vendredi 20 septembre 2013

François : enfin il nous dit tout !

"Un jésuite parle aux jésuites..." C'est ainsi sans doute qu'il faut lire le texte de la longue entrevue donnée par le pape aux revues jésuites (en France la revue Etudes). Ce 19 septembre, un jésuite vêtu de blanc, qui se qualifie lui-même de "fourbe et ingénu" nous dit le fond de son coeur quant à l'avenir de l'Eglise. Parler avec le coeur, en prenant des risques (en prenant le risque de se décrire comme fourbe et ingénu), ce n'est pas banal quand on est pape. Cela mérite donc de notre part à nous, qui sommes les fils de ce pape dans le Seigneur, une particulière attention.

Que nous apprend ce long entretien, pétri de références ignaciennes ?

D'abord je crois il nous apprend que le pape a choisi son homme. Son modèle avoué, sa référence revendiquée, c'est celui qu'il veut canoniser, même s'il n'a pas fait les trois miracles requis par le droit : Jean XXIII. Il choisit Jean XXIII plutôt que Jean-Paul II, qui s'est tant dépensé. Pourquoi ? Il nous le dit. Parce que Jean XXIII a changé peu de choses, mais que ces quelques changements ont introduit un mouvement nouveau dans l'Eglise. Le pape actuel est en train de chercher quelles sont ces choses qu'il lui faut changer pour rechristianiser les catholiques. Il n'est pas sûr qu'il ait trouvé...

Il a été élu d'abord par le cardinal Kasper, auquel il rend d'ailleurs un hommage appuyé dans une de ses premières interventions publiques. Le programme de ce groupe d'influence, c'est la synodalité : il s'agit de faire en sorte que la Curie romaine redevienne ce qu'elle doit être, un pur instrument "au service du pape et des évêques" et qu'un autre organisme, synodal -comprenez représentatif d'une Opinion mondiale dans l'Eglise- serve de principal conseil et de légitimation démophile au pape de Rome. Dans son entretien, le pape reprend le thème de la synodalité. Il fait signe à ceux qui l'ont élu, en les assurant qu'il n'a pas perdu le fil de ce qu'il avait promis, mais que, en même temps, plutôt que des grands changements, il fallait avant tout promouvoir "le changement intérieur des personnes". "Ma première décision est toujours trop hâtive". Bref, pour l'instant, la Commission de huit cardinaux nommés par le pape et qui constitue une sorte d'ébauche de l'avenir a... de beaux jours devant elle. A moins de signes importants, le pape ne changera rien tout de suite. 

Je crois que dans ce coeur à coeur jésuite, le pape nous dit tout ce qu'il pense de son prédécesseur, Benoît XVI. Il a beaucoup d'affection pour lui, beaucoup d'admiration pour la manière dont il a démissionné, ne se sentant pas de taille à affronter les nouveaux problèmes du monde (tout cela est dit) ; mais il semble avoir peu de considération pour son oeuvre théologique, en particulier dans le domaine liturgique (domaine dans lequel Benoît XVI  publié plusieurs ouvrages de référence depuis Un chant nouveau pour le Seigneur). Selon lui, c'est poussé par son entourage que le pape allemand a rétabli le droit du Vetus ordo."Je crois que le choix de Benoît XVI fut prudentiel, lié à l'aide de personnes qui l'entouraient" : pauvre petit pape timide! Il a eu bien du mérite quand même, semble nous dire le nouveau pape.

Son jugement sur la théorie de l'herméneutique de continuité, grand apport de Benoît XVI pourtant, n'est pas plus encourageant : "Il y a eu des lignes de continuité et de discontinuité. Pourtant une chose est claire : la manière de lire l'Evangile en l'actualisant qui fut propre au concile est absolument irréversible". Pour François, manifestement, la discontinuité est un fait, elle n'est pas gênante. Pas plus que la continuité ne constitue par soi une référence. Il cite à ce sujet le Commonitorium de saint Vincent de Lérins, mais le cite à moitié, en insistant sur le progrès constant du dépôt de la foi et en oubliant la vérité contraire : les phrases fortes du Moine de Lérins sur la tradition : quod ubique, quod semper, quod ab omnibus, ce qui est tenu partout toujours et par tous. L'herméneutique de continuité a pour fonction de rendre nouvelles les choses anciennes. Mais pour François les choses anciennes sont définitivement... anciennes ! L'expression même de Vetus ordo utilisée par lui est tout un programme : c'est "le vieil ordre". No future ! Alors quelle est sa référence ? "L'actualisation". Voilà le mot d'ordre, irréversible. Je crois que personne, à ce niveau de la Vie de l'Eglise, n'avait été aussi loin : il faut actualiser le christianisme.

Qu'entend-il par là ? Il faut que le christianisme redevienne une parole vivante pour ne pas devenir irrémédiablement une langue morte, avec ses codes précis et déphasés.

On remarquera dans quel sens précis il emploie le mot "idéologie", comme étant... tout ce qu'il rejette dans un certain vécu ecclésial. "Ce qui est gênant, explique le pape François, c'est le risque d'idéologisation du Vetus ordo, son instrumentalisation". Je ne suis pas sûr que le mot "instrumentalisation" ne vienne pas du jésuite italien qui a réalisé l'entretien. C'est une manière d'expliquer le mot "idéologie", qui est courante aujourd'hui, marxiste : une pensée idéologique est une pensée qui instrumentalise de vieux poncifs (comme Dieu par exemple) pour les mettre au service de la lutte des classes. Pour Dieu : l'instrumentaliser, en faire l'opium du peuple.

Ce n'est pas dans ce sens que le pape a employé le terme idéologie dans la suite de son texte. Lisez donc cette longue citation jusqu'au bout :
"Si le chrétien est légaliste ou veut que tout soit clair et sûr, alors il ne trouvera rien. La tradition et la mémoire du passé doivent nous aider à avoir le courage d'ouvrir de nouveaux espaces à Dieu. Celui qui aujourd'hui ne cherche que des solutions disciplinaires, quoi tend de manière exagérée à la "sûreté doctrinale", qui cherche obstinément à récupérer le passé perdu, celui là a une vision statique et non évolutive. De cette manière la foi devient une idéologie parmi d'autres". 
Ce qu'il dit ici de "l'idéologie" chrétienne rejoint ce qu'il a déjà dit dans d'autres textes d'un "pélagianisme" tout à fait néo. Seraient pélagiens ceux qui se fient trop dans les moyens stables (les recettes) de la religion et qui oublient "le risque de la foi", dit le pape. Il n'a pas forcément tort mais il emploie le mot pélagien dans un contexte très particulier, au sein d'une dialectique foi religion plutôt que dans la perspective classique du couple grâce et liberté. De même ci, il faut être précis : le pape n'emploie pas le mot "idéologie" au sens marxiste d'instrumentalisation, mais dans un sens que j'appellerais volontiers "bergsonien" : est idéologique toute foi qui serait seulement traditionnelle et pas actuelle. "Chercher Dieu dans le passé ou dans le futur est une tentation.(...) Le Dieu concret est aujourd'hui".

Dans cette perspective, tout restaurationnisme est "idéologique" et donc à fuir pour l'Eglise. Je dirais même : pour François, seul le restaurationnisme est idéologique. Ceux qui présentent des solutions toutes faites, expérimentées de longue date, n'ont rien compris à l'impératif d'actualisation qui est dans le concile Vatican II. Ils figent l'actuel dans l'éternel au lieu d'insérer l'éternel dans l'actuel. Comme dit ce grand jésuite qu'est le Père de Caussade (le pape ne le cite pas, mais il déclare préférer "les jésuites mystiques" aux jésuites ascétiques. Caussade doit donc être dans ses papiers) : "L'instant est l'ambassadeur de la grâce divine". Pour le pape, ce qui est (o combien !) valable dans l'itinéraire spirituel d'un individu, doit aussi être valable pour l'Eglise tout entière, qui comme il aime à le dire est "en chemin". On comprend les nombreuses exhortations à l'audace (aux évêques brésilien à Aparecida par exemple) : tout est possible, tout est réalisable sauf la restauration, qui ne saurait être qu'idéologique. Voilà pourquoi le pape (premier pape religieux depuis le camaldule Grégoire XVI) en appelle aux prophètes aux religieux qui sont des prophètes, aux jeunes qui ne doivent pas hésiter à "mettre le bazar" comme il leur a dit à Copacabana.

Ajoutons même si ce n'est pas dit en propres termes que, comme il n'aime pas ceux qui revendiquent un modèle dans le passé, le pape ne semble pas non plus attiré par les bonimenteurs du futur : "Chercher Dieu dans le futur (comme le fit Teilhard de Chardin) est une tentation". Les grandes réformes apparaissent comme des tentations... si elles ne sont pas longuement préparées.

Mais comment, dans ce cadre nouveau défini par l'impératif de l'actualisation, l'Eglise pourra-t-elle demeurer elle-même? Comment pourra-t-on être sûr -malgré les risques d'erreur que comportent de telles règles, le pape les reconnaît volontiers- que Rome reste dans Rome ?

Dans le texte publié par les jésuites, il n'est pas question du rôle normatif de la Tradition. C'est le peuple de Dieu qui est la norme.

"Nous devons cheminer unis dans nos différences, il n'y a pas d'autres solutions" dit le pape à propos de l'oecuménisme. L'orthodromie remplace ici l'orthodoxie. Et l'infaillibilité est celle de "l'ensemble du peuple de Dieu qui est infaillible dans le croire". Se séparer de cet ensemble du peuple de Dieu, c'est donc, pour le pape se séparer de Dieu : "L'image de l'Eglise qui me plaît est celle du peuple saint et fidèle (...) Le peuple est sujet". "Quand le dialogue entre les gens, les évêques et le pape va dans cette direction, il est loyal, alors il est assisté par le Saint Esprit". Je précise que "cette direction" c'est, dans le texte, celle de l'Eglise sujet et du peuple saint, fidèle et infaillible.

Cette ecclésiologie, qui reprend certains éléments de l'ecclésiologie traditionnelle, les isole de telle sorte que le visage de l'Eglise qui nous est donné paraît plus comme un visage rêvé ou fantasmé. Rien sur la crise profonde de la foi chez les fidèles eux-mêmes, qui nécessite plus que jamais peut-être, Jean-Paul II l'avait compris, des interventions du pape et des évêques. Juste une remarque sur les trop nombreux procès en hétérodoxie qui arrivent à Rome et qui devraient être traités dans les diocèses, pour plus d'efficacité et de compréhension.

Tenant ce langage pourtant, le pape revient sur lui-même. En bon jésuite, après avoir proposé l'image de "l'Eglise qui lui plaît", il fait immédiatement son examen de conscience : "Il faut rester bien attentif et ne pas penser que cette infaillibilité de tous les fidèles, dont je suis en train de parler à la lumière du Concile, soit une forme de populisme. Non : c'est l'expérience de notre Sainte Mère l'Eglise hiérarchique comme dit saint Ignace". Il a dû en coûter à ce péroniste de toujours, qui, provincial des jésuites recasa autant qu'il pouvait les camarades militants après la mort de Peron en 1976, de reconnaître qu'il ne pouvait pas être populiste, étant pape.

Il me semble que cette fois François nous a tout dit. Que fera-t-il ?

Je suis d'accord avec l'abbé Barthe pour penser qu'il fera peu de choses pour l'instant - sauf, dirais-je à l'abbé Barthe, contre le restaurationnisme : cela semble clair depuis qu'il a obligé les Franciscains de l'Immaculée à tous célébrer le Novus Ordo. Le pape a-t-il tort de s'en prendre aux restaurationistes ? Il a tort de les prendre pour les seuls idéologues de la chrétienté à une époque où, sous l'égide de Vatican II mal lu, disons 60 % des évêques sont dans ce discours cristallisé et immobile que François appelle idéologie. Il a tort d'en faire (une fois de plus) les boucs émissaires. Mais il a raison de souligner que la restauration ne mène à rien. La fidélité des chrétiens aux formes de la Tradition catholique est une fidélité toujours nouvelle, dans un contexte nihiliste qui est, lui en tout cas, absolument nouveau et dont les traditionalistes ont souvent pris la mesure avant les autres chrétiens (Jean Madiran est un exemple de cette lucidité).

Les contradictions entre la pensée et le réel, entre l'Eglise qu'il aime et l'Eglise qui est sont trop nombreuses pour que François agisse autant qu'il aimerait le faire. Reste qu'il voudra faire avancer le Vaisseau Eglise par quelques gestes forts. Comme Jean XXIII. Pour l'instant le pape essaie des mots (sur les homosexuels), des signes (sa 4L), mais attention : il est à la recherche de ces gestes qui changent tout, moyennant un investissement purement symbolique. Pourquoi symbolique ? C'est que l'Eglise d'aujourd'hui n'a pas les moyens de se payer un Vatican III, il le sait.

Que feront les traditionalistes ? Montrer qu'ils sont là où on les attend : des restaurationnistes ? Ce serait suicidaire. Dans cette Eglise populaire, leur place dans les vieilles chrétientés est considérables. Ils sont partout et ils sont porteurs de la radicalité chrétienne. La Tradition liturgique, qui est le langage que l'Epouse tient à son Epoux divin, doit continuer à être parlée aujourd'hui : elle manquerait au coeur de l'Eglise orante de façon dramatique. La tradition théologique dans sa plus grande amplitude, comme l'a souhaité Vatican II contient les réponses que le monde attend des chrétiens. Loin d'être des restaurationnistes nostalgiques d'un ordre disparu, qui n'avait d'ailleurs pas que des qualités, les traditionalistes aujourd'hui sont nécessaires à la Révolution chrétienne. C'était le 18 juin dernier, pour nous Français cette date est pleine de sel : le pape décrétait la Révolution chrétienne.Mais qu'est-ce que la Révolution chrétienne ? Si ce n'est pas un mot de plus, si ce n'est pas un machin qui fait flop, dans un premier temps, nous explique François, c'est le retour de chacun à sa rencontre avec le Christ, à l'authenticité de sa vie intérieure. Dans un second temps, c'est le retour de chacun à la radicalité de l'Evangile et à sa Transmission immarcescible. Si le pape François est aujourd'hui tellement populaire, c'est que, volens nolens, de tout son coeur de jésuite, il porte le retour à cette Tradition véritable.

22 commentaires:

  1. Depuis hier soir que j'ai découvert les propos du Pape François, largement relayés, y compris par les mass medias, je surveillais le Metablog, ou le blog de Madame Jeanne Smits....et bien je ne suis pas déçu, cher MAG2T, par cette analyse que vous venez de poster, et je suis sûr que vous avez bossé toute la nuit, pour nous offrir cette magnifique interprêtation d'une interview papale, qui fera date.

    Comme souvent sur le Metablog, je suis enchanté par la finesse de l'analyse, la fluidité de la pensée qui ne se laisse pas embrigader par quelque conformisme tradi-incompatible que ce fût, tout en sabrant hardîment une Révolution chrétienne qui risquerait un grand flop.

    Bref, Monsieur l'Abbé, je crois que vous admîrez notre Saint-Père pour ses audaces, qui rejoignent si bien vos espérances, pour la plus grande gloîre de Dieu.

    (et vous savez si bien traduire pour nous, le fracas de ces combats spirituels, qui nous parviennent assourdis mais continuent à nous tarauder le coeur et l'esprît, sinon l'âme)

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  2. Monsieur l'abbé, j'attendais votre commentaire, et je craignais pour vous que vous ne tentiez malgré tout de "traditionnaliser" le pape François. Merci pour cette lecture honnête, et qu'on sent ébranlée. Je me permets deux ou trois résonances:

    a) le pape, ce n'est que le pape. Il n'est ni le Christ, ni l'Eglise. Un autre le précédait, un autre le suivra, et chacun d'eux devrait dire au début de son service: "je ne pourrai mettre ma personnalité tout-à-fait de côté, je rendrai heureux certains fidèles, je rendrai la vie difficile à d'autres"...
    Pour François, plus çà va et plus sa voix me parle d'Evangile - de façon bousculante et réjouissante.

    b) j'imagine - non sans compassion, croyez-moi - que pour vous et beaucoup de vos amis, ce soit au contraire une désillusion: non, on ne va pas déconstruire Vatican II, et au lieu de "réformer la réforme", on va l'approfondir.

    c) Pour ma part, la réorientation la plus évidente et la plus importe est celle qui se détourne de la focalisation sur les questions conjugalo-sexuelles, sur lesquelles l'Eglise a tenté d'asseoir son pouvoir social depuis les XII°s, avec regain au XIX°-XX°-XXI° - ce qui l'a rendue inaudible dans son annonce de l'Evangile. En contraste, l'obsession par le sexe est remplacée par la désignation du règne de l'argent et du confort comme fondations de l'injustice et de l'égoïsme. S'il devait durer, ce serait un basculement semblable à celui opéré par François d'Assise, qui fait passer d'un christianisme féodal à un christianisme de dépouillement.

    d) enfin, comme je vous le suggérais dès le début du pastorat de François, n'est-ce pas le moment de se livrer à un discernement - qui est toujours démasquage des fantasmes et acceptation de la réalité ? Fantasme: la restauration socio-politique à la Maurras et ecclésiastique à la Lefèvre. Réalité: cahin-caha, l'inouï de Jésus-Christ a trouvé dans le mouvement conciliaire un appui durable, en se plongeant dans un monde au lieu de prétendre le raser et le reconstruire sur plans doctrinaux. Là est pour longtemps, et sans retour en arrière possible, la vitalité de notre foi.
    Cela signifie-il, pour le mouvement tradi, qu'on se rapproche du moment où il faudra, soit assumer le schisme, soit abandonner son triste double-jeu ( hyper-romain-anti-concilaire: je pense à l'abbé Laguérie)? Peut-être.
    Mais peut-être aussi approche un moment d'approfondissement de la pluralité possible dans l'unité ecclésiale. Seulement, pour s'en réclamer sans hypocrisie, il faudrait que les tradis acceptent pour les autres, au lieu de les dénoncer pour hérésie sur touts les tons, cette "réception critique" du magistère historique et vivant qu'ils réclament pour eux. Bref, qu'ils changent, non seulement d'ecclésiologie, mais de théologie de la Vérité. Dur, dur...

    Pax et bonum !

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  3. Votre réaction, qui n'est pas inintéressante, est "à chaud".

    Vatican III, certainement pas mais Buenos-Aires I ?

    Depuis saint Pierre, François est le premier évêque de Rome non-européen. Il ne voit pas l'Eglise comme ceux qui sont rivés à une vision purement romaine. Aimant les symboles ce n'est pas pour rien qu'il a choisi de ne pas vivre dans les appartement pontificaux : il veut montrer qu'il ne met pas ses pas dans ceux de ses prédécesseurs et peut-être aussi qu'il n'est pas un pontifex maximus mais un frère évêque.

    Aucun de ces gestes n'est anodin : c'est un jésuite et tout est longuement pensé, cadastré. Autre symbole important : l'entretien de François a été publié uniquement dans des revues jésuites.

    Maintenant cet homme nous étonnera, comment? Dieu seul le sait même si François ne le sait (probablement) pas encore.

    Je n'ai pas encore lu attentivement son article mais je crois qu'il faudra en analyser et décortiquer chaque mot à froid.

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  4. Dès le début, j'ai été réticente, est-ce parce que je n'arrivais pas à me séparer de Benoit XVI ? j'étais triste de sa renonciation même si elle ne m'a pas surprise car plusieurs fois en filigrane le pape avait évoqué cette tentation, mais je pensais que cela ne pourrait se réaliser. Il l'a fait et même si j'ai interprété ce geste dans sa grandeur et non dans les imbécillités lues dans les journaux, je n'ai pas participé du tout à l'euphorie générale, je suis restée méfiante et un peu "indifférente" . Depuis plusieurs mois, cette réticence s'est accentuée : d'abord parce que sur le plan de la religion, je m'aperçois qu'intellectuellement et spirituellement, je ne suis plus stimulée par le haut. Ce pape fait (c'est moi la fautive) "baisser le soufflet", Benoit XVI "le timide", "le réservé" provoquait, sans le vouloir d'ailleurs, parce qu'il était d'une haute envergure intellectuelle. Il suscitait des débats et nous mettait toujours en mouvement. Depuis pour moi, la mollesse et l'à quoi bonisme reviennent (je sais François n'y est pour rien mais depuis qu'il est là, je suis dans cet état et j'y vois un signe). D'abord, parce que je sens revenir de vieux débats ennuyeux et poussiéreux (célibat des prêtres, etc..) qui sentent les années 60 et je me mets à bâiller. Je voyais revenir le "religieux" et revoilà le christianisme babasse et démo-chrétien et des discours "politiciens" qui sentent le compromis et la démagogie. Ces discours qui plaisent tant à la "médiacratie", ce pape "normal" qui roule dans sa petite voiture me désespère comme française. On a déjà dans notre pauvre royaume de France, un personnage de Labiche, on se tourne vers l'Eternel et Rome nous offre aussi une image de normalité et de ton bonhomme angoissants.
    Alors qu'on a assisté avec les deux papautés précédentes à la naissance chez nous d'un néo-catholicisme jeune et dynamique, tous ces propos vont conduire à quoi ? le catholicisme français doit continuer sa révolution culturelle et ne pas retourner aux vieilles lunes des années 60 qui l'ont complètement néantisé. Alors que faire ?
    De plus, je me pose des questions, je pensais la renonciation grande par l'acte d'un homme mais ne l'a-t-on pas poussé à ce geste quand on voit la suite ? n'est-ce pas le résultat d'une révolution de palais (quand on pense à la solitude de Benoit XVI et les cinq ans terribles qu'il a dû affronter ??).
    Et puis j'en veux à ceux qui n'ont pas su répondre au geste de ce pape et qui finalement au lieu de le soutenir l'ont laissé au milieu des loups. Maintenant, ils vont nous dire : "vous voyez, nous avions raison de ne pas nous précipiter, nous gardons seuls dans sa pureté la sainte doctrine". Et voilà tout redevient comme avant : François I normal en France, François I normal à Rome.
    Le pape François est si populaire parce qu'il donne au monde l'impression de se rendre à lui, espérons qu'il ne s'agisse que d'une "impression" et qu'il apprenne quelles sont les forces en face de lui.
    D'accord avec Monsieur l'abbé, les traditionalistes ne peuvent être restaurationnistes au risque de mourir, c'est une révolution traditionaliste qu'il faut, il me semblait qu'elle commençait à marquer des points culturels et que ces derniers temps elle avait même gagner des batailles intellectuelles dans la rue.
    Patricia

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  5. ""Il faut rester bien attentif et ne pas penser que cette infaillibilité de tous les fidèles, dont je suis en train de parler à la lumière du Concile, soit une forme de populisme. Non : c'est l'expérience de notre Sainte Mère l'Eglise hiérarchique comme dit saint Ignace". Il a dû en coûter à ce péroniste de toujours, qui, provincial des jésuites recasa autant qu'il pouvait les camarades militants après la mort de Peron en 1976, de reconnaître qu'il ne pouvait pas être populiste, étant pape."
    François a été provincial des jésuites d'Argentine de 1973 à 1979. Il a donc vécu en première ligne cette période de feu et de sang. Il y avait, et il y a encore, de tout dans le péronisme. Des nazis pur jus comme Evita, des mages d'extrême-droite comme Lopez Rega, des crypto-communistes comme Firmenich et ses potes montoneros, et aujourd'hui des néo-cons francs-macs comme la mère Kirchner. Où se situe là dedans François Ier? Difficile à dire. Ces années infernales l'ont rendu prudent, cauteleux, rusé et faussement naïf, plus jésuite que nature. Un historien sérieux devrait écrire un bouquin intitulé : "Bergoglio, 1973-79".

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    1. François dit que durant cette période il n'a pas été à la hauteur car trop autoritaire. Toutefois il précise qu'il n'a jamais été "de droite" (étrangement le mot italien "destra" a été traduit dans la version française par "conservateur" ce qui ne signifie pas la même chose). Moi je suis conservateur mais certainement pas de droite au sens politique du terme.

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    2. Bien vu ! Dans notre déluge médiatique, le manque d'informations véritables est criant. Le "péronisme" est quelque chose de très complexe, et très difficile à comprendre pour nous. Et (donc) l'itinéraire du pape Bergolio aussi. Quelqu'un a des références sérieuses ?

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  6. Sans rapport aucun avec le sujet :

    SVP, ferez vous un jour une conférence sur Marcel Proust ?

    Je suis sure que vous sauriez nous passionner.

    Cdt.

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  7. " Vous reprendrez bien encore un peu de catholicisme conciliaire des années 60?" Voilà tout ce qu'a trouvé ce pape: nous resservir un plat mal conservé, mal réchauffé, et qui a dépassé la limite de conservation. Revoilà le progressisme des années 60-70, avec son sentimentalisme niais ("Toi le pauvre, l'étranger, le petit, le mal aimé..."), ses ritournelles questionneuses où la stupidité du texte le dispute aux imprudences de la note ("Reviendra-t-il marcher sur nos chemins..."),ses traductions pléonastiques, équivoques, ou blasphématoires(dans le Notre Père par exemple), ses compromissions avec des idéologies mortifères (personnalisme,existentialisme, marxisme). Et bien entendu, au lieu de canoniser Pie XII, c'est Johnny Walker qu'on va canoniser, alors qu'il fut le principal cuisinier de ce plat indigeste. Est-ce que la débandade des fidèles et la déroute des vocations religieuses ne suffisaient pas? Il se précipite à Lampedusa pour encourager l'invasion de l'Europe (imaginons un instant Pie XII se précipitant en Belgique en mai 1940 pour accueillir les blindés allemands !). Il interdit la messe de St Pie V à un ordre religieux irréprochable(en attendant de l'interdire à tous), et il conseille aux jeunes des JMJ de "mettre la pagaille", c'est à dire le désordre. Comme si le désordre était un Bien, était l'œuvre de Dieu. On m'a pourtant appris que c'était le contraire. Sans doute, en cela, suis-je "restaurationniste".
    Bravo à Metablog pour cette exégèse claire et lumineuse de cet indigeste plat jésuitique. Au moins désormais, les choses sont claires et nous saurons choisir notre camp. Saint Michel Archange, de votre épée défendez-nous !

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    1. Moi voic mon cantique préféré :

      "OUS AVONS VU LES PAS DE NOTRE DIEU
      CROISER LES PAS DES HOMMES ;
      NOUS AVONS VU BRULER COMME UN GRAND FEU
      POUR LA JOIE DE TOUS LES HOMMES"

      Le feu fait évemment allusion au Saint-Esprit. Il faudrait que les comptenteurs de nos cantiques en français modernes poussent un peu plus loin l'analyse car il faut les interpréter au 2ème ou au 3ème degrés.

      Entre le chat grégorien qui ne veut rien dire et nos cantiques des années 70 i n'y a pas photo. Non vous ne repeuplerez pas nos églises avec de chants en latin mzaios avec des chants actuels qui parlent aux hommes et aux emmes de notre temps. signé : temps présent. Comprenne qui pourra.

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  8. Les traducteurs "hérétiques" Protestants du concile font encore recettes. Mais françois ne se dit-il pas lui même Eveque de Rome.

    Le siège serait-il spirituellement vacant ?

    Le plus surprenant sera les critiques vis à vis de notre Pape Emerite Benoit XVI .....

    Attendons la suite ............ Les portes de St Nicolas sont TOUJOURS ouvertes .......

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  9. .../... Et si ils veulent une Eglise pauvre, (liturgiquement et temporellement) et bien nous allons leur couper les vivres ..............

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  10. Cher anonyme,

    le chant grégorien "ne veut rien dire"? ai-je bien lu? Mais c'est le texte même des Psaumes (vérifiez dans votre missel,la référence y est), ou alors c'est du St Thomas d'Aquin (ex: Tantum ergo, Adoro te devote....). Et "Ubi caritas et amor, Deus ibi est", cela ne "veut rien dire" ?
    Ce qui fait la beauté d'un chant d'Eglise, c'est la spiritualité qui l'inspire. Et puisque vous citez un chant qui fait allusion au St Esprit, revoyez (ou écoutez) le splendide "veni Sancte Spiritus", que l'on chante à genoux au moment de l'Offertoire de la Pentecôte. Ce qui est lié aux modes d'une époque plait un moment, mais vieillit très rapidement. Préférons ce qui ne vieillit jamais car reflétant la jeunesse éternelle de Dieu.

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  11. AU COEUR DE CE MONDE,LE SOUFFLE DE L'ESPRIT
    MET EN OEUVRE AUJOURD'HUI DES ENERGIES NOUVELLES

    n'est pas mal non plus. Quand j'entends cela,mon esprit à moi divague vers des visions d'éoliennes géantes toutes proches

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    1. Un peu minable comme critique.

      Le souffle de l'esprit = pneuma.

      Les énergies nouvelles = l'énergie que Dieu nous insuffle.

      A la Pentecôte c'est bien le souffle de l'Esprit qui a conduit tous les gens à croire.

      La musique de ce cantique est d'ailleurs très belle.

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    2. Oui, cette musique est de Jacques Berthier. Chanté par un choeur à 4 voix ça a vraiment "de la gueule".

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    3. Ecoutez M'sieur l'anonyme. On ne nous mettra pas d'accord. Je suis comme Hatchepsout, je préfère le grégorien. Je suis certain que l'abbé GdeT pense comme moi à ce sujet. Je me souviens de ses duos avec l'abbé Laguérie aux vêpres du dimanche à St Nic : superbe. Je ne connais pas Jacques Berthier. Je connais mieux Gouze qui a amélioré le chant des clarisses qui avait sombré après le concile. Cela reste tout de même assez pauvre. Les plus anciennes regrettent elles aussi, sans trop le dire, le grégorien. Pour ce qui est du souffle de l'esprit, j'avais compris. Mais la formulation en "énergies nouvelles" a un côté pataud qui me fait sourire. Sans rancune!

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    4. @Anonyme du 23 à 20:54
      D'accord avec Marcos, Hatchepsout et Anonyme du 22 à 15:28. Les énergies Nouvelles correspondent à la Nouvelle évangélisation de la Nouvelle Pentecôte, celle de CVII, des JMJ de la Nouvelle musique liturgique, où souffle le Nouvel Esprit, c'est-à-dire l'Esprit Nouveau, l'Esprit de la Nouveauté, des nouveautés...
      Le chant grégorien est le chant de l'Esprit de l'Ancienne Pentecôte (vetera), de l'Ancienne Messe (vetus ordo), Tout se tient, l'un ne va pas sans l'autre.

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  12. Cher abbé

    Comme vous devez être heureux, n'avons nous pas un Pape virtuose de la phraséologie très l'énnéagramme ?

    De son interview le Tres Saint Pere reprend la methode : assener entre deux bonbons une sentence bien amoraliste sinon immoralistes histoire de paumer le Catholique qui saurait encore quelque goutte de son Catéchisme.

    Je crois M. L'abbé que vous vous avez été séduit par l'énnéagramme, comment trouvez vous ces exemples ?

    - La pensée de l’Église, nous la connaissons, et je suis de l’Église,
    mais il n’est pas nécessaire d’en parler en permanence. (pas mal pour un Pape, nous voilà bien gardé par notre Pasteur)

    - Les enseignements, tant dogmatiques que moraux, ne sont pas tous équivalents.(Pourrait on donc croire a certains et en délaisser d'autres !)

    - Ce qui est préoccupant, c’est le risque d’idéologisation du Vetus Ordo, son instrumentalisation.(nous aurions aimé savoir un peu plus ce qui dans la Messe des Saints fait peur ? de quelle idéologie parle t'il ? du Catholicisme bien sur)

    - Si quelqu’un dit qu’il a rencontré Dieu avec une totale
    certitude et qu’il n’y a aucune marge d’incertitude, c’est que
    quelque chose ne va pas. (Pour un Pape voilà un enseignement ! l'énnéagrammesque)

    - Les grands guides du peuple de Dieu, comme Moïse, ont toujours laissé un espace au doute.
    (Alors là je suis baba ! Saint Paul, Moise, Elie revenez vite au secours, ils sont devenus fous !)

    - Si le chrétien est légaliste ou cherche la restauration,s’il veut que tout soit clair et sûr, alors il ne trouvera rien. (Sans doute la maxime la plus grandiose ... de quelle restauration parle t'il ? du Christ Roi car restauration induit royauté, si un Pape ne veut pas de son Roi alors est il encore lui même Pape ?


    - ...la pensée de l’Église doit retrouver son génie et comprendre toujours
    mieux comment l’homme s’appréhende aujourd’hui. (C'est du Paul VI à tendance l'énnéagramme)

    Pauvre Sœur Lucie qui ne fut pas crue, nous sommes cuits.

    Pour vous plagier sur ce blog, M. l'abbé, je recommande à la Chrétienté d'acheter les derniers exemplaires encore disponibles du livre de M. Joseph de Bellefont (Mystères et vérités cachés du troisième secret de Fatima).

    In Christo Rege

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  13. Sûr ça déroute. Mais je me rassure en me disant qu'il y a des paraboles du Christ que je n'ai pas compris du premier coup et dont j'ai accepté qu'on me les explique.
    Dans le récit de l'incroyable aventure de Shackelton, ce navire pris dans les glaces de l'Antartique au début du 20 éme siècle, lorsque ce Capitaine décida son équipage de quitter le navire, encore en bn état ( pour combien de temps?) pour partir sur la banquise en trainant et poussant les embarcations de sauvetage, plus d'un de ces marins ont pu s'interroger.
    Ils reviendront TOUS vivants aprés une incroyable aventure.
    Alors un Pape ....

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  14. Em 24.9.2013

    Moi, je pense que la principale chose au cristianisme c`est suivre les enseignements du Christ., qui sont dans l´Évangile. Il y a quelques choses très difficiles aux peuples d´aujourd`hui : aimer son prochan comme à soi même, en vérité. (quelle chose difficile pour nous dans notre temps !)Et encore pire : aimer les ennemis. Connaissez-vous n´importe qui qui aime ses ennemis ? Si vous les connaissez, voulez-vous me présenter ces raretés, s´il vous plaît.
    Car ce que je vois dans notre église, c´est tout une grand discussion du genre « mon côté qui est juste. » Toujours la même chose... Prêtres qui se battent honteusement en raison de l ´utilisation ou non-utilisation du latin ; qui se battent à cause du format d´une messe, etc, qui donnent un exemple terrible d´une inimitié féroce.
    Pense que François ne fera pas des changements importants, car personne ne prendra rien au sérieux, mais vont continuer à se battre.
    Un jour, j´ai lu une intervew d`un prêtre rallié (ex fsspx) que disait : « N´aidez pas personne dans l ´église avec de l´argent, car la vérité est seulement avec nous, tout les autres sont des traîtres et des faux chrétiens... » Quelle folie !! Quand vont les hommes comprendre que tout ce qui divise vient du démon, et non de Dieu ? N´a pas dit le Christ qu´un royaume divisé ne subsiste pas ? Et n´a-t-il pas dit qu´il serait avec l´église par toujours ? Si Christ a le control de tout dans Ses Mains, porquoi les hommes insistent à faire la guerre à l´autre ? Stupidité ou de la maladie ?
    J´aime la tradition, mais je déteste le fanatisme. J´aime le chant grégorien, mais j ´écoute aussi d´autres chants. Comme ici nous avons seulement une messe traditionnel par mois, je vais aussi à la nouvelle messe. Je cherche le Christ, pour moi ne m´importe pas si le prêtre est blanc ou noir, jeune ou vieux,gros ou maigre, etc.
    Je crois que quand nous serons devant le Christ, pour notre jugement, il ne nous demandera pas : « Vous étiez traditionaliste, moderniste, rallié, sédevacantiste , etc ?»
    Je crois qu´il va surtout nous demander : « Avez-vous aimé votre prochain ? Avez-vous aimé vos ennemis ? « Etc, etc. Voyez dans la Bible : « J´avais faim et vous m´avez donné à manger, j´ai eu soif et vous m´avez donné à boire », etc, etc. Et les phrases négatives dans le même sens. Il va nous juger par l´amour que nous avons eu ou non.
    M. l´abbé, je suis d´accord avec beaucoup de choses que vous avez écrit.
    Le problème est : l´église marchera dans le chemin de l´Évangile ou dans le chemin des idées purement humaines ? Je vais essayer de traduire un beau texte qui j´ai déjà mentionné ici. Et vous enverrai. C´est très interessant pour notre époque, bien qu´il ait été écrit il y a plus de trois cent ans.
    N.N.

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  15. M. l´abbé, je vous envoye le texte. (Il fait part d´un sermon). C´est beaucoup difficile de traduire un texte baroque ; et par ailleurs, je ne suis pas bon dans la langue française. Corrigez, s´il vous plaît. L ´important, si je réussit de vous faire comprendre le plus important du texte, c`est que l´écrivain parle de l´ÉQUILIBRE, de savoir « doser » nos passions. De savoir connaître où sommes-nous équilibrés ou désequilibrés. (Dans ce temps là n´existait pas la psychiatrie ou les sciences connexes !).
    Ne pensez pas que ce ancient prêtre était parfait : il a commis beucoup d´erreurs, comme nous montre sa biographie. Il était un homme comme les autres : avec ses forces et sa faiblesse. Il a aussi lutté contre l´esclavage des indiens et de noirs, au XVII siècle, et d´autres choses. Ci-dessous le texte, j´ai conservé l´expression latine original à la fin du texte.
    N.N.

    Amour et haine


    “Les passions du coeur humain, comme les divise et énumére Aristote, sont onze. Mais elles se résument toutes à deux principaux : amour et haine. Et ces deux affections aveugles sont les deux pôles sur lesquels le monde tourne, pour cela si mal gouverné. Ils sont ce qui pèsent les mérites, ils sont ce qui qualifient les actions, ils qui évaluent les cadeaux, ils qui partagent les fortunes. Ce sont eux qui ornent ou décomposent, ce sont eux qui font ou annihilent, ce sont eux qui peignent ou ne peignent pas les objects, en donnant ou en supprimant à son arbitre la couleur, la figure, la mesure et de même l ´être et la substance, sans aucune autre distinction ou jugement qui hair ou aimer.
    Si les yeux voient avec l´amour, le corbeau est blanc ; si avec haine, le cygne est noir ; si avec l´amour, le démon est beau, si avec haine, l´ange est laid ; si avec l´amour, le pygmée est géant, si avec haine, le géant est pygmée. Si avec l´amour, ce que n´existe pas existe, si avec haine, ce que existe et est bon qui soit, ne le sera jamais. Pour cela on voit avec perpétuel clameur de la justice les indignes soulevés et les dignités abattus ; les talents oisifs et les incapacités avec autorité ; l ´ignorance diplomée et la science sans honneur ; la faiblesse avec le bâton et la valeur placée dans un coin ; le vice sur les autels et la vertu sans culte ; les miracles accusés et les miraculeux accusés. Peut y avoir plus violence de la raison ? Peut y avoir plus grand scandale de la nature ? Peut y avoir plus grand destruction de la république ? Tout cela c´est ce qui fait et annule la passion des yeux humaines, aveugles quand ils se ferment et aveugles quand ils s´ouvrent ; aveugles quand ils aiment et aveugles quand ils hainent ; aveugles quand ils approuvent et aveugles quand ils condamnent ; aveugles quand ils ne voient pas, et quand ils voient, encore plus aveugles : ut videntes caeci fiant. «

    P. Antonio Vieira, séc. XVII.

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