbres". Le Messie de Dieu paraîtra vaincu. Il apparaîtra comme celui auquel on a ravi la vie. Il sera, au contraire, pour les siècles des siècles, le victorieux, le seul homme qui ait remporté la victoire contre la mort.

4 commentaires:

  1. Cet Evangile nous apprend en outre une chose sur laquelle on insiste peu: c'est que Jésus, s'Il a reçu la thorah, l'a vraiment reçue par transmission orale. Il ne peut donc pas être appelé un rabby au sens qu'a revêtu ce terme aujourd'hui ou un scribe au sens de jadis. Les scribes sont les ancêtres de nos intellectuels. Ils ont en commun avec ces derniers d'avoir des lettres et de ne jamais rien penser qu'ils ne puissent appuyer sur de solides références. Jésus ne s'illustre pas par une exégèse de la thorah. Son enseignement, Il le prodigue par Connaissance intime du Père. Il est libre en tant qu'Il fait confiance en la voix qui parle à Sa conscience. Il est certain de l'indication qu'il a reçue, et que d'autres peuvent attester, que cette voix vient du Père et ne peut pas Le tromper. Mais ses adversaires lui font deux procès en paranoÏa. Le premier est d'être un séducteur, un "leader charismatique". Le second est d'avoir un complexe de persécution: "Il faut que tu aies un démon en toi pour que tu t'imagines que quelqu'un veut te faire mourir. Qui a dit qu'il voulait te faire mourir? Et pourtant, comme me l'exprima avec beaucoup d'intelligence un ami diagnostiqué comme paranoïaque, "à la base du complexe de persécution, il y a souvent un persécuteur". Quant à la séduction, son étymologie parle d'elle-même et nous enseigne comment la discerner. Nous avons à jauger ce vers quoi elle nous entraîne: si le séducteur conduit à un culte de la personnalité, il conduit à lui-même et il vaut mieux le fuir. S'il conduit au respect d'une vérité qui le dépasse, on peut lui faire confiance. Après lui avoir accordé la sincérité, on peut mesurer si ce qu'il dit est vrai aux fruits que sa parole porte par elle-même. Quant aux intellectuels, ils ont une constante: ils se méfient comme d'une guigne du prophétique. Ils n'aiment pas le merveilleux. Notre foi nous enseigne seulement à nous méfier des "faux prophètes", mais elle n'a pas fermé la porte de l'aventure humaine, de l'aventure de la foi, de l'intuition, de la pensée et de l'action.

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  2. A Julien:
    Quand on lit le "Jésus de Nazareth" de Benoît XVI, et c'est cela qui étonne et qui nourrit la foi d'une nouveauté certaine, on voit au contraire combien Jésus est un Rabbi et un Rabbi de haute volée (évidemment) qui renouvelle entièrement le sens des prophéties qu'Il connaît "complètement"(pour employer un mot à la mode).
    Ainsi de son discours eschatologique dans sa partie apocalyptique [annonce de la fin du monde, du retour du fils de l'Homme et du jugement universel (Mc 13, 24-47).] Voici ce qu'écrit BXVI, p.66 et suivantes: "Il est frappant de constater combien ce texte est en grande partie composé de paroles de l'A.T., en particulier du Livre de Daniel, mais aussi d'Ezéchiel, d'Isaïe et d'autres passages de l'Ecriture...Textes mis en lien les uns avec les autres; Dans des situations difficiles, des images anciennes sont réinterprétées et amplifiées(...) "Jésus s'introduit dans ce processus de la "relecture"(...) Jésus n'illustre pas les évènements à venir avec des paroles à lui, mais les annonce d'une manière nouvelle avec d'antiques paroles prophétiques.
    Plus loin, le Pape explique qu'il s'agit d'un "centrage personnaliste":"en centrant les images cosmiques sur une personne, actuellement présente et connue, le cosmique devient secondaire et la chronologie perd même de son importance: la Personne est dans le déroulement des choses physiquement mesurables, elle a son "temps" propre, elle "demeure"; "Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas"(Mc 13,31).
    Par ailleurs, on constate que Jésus passait son temps à enseigner dans le Temple où les foules venaient l'entendre. Ses paroles sont donc "du Temple". Ce sont sur "de solides références" que ses paroles s'appuient.
    Le scandale vient de l'interprétation qu'Il en donne, sûrement en effet par connaissance intime du Père("ma doctrine n'est pas de moi" (Jn 6) mais sans jamais -même s'Il s'en affranchit et nous en affranchit- négliger les Ecritures. Il les Christo-centre ! " il s'agit d'insérer la vision de l'avenir dans la Parole de Dieu qui a désormais été donnée et dont la stabilité, d'une part, et les possibilités d'ouverture, d'autre part, sont ainsi rendues évidentes"

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  3. Cher anonyme,

    Nous sommes bien d'accord, Jésus connaît parfaitement les Ecritures. Mais ce que Saint-Jean met dans la bouche de ses frères, c'est qu'Il n'en a pas reçu une connaissance littéraire: Il les connaît par transmission orale, d'une connaissance d'autant plus profonde qu'elle est mnésique. Ce mode de connaissance n'est pas indifférent, d'abord parce que la prière est essentiellement une exhortation que nous adressons à dieu de se souvenir de nous, de même que les commandement sont de la part de dieu une prière que nous l'écoutions; de plus, celui qui se "souvient de Dieu" remâche Ses paroles. En second lieu, Jésus est le verbe en ce qu'Il parle et n'écrit pas, de même qu'Il a reçu en entendant parler et non en lisant: "La foi vient de ce qu'on entend." Mais je dirais même que ce mode de réception et d'interprétation est important en un troisième sens. Il est riche d'un enseignement métapolitique pour notre temps: qui peut nier en effet que notre époque est celle d'une régression de l'écrit vers l'oralité, d'une certaine africanisation du savoir? Le livre en tant que support perd de sa pertinence. Témoin, ce que nous faisons ensemble: nous écrivons presque à notre insu un livre interactif et collectif, pour lequel nous avons un premier de cordée, quelqu'un qui nous stimule, l'abbé de tanoüarn à travers ses articles, après quoi nous échangeons, nous discutons, nous dialogons, dialogue philosophique, mais répercution d'un mode oral de communication. Eh bien, je crois que Jésus favorise ce que nous avons tendance à prendre pour une régression vers l'oralité, mais qui est peut-être un approfondissement de la Connaissance intime de Dieu, qui vient de ce qu'il ne s'agit pas de retenir de force ni de citer pour briller; il ne s'agit pas d'apprendre par coeur; mais il s'agit de recevoir de coeur, de recevoir et de remâcher sans cesse ce que l'on entend, dans le but d'apprendre à penser. Il m'est arrivé d'écrire que, plus on lit et moins on pense. Jésus pense d'autant plus qu'Il ne lit pas et n'écrit pas. La réception auditive de la foi favorise la pensée, contrairement au procès qu'on lui a fait longtemps. L'écrit trop figé fait du texte une référence. Aujourd'hui, parce que nous recevons au plus près du verbe, ce qui est écrit ne fait plus référence. Ce qui fait référence, c'est comment ce que nous recevons mûrit en nous.

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  4. Pour que vous opposiez ainsi oralité et écrit, Julien, il faut que cela soit une problématique pour vous. Pour ma part, j'ai la chance que ça n'en soit pas une. En commençant, je renverserais votre approche: "Ce qui est écrit est écrit" dira Pilate, Ces choses qui sont "gravées dans mon coeur" peuvent l'être dans les Cieux, ce sera toujours de l'ordre de ce qui est éternel. Ainsi est gravée dans mon alliance la date de mon mariage. "On écrira sur ma tombe: ci-gît, etc." et tous les amoureux ne se lassent pas d'inscrire leurs initiales sur les troncs des arbres comme autant de souhaits que cela dure toujours.
    Et que l'on écrive nos noms sur des registres de papier ou sur un écran, toujours les naissances, les décès seront laissés à la postérité.
    Ensuite, notre commencement du 21è s. ne me semble pas marqué par une régression de l'écrit mais AU CONTRAIRE par une régression de l'oral et du par coeur : les enfants n'apprennent plus de fables, et qui connaît encore des pages de Racine? Et puis, que faisons-nous d'autre qu'écrire ici ? Loin du langage parlé, votre langue à vous, Julien, est savante et votre écrit parfaitement organisé en chapitres avec introduction et conclusion.
    De plus, quelque forme que prenne l'écrit, il n'y a jamais eu tant de journaux, de revues, d'ouvrages, romans et succès de librairie sans parler d'Internet que l'on copie-colle à foison et du soin redoublé de la présentation, exigence de la mise en page pour les Mémoires et autres rapports de stages, C.V. etc.
    Quand à Jésus-Christ,"Il vint à Nazareth où il avait été élevé, entra selon sa coutume le jour du Sabbat, dans la synagogue, et se leva pour faire la lecture. On lui remit le Livre du prophète Isaïe et, déroulant le Livre, Il trouva le passage où il était écrit : L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'Il m'a consacré par l'onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres (...)Il replia le Livre (...)Alors il se mit à leur dire "Aujourd'hui s'accomplit à vos oreilles ce passage de l'Ecriture" st Luc 4,16.
    Jésus ne fait pas fi des références mais il les accomplit. Il en avait une connaissance littéraire certaine et certainement très pointue et, d'accord avec vous, d'autant plus pointue que sa connaissance n'était non pas mnésique -donc de l'ordre de l'auditif- mais bien d'origine intime due au lien d'amour avec son Père, une con-naissance du coeur.
    Pour nous, auditeurs, certes nos oreilles sont sollicitées mais plus encore notre coeur, en cet instant où le Christ nous parle, il y a 2000 ans comme aujourd'hui.
    Toutefois, heureusement que, pour nous et surtout pour ceux qui viendront après nous,la SOURCE scripturaire authentique demeure afin que nous puissions y puiser les paroles de vie éternelle.
    Cette Parole prend alors chair en nous.
    C'est que chacun de nos noms sont écrits dans la paume du Créateur. L'écrit c'est une signature. Dieu même écrit dans sa Création. Si vous voulez, la Parole est Esprit, mais l'écrit c'est la Chair. Depuis que Dieu même s'est fait Chair, comment opposer les deux? il y a là mariage d'amour: on ne sépare pas ce que Dieu a uni.

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