Le Frère Thierry avait organisé son affaire au petit poil : chorale orthodoxe, conférences et petits fours au Centre Saint Paul, avec un public varié mais passionné. Superbe chorale, m'a-t-on dit. J'ai assisté à une très belle communication de M. Marchadier sur les Récits d'un pèlerin russe. Il évoqua la ressemblance avec Ignace de Loyola, au moment où son exposé m'y faisait penser. Inigo (son nom basque) était une sorte de pèlerin russe avant la lettre. Il a d'ailleurs fait le voyage à Jérusalem, après deux ou trois ans de "conversion" terribles. A ce propos je vous recommande le très beau livre qui vient de sortir dans la collection blanche Gallimard sur Inigo : le siège de Pampelune et les premières années de la conversion : "J'ai longtemps détesté Ignace de Loyola" nous dit l'auteur. il nous le fait aimer. Procurez-vous ce livre, ou, à défaut, le Récit du pèlerin [ce pèlerin là n'est pas russe mais basque], passionnante autobiographie d'Ignace de loyola, si loin de l'image qu'auront les jésuites plus tard [en particulier dans la pensée russe].
J'avais eu l'imprudence d'accepter moi même un topo sur Nicolas Berdiaev, ami de Maritain et de Mounier, assidu au salon catho-décalé de Raïssa Maritain : il venait de Clamart (où il résidait) à Meudon, la maison des Maritain, pedibus cum jambis, seul avec ses pensées à l'aller et embauchant un commensal comme oreille attentive pour le retour... On dit qu'Emmanuel Mounier l'accompagnait fréquemment. Est-ce durant ces promenades, qu'en péripatéticiens, ils auraient mis au point le personnalisme ? Berdiaev participe au premier numéro de la revue Esprit, foindée par Emmanuel Mounier, avec - déjà - l'idée : que faut-il retenir du communisme ? Il fera scandale en 1945, en acclamant Staline, le petit père des peuples. Mais en 1918 il écrit le livre le plus antirévolutionnaire qui soit : De l'inégalité, rédigé dans l'esprit de Joseph de Maistre qu'il cite d'ailleurs à plusieurs reprises. On se souvient que Maistre fut ambassadeur de Savoie à Saint-Pétersbourg pendant au moins dix ans... Ce qui est bien avec les Russes, c'est qu'ils ne sont jamais là où on les attend ! Berdiaev en est un exemple frappant.
J'ai beaucoup bouffé du Berdiaev, ces derniers jours et vous fais part de ma science neuve : ce qui m'a passionné chez lui, au-delà de ses zig-zags distrayants, c'est son personnalisme "métaphysique", dont il disait que c'était un personnalisme "aristocratique" (cet aristocrate russe avait une grand mère Choiseul). Pour lui, l'individu devient une personne quand il est mis en face de l'Infini et qu'il participe de sa faculté créatrice. Ceux qui sont devenus des personnes - qui ont expérimenté l'Infini d'une façon ou d'une autre, qui ont perçu quelle volonté nouvelle devait animer leur existence face à ces nouveaux horizons, ceux là sont appelés au Royaume de Dieu. Le Royaume de Dieu est composé de personnes [Marcel De Corte qui lui a peut être emprunté l'idée, dit que l'Eglise est la seule société de personnes]. La re-création qui caractérise le baptême signifie le passage de l'individu (simple partie d'un tout humain) à la personne (mystère inconnaissable que seul l'amour peut apercevoir).
Je trouve Berdiaev tout à fait caractéristique (au-delà de ses excès) de l'identité chrétienne de l'Orient et de l'Occident. Il essaie de montrer ce qu'il appelle la dimension "ontologique" du Royaume de Dieu. Le Royaume de Dieu n'est pas le récit d'une belle histoire à laquelle on croit ou à laquelle on ne croit pas (comme tu veux, tu choisis). C'est une modification de l'être même de chaque personne, c'est ce qui permet aux personnes de se saisir de leur responsabilité personnelle devant l'Infini créateur. Le christianisme est une histoire de métamorphose : dans le Christ, dans la foi au Christ, nous sommes transformés en hommes-dieux. Dans le Christ nous devenons éternels. Ego dixi : dii estis. Le voulons-nous ? - Il suffit de le vouloir !
J'avais eu l'imprudence d'accepter moi même un topo sur Nicolas Berdiaev, ami de Maritain et de Mounier, assidu au salon catho-décalé de Raïssa Maritain : il venait de Clamart (où il résidait) à Meudon, la maison des Maritain, pedibus cum jambis, seul avec ses pensées à l'aller et embauchant un commensal comme oreille attentive pour le retour... On dit qu'Emmanuel Mounier l'accompagnait fréquemment. Est-ce durant ces promenades, qu'en péripatéticiens, ils auraient mis au point le personnalisme ? Berdiaev participe au premier numéro de la revue Esprit, foindée par Emmanuel Mounier, avec - déjà - l'idée : que faut-il retenir du communisme ? Il fera scandale en 1945, en acclamant Staline, le petit père des peuples. Mais en 1918 il écrit le livre le plus antirévolutionnaire qui soit : De l'inégalité, rédigé dans l'esprit de Joseph de Maistre qu'il cite d'ailleurs à plusieurs reprises. On se souvient que Maistre fut ambassadeur de Savoie à Saint-Pétersbourg pendant au moins dix ans... Ce qui est bien avec les Russes, c'est qu'ils ne sont jamais là où on les attend ! Berdiaev en est un exemple frappant.
J'ai beaucoup bouffé du Berdiaev, ces derniers jours et vous fais part de ma science neuve : ce qui m'a passionné chez lui, au-delà de ses zig-zags distrayants, c'est son personnalisme "métaphysique", dont il disait que c'était un personnalisme "aristocratique" (cet aristocrate russe avait une grand mère Choiseul). Pour lui, l'individu devient une personne quand il est mis en face de l'Infini et qu'il participe de sa faculté créatrice. Ceux qui sont devenus des personnes - qui ont expérimenté l'Infini d'une façon ou d'une autre, qui ont perçu quelle volonté nouvelle devait animer leur existence face à ces nouveaux horizons, ceux là sont appelés au Royaume de Dieu. Le Royaume de Dieu est composé de personnes [Marcel De Corte qui lui a peut être emprunté l'idée, dit que l'Eglise est la seule société de personnes]. La re-création qui caractérise le baptême signifie le passage de l'individu (simple partie d'un tout humain) à la personne (mystère inconnaissable que seul l'amour peut apercevoir).
Je trouve Berdiaev tout à fait caractéristique (au-delà de ses excès) de l'identité chrétienne de l'Orient et de l'Occident. Il essaie de montrer ce qu'il appelle la dimension "ontologique" du Royaume de Dieu. Le Royaume de Dieu n'est pas le récit d'une belle histoire à laquelle on croit ou à laquelle on ne croit pas (comme tu veux, tu choisis). C'est une modification de l'être même de chaque personne, c'est ce qui permet aux personnes de se saisir de leur responsabilité personnelle devant l'Infini créateur. Le christianisme est une histoire de métamorphose : dans le Christ, dans la foi au Christ, nous sommes transformés en hommes-dieux. Dans le Christ nous devenons éternels. Ego dixi : dii estis. Le voulons-nous ? - Il suffit de le vouloir !
Merci Monsieur l’Abbé de ces commentaires donnés en vrac , mais vibrants sur Berdiaev qui éclaire bien les débuts du personnalisme et que l’individu devient une personne quand il est mis face à l’infini.
RépondreSupprimerPeut être pourrait-on rappeler l’influence de Dostoïevski qui l’ a durablement influencé (Berdiaev lui a d’ailleurs consacré un livre, non réédité ? « l’esprit de Dostoïevski,) et qui l’a sûrement aidé à se (re)convertir Plus particulièrement Berdiaev a été fasciné par la légende du Grand Inquisiteur qu’on retrouve dans les frères Karamasoff. Ce texte sublime qui s’applique à tous u les régimes totalitaires mais aussi à toutes les tentations des Eglises chrétiennes et montre de manière lumineuse que la liberté ne s’achète pas. Dans une formule géniale le Grand Inquisiteur dit « Nous leur dirons que tout péché sera racheté, s’il est commis avec notre permission, c’est par amour que nous leu permettrons de pécher et nous en prendrons la peine sur nous. Ils nous chériront comme des bienfaiteurs qui se chargent de leurs péchés devant Dieu. Suivant leur degré d’obéissance, nous leur permettrons ou nous leur défendrons de vivre avec leur femme ou leur maîtresse, d’avoir des enfants ou de ne pas en avoir . Ils nous soumettront les secrets les plus pénibles de leur conscience, nous résoudront tous les cas et ils accepteront notre décision avec allégresse car elle leur épargnera le grave souci de choisir eux-mêmes librement…. . Ils mourront paisiblement, ils s’éteindrons doucement en ton nom et dans l’au-delà ils ne trouveront que la mort. Nous garderons le secret ; nous les bercerons pour leur bonheur d’une récompense éternelle dans le ciel «
N’est ce pas un programme d’euthanasie morale douce là où le Grand Inquisiteur prend sur lui le secret du néant. L’euthanasie physique n’en n’étant qu’avatar bien vu par Houellebecq dans « Territoire »
Dans les turbulences qui ont secoué le catholicisme en France depuis 50 ans, ne s’est pas souvent arcbouté des deux cotés de la ligne de démarcation sur une conception sécurisante douce et light de la religion pour les uns, et rassurante dans son intégrité rêvée pour les autres. N’est ce pas une tentation, qui travers clercs de laïques de vouloir sinon se débarrasser, du moins alléger le poids de sa liberté , ce que l’Evangile e appelle le poids de la Croix.
D’autre part quelle résonnance trouve dans tous milieux des écrivains qui comme Bernanos nous le rappelle dans ses œuvres « romanesques les mieux inspirées, de la Joie aux dialogues des Carmélites, lui même inspiré par…
jamais je n'avais lu cette définition de la personne ( je connaissais celle de l'antique Boèce).Merci !
RépondreSupprimerMais alors, pourquoi la néo-église s'obstine-t-elle à défendre la" dignité de la personne humaine" quand elle parle de tous les individus répandus sur la planète???
Et pourquoi parle-telle si peu de l'Infini,d e la Transcendance, de l'Absolu, de l'Etre???
Quelle "nouvelle évangélisation" fera-t-elle si elle n'est pas ensourcée au toujours nouveau et nouvelant jaillissement ecclésial du Coeur Sacré percé de Jésus, l'Infini fait fini, l'Etre fait néant, le Transcendant s'immanentisant ...un temps?
Peut-être, veut-elle faire populo en causant démocrasse comme l'AB2T avec ses " bouffer" et autres élégances populacières...d'aristophile
A.S. Aspirant au Simple
Les chorale formée à l'école de Moscou : magnifique; on en redemande.La conférence sur le Pèlerin (3 mots en russe!)nous éclaire sur ce vagabondage mystique typiquement russe dans un pays immense. Le moine-prêtre, très intéressant nous a fait mieux comprendre les particularités de la liturgie orthodoxe que nous avions vue à Saint-Petersbourg et Moscou.Je dois dire que les péripéties politiquement picaresques de Berdaïev passant de l'anticommunisme à l'antibourgeoisisme après un arrêt-buffet à la louange de Staline (en 1945) il est vrai, ne m'inspirent aucune indulgence.
RépondreSupprimerBravo au Père Thiérry pour l'organisation de cette après-midi et la qualité de ses choix.
Colette et Willy
Pendant la "Grande Guerre Patriotique" tous les Russes, y compris les plus anticommunistes soutenaient l'Union Soviétique et Staline, car il fallait défendre la Terre Russe comme cela avait été le cas sous Napoléon.
RépondreSupprimerNe soyons donc pas étonnés que Berdaiev ait chanté les louanges du Maréchal Staline. Les occidentaux ne peuvent pas comprendre l'attachement que porte un Russe à son pays, à sa terre avec laquelle il y a un lien charnel. J'ajoute que pour un vrai Russe la Patrie se confond avec l'Orthodoxie: on ne peut pas être Russe et catholique ou protestant, même s'l y a eu de nombreux aristocrates catholiques français et des protestants allemands qui ont loyalement servi le Tsar et qui ont fait souche en Russie.
Propos hors sujet mais qui me parait particulièrement important aujourd'ui :
RépondreSupprimerJ'espère que tous vos lecteurs auront une pensée et une prière pour Anne-Lorraine et sa famille.
Merci.
Cher M l'Abbé de Tanouarn,
RépondreSupprimerComme vous savez, je me retrouve au milieu de la Russie et de la Chine, dans mon pays très lointain du vôtre.
J'ai été ravie de vous lire et de savoir que vous allez bien.
Bonne suite,
Marie Eku