dimanche 10 avril 2011

Lettre du dimanche : Cinquième dimanche de Carême

Petit retard à l'allumage. Mais le texte était prêt le voici... J'en profite pour dire à l'anonyme qui nous explique que Thérèse de l'Enfant Jésus, elle au moins n'allait pas chercher midi à quatorze heures, que justement Thérèse a cherché etr qu'elle a promu une véritable révolution spirituelle, en aidant son époque à sortir du légalisme qui s'était assez naturellement imposé après la Révolution française. Elle a été faite Docteur de l'Eglise et l'Eglise n'a pas l'habitude d'aller chercher ses Docteurs parmi les bécasses et les Répète Jacotte... Il y a une intelligence thérésienne de la foi. Il y a face au monde issu de la Révolution française une révolution thérésienne de l'humilité et de l'amour. Lisez ce que l'on appelle aujourd'hui le manuscrit B dans les Manuscrits autobiographiques et souvenez vous que Thérèse avait 23 ans quand elle a écrit cela sur l'ordre de sa Maîtresse des novices qui était aussi sa soeur. Les soeurs de Thérèse étaient sans doute aussi saintes qu'elle, mais si c'est Thérèse qui a été choisie c'est parce qu'elle a su trouver les mots et prêcher au monde entier sa toute nouvelle voie d'enfance spirituelle...

Fermez le ban... Excusez moi, je me suis un peu animé, mais sainte Thérèse... c'est sacré !

Durant les quinze jours qui viennent, la liturgie se dépouille progressivement. A partir d’aujourd’hui les croix et les images, dans les églises, sont voilées en signe de deuil, car l’Eglise prend le deuil du Christ, mort sur la Croix le Vendredi saint. A l’intérieur du Carême, il y a deux grands moments : les quatre dimanches de Carême, qui viennent de s’écouler, marquent quatre semaines durant lesquelles chacun est renvoyé à lui-même, à sa capacité ou à son incapacité de faire pénitence. A partir d’aujourd’hui, le Carême est plutôt une contemplation du mystère du Christ crucifié.

Pourquoi ce sang ? Et ce supplice ? Même si nous sommes habitués à l’image de la Croix et peut-être aux crucifix qui nous la représentent, cette question se pose, lancinante. Il suffit d’un rien pour faire repartir le débat : souvenons nous du film hyperréaliste de Mel Gibson, La Passion du Christ justement. Souvenons-nous des polémiques qu’il a provoquées… Le Christ en Croix est victime de la polémique qui a enflé contre lui. Mais il crée lui-même la polémique, au point que, depuis le XIXème siècle, pour aseptiser ce scandale, on le supprime et on essaie d’imaginer (comme le faisaient les gnostiques au temps primitifs) un Christ sans croix, un professeur de morale, qui se contenterait de dire – au choix : « Connais-toi toi-même pour découvrir Dieu en toi » (ça c’est le Christ gnostique, une sorte de super Socrate). Ou, dans la version « humanitaire » et pratique d’aujourd’hui, uniquement : « Aimez-vous les uns les autres… ».

Comment comprendre la Croix ? – Comme un sacrifice, au sens liturgique de ce terme. L’extrait de l’épître aux Hébreux qui nous est lu ce dimanche manifeste que la mort du Christ est un sacrifice liturgique : « Le Christ, Grand prêtre des biens à venir, a pénétré une fois pour toutes dans le Sanctuaire, non pas avec le sang des boucs et des taureaux, mais avec son propre sang, ayant acquis une rédemption éternelle ». Il faudrait reproduire ici tout le passage, tellement il est puissant. L’auteur de l’Epître aux Hébreux fait allusion aux sacrifices offerts partout, sacrifices d’animaux ou sacrifices humains. Il évoque plus précisément les sacrifices d’animaux dans le Temple de Jérusalem, détruit en 70 par Titus et jamais reconstruit.

Et il indique la double supériorité du Grand Prêtre Messie : premièrement, il s’offre lui-même. Désormais, à son exemple, le vrai sacrifice n’est plus le sacrifice de l’autre mais le sacrifice de soi. Deuxièmement, il ne meurt pas pour rien, puisqu’il nous acquiert « une rédemption éternelle » en nous offrant ce que l’auteur appelle joliment « les biens à venir ». Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, quelqu’un se lève pour garantir l’à venir, non pas un avenir politique, non pas « l’avenir radieux » ou le Reich pour mille ans des idéologues du XXème siècle, mais notre avenir par-delà la mort… Par sa mort terrifiante, le Christ a apprivoisé la mort. Comme dit Montaigne, il nous a appris à mourir. Il nous a appris qu’on ne mourait jamais « pour rien ». Et par sa résurrection, il nous a offert une vie plus forte que la mort, celle à laquelle on accède par l’amour : « Il n’y a pas de plus grand amour, dit-il, que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».

On comprend pourquoi ce sacrifice du Grand Prêtre Messie a remplacé les sacrifices du Temple, et peu à peu tous les autres sacrifices, qui paraissent archaïques si on les compare à celui-là. La Passion du Christ est vraiment un Printemps de l’humanité, sommée d’abandonner des pratiques obscures pour se reconnaître dans ce sacrifice unique.

Je signale à ceux que ce thème intéresse la réédition toute récente pour moins de 10 euros du petit livre de Joseph de Maistre Eclaircissements sur les sacrifices, aux éditions Carnets de l’Herne.

2 commentaires:

  1. L'anonyme inculte qui a osé citer Ste Thèrèse persiste et signe. Il vous engage à relire les Femmes savantes : Molière se moque de tous ces pseudo-philosophes et de leur jargon ptétentieux.

    M'est avis est que la petite Ste Thérèse se serait plus reconnue dans le solide bon sens de Martine que dans les propos prétentieux d'Armande ou de Philaminte.
    Que le ciel nous garde des Philaminte ou des Trissotin de la théologie(je ne vise personne en particulier mais en général un théologien philosophe qui siège à l'Académie française ainsi que les rédacteurs de la revue thomiste où ce qu'il en reste.)

    Personnellement la lecture de la Bible me suffit.
    J'écris cela en écoutant le quintette avec piano en fa mineur de César Franck que diffuse France-Musique. Un de ses biographes a dit que le compositeur avait une âme d'enfant.

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  2. Pas si facile que l'on croit de passer du "sacrifice de l'autre" au "sacrifice de soi!" Oh, en théorie, bien sûr, nul ne veut sacrifier son semblable. Et pourtant, en pratique, ne le faisons-nous pas beaucoup plus souvent qu'à notre tour et qu'au sien? Faut-il chercher une raison intellectuelle à ce comportement dramatique? Que se cache-t-il derrière la peur de se donner? La peur de lâcher prise, comme on aime à dire aujourd'hui, la peur de nous abandonner, parce que nous confondons l'amour de la vie (dont vous nous avez si bien parlé et qui repose sur la foi comme "force vitale"), avec le fait de nous accrocher à la vie. Aimer la vie, ça non plus, ce n'est pas si facile! L'un de mes amis, toujours le même, me demandait un jour:
    "connais-tu quelqu'un qui aime vraiment la vie?"
    Je lui ai répondu que oui, mais qu'il ne s'agissait pas de moi. Or la personne à qui je pensais et qui aime la vie ne cesse jamais de se donner. Si bien qu'elle se fait prendre, se fait manger, se fait bouffer. On prend sa vie à qui nous la donne, et pourtant c'est lui qui nous la donne. Il y a un rapport intime entre aimer la vie et donner sa vie. Mais le commun des mortels n'est qu'un consommateur de celui qui fait preuve de bonté envers tous. Parce qu'on ne sait pas passer du "sacrifice de l'autre" au "sacrifice de soi", pour si chrétien que l'on se donne. Un chrétien est un confessant, au double sens où il confesse le christ et son péché. Ici, je confesse une faute que j'avoue être la mienne. Je n'entends pas prendre mon cas pour une généralité.

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