A titre informatif, tout d'abord, suite à un petit bug dans la transmission des conférences, bug dont je suis responsable, je voudrais annoncer moi-même la conférence que je donne aujourd'hui 14 décembre, au Centre Saint Paul à 20 H, sur Lumière du monde, le livre d'entretiens de Benoît XVI. Ce livre marque-t-il un tournant dans le pontificat ? Le mot est sans doute un peu fort. Mais le texte est clair : Benoît XVI semble avoir tourné la page sur la liturgie (alors que l'année de l'eucharistie n'est pas terminée) comme sur la critique du Concile. C'est le même Ratzinger qui parle, et souvent de façon très personnelle ; il n'a pas changé, non, mais il nous parle d'autre chose. rendez-vous demain pour essayer de comprendre la nouvelle dynamique de son pontificat.
J'avais peu de temps hier pour relater une discussion qui, je pense, peut aussi vous intéresser. A la Journée du Livre de Renaissance catholique, je suis tombé sur Gianfranco Stroppini, avec lequel, je faisais, tout récemment une émission sur Virgile. Cet italien possède à fond l'ars bene loquendi. C'est un bonheur de l'écouter. Pourtant cette fois, il m'a emmené dans des sentiers périlleux. Pour lui, la décadence de l'Empire romain n'est pas due au christianisme, mais à la Paix romaine et à l'idéologie augustéene qui en a entouré la "prédication" citoyenne. Cet immense peuple en paix depuis trois siècles, n'avaient plus les moyens de se défendre, contre des "Barbares" qui n'étaient pourtant pas forcément effrayants et qui, d'ailleurs, avaient fini par constituer ses propres armées, grâce à ce que l'on aurait pu appeler judicieusement à l'époque une immigration choisie. Au nom du devoir d'état, les chrétiens se sont bien battus sous les Aigles de Rome. C'était le plus souvent des officiers courageux, lucides et dévoués à un Empire officiellement devenu chrétien sous Théodose. Thèse de Gianfranco : le pacifisme romain ne vient pas du christianisme mais... d'une société de consommation qui s'affirme et qui va mourir de sa prospérité.
Je n'avais jamais vu la chose sous cet angle. Il m'a paru intéressant
Et justement tout à l'heure, je tombe vraiment par hasard sur un fragment des Satires de Juvénal (le terrible Juvénal !), qui me semble aller tout à fait dans le sens de Stroppini. Je ne résiste pas à vous le citer. il s'agit de Crispus, un sénateur blanchi sous le harnois. Je crois qu'il a beaucoup de sosies aujourd'hui dans la haute fonction publique. Juste une différence : à l'époque le tyran était une personne ; aujourd'hui, c'est l'Opinion publique, génératrice d'une idéocratie parfaitement monolithique, au sein de laquelle on est invité à se poser tous ensemble les mêmes problèmes en même temps, en ayant à l'esprit les mêmes solutions.
Voici ce texte tiré de la 4ème Satire. Je me permettrai quelques entorses par rapport à la traduction reçue : "Même Crispus vint aussi, aimable vieillesse, dont l'agréable faconde évoquait les moeurs. Son génie était dans sa mansuétude. Durant ces fléaux pestilentiels, pour celui qui dirige les mers, les terres et les peuples, quel compagnon aurait été plus utile s'il lui avait été permis de condamner la cruauté et de mettre en valeur un conseil honnête ? Mais quoi de plus enclin à la violence qu'un tyran qui vous prête son oreille ? Qu'un de ses amis lui parle de la pluie, du beau temps ou des nuages, et déjà sa vie est en jeu. Lui, Crispus, il n'avait jamais nagé face au torrent. Il n'était pas citoyen à proférer librement les mots qui lui venaient à l'esprit ou à consacrer sa vie au vrai. Ainsi vit-il beaucoup d'hivers et 80 solstices. Dans l'enceinte de l'assemblée, grâce à ces armes-là, il était en sécurité". Une note nous avertit que l'on nous parle de Vibius Crispus, consul pour la troisième fois en 83 : un cumulard. Ses "armes" ? La conciliation, le respect de l'avis dominant et l'évaluation constante des risques personnels. L'emploi du mot "armes" ne manque pas de sel. Ce que décrit Juvénal, dans cette quatrième Satire, c'est un mental de pacifiste.
Mais le plus drôle n'est pas ce portrait, si plausible pourtant, j'allais dire si actuel mutatis mutandis. Le plus drôle c'est la raison pour laquelle "Même Crispus vint aussi". On devine l'importance du personnage. Eh bien ! Il vient au Conseil pour une histoire de poisson : un turbot d'une taille exceptionnelle. Le pécheur avait voulu en faire don à l'Empereur, note perfidement Juvénal, puisque de toute façon "tout ce qu'il y a de rare et de remarquable dans l'Océan appartient au fisc". Au moins trouvait-il là une occason de se mettre en valeur lui-même. Mais pourquoi convoquer les conseillers du Prince pour cette vétille ? Il y a une circonstance dont vous saisirez tout de suite combien elle est agravante. Juvénal encore : "Il n'y avait point de plat à la mesure du poisson". Commentaire de Victor Hugo quelque part : "Ainsi le sénat romain délibèrera sur le turbot de Domitien". Alors que la crise menace, on nous amuse, nous aussi, - et on amuse nos ministres - avec toutes sortes de turbots de Domitien. Ce sont les petits côtés de la paix romaine. Mais aussi les colifichets médiatiques de la Pax americana.
Quant au pacifisme, il ne vient pas du christianisme. Tout juste trouve-t-il une justification aujourd'hui dans un christianisme dévoyé, qui en arrive à ce degré de myopie qu'il confond la molesse et la douceur. Mais, on le voit bien dans ce texte qui nous raconte le Premier siècle comme si nous y étions, la source du pacifisme, hier et aujourd'hui, c'est la société d'abondance qui signifie toujours statistiquement un déclin du courage.
J'avais peu de temps hier pour relater une discussion qui, je pense, peut aussi vous intéresser. A la Journée du Livre de Renaissance catholique, je suis tombé sur Gianfranco Stroppini, avec lequel, je faisais, tout récemment une émission sur Virgile. Cet italien possède à fond l'ars bene loquendi. C'est un bonheur de l'écouter. Pourtant cette fois, il m'a emmené dans des sentiers périlleux. Pour lui, la décadence de l'Empire romain n'est pas due au christianisme, mais à la Paix romaine et à l'idéologie augustéene qui en a entouré la "prédication" citoyenne. Cet immense peuple en paix depuis trois siècles, n'avaient plus les moyens de se défendre, contre des "Barbares" qui n'étaient pourtant pas forcément effrayants et qui, d'ailleurs, avaient fini par constituer ses propres armées, grâce à ce que l'on aurait pu appeler judicieusement à l'époque une immigration choisie. Au nom du devoir d'état, les chrétiens se sont bien battus sous les Aigles de Rome. C'était le plus souvent des officiers courageux, lucides et dévoués à un Empire officiellement devenu chrétien sous Théodose. Thèse de Gianfranco : le pacifisme romain ne vient pas du christianisme mais... d'une société de consommation qui s'affirme et qui va mourir de sa prospérité.
Je n'avais jamais vu la chose sous cet angle. Il m'a paru intéressant
Et justement tout à l'heure, je tombe vraiment par hasard sur un fragment des Satires de Juvénal (le terrible Juvénal !), qui me semble aller tout à fait dans le sens de Stroppini. Je ne résiste pas à vous le citer. il s'agit de Crispus, un sénateur blanchi sous le harnois. Je crois qu'il a beaucoup de sosies aujourd'hui dans la haute fonction publique. Juste une différence : à l'époque le tyran était une personne ; aujourd'hui, c'est l'Opinion publique, génératrice d'une idéocratie parfaitement monolithique, au sein de laquelle on est invité à se poser tous ensemble les mêmes problèmes en même temps, en ayant à l'esprit les mêmes solutions.
Voici ce texte tiré de la 4ème Satire. Je me permettrai quelques entorses par rapport à la traduction reçue : "Même Crispus vint aussi, aimable vieillesse, dont l'agréable faconde évoquait les moeurs. Son génie était dans sa mansuétude. Durant ces fléaux pestilentiels, pour celui qui dirige les mers, les terres et les peuples, quel compagnon aurait été plus utile s'il lui avait été permis de condamner la cruauté et de mettre en valeur un conseil honnête ? Mais quoi de plus enclin à la violence qu'un tyran qui vous prête son oreille ? Qu'un de ses amis lui parle de la pluie, du beau temps ou des nuages, et déjà sa vie est en jeu. Lui, Crispus, il n'avait jamais nagé face au torrent. Il n'était pas citoyen à proférer librement les mots qui lui venaient à l'esprit ou à consacrer sa vie au vrai. Ainsi vit-il beaucoup d'hivers et 80 solstices. Dans l'enceinte de l'assemblée, grâce à ces armes-là, il était en sécurité". Une note nous avertit que l'on nous parle de Vibius Crispus, consul pour la troisième fois en 83 : un cumulard. Ses "armes" ? La conciliation, le respect de l'avis dominant et l'évaluation constante des risques personnels. L'emploi du mot "armes" ne manque pas de sel. Ce que décrit Juvénal, dans cette quatrième Satire, c'est un mental de pacifiste.
Mais le plus drôle n'est pas ce portrait, si plausible pourtant, j'allais dire si actuel mutatis mutandis. Le plus drôle c'est la raison pour laquelle "Même Crispus vint aussi". On devine l'importance du personnage. Eh bien ! Il vient au Conseil pour une histoire de poisson : un turbot d'une taille exceptionnelle. Le pécheur avait voulu en faire don à l'Empereur, note perfidement Juvénal, puisque de toute façon "tout ce qu'il y a de rare et de remarquable dans l'Océan appartient au fisc". Au moins trouvait-il là une occason de se mettre en valeur lui-même. Mais pourquoi convoquer les conseillers du Prince pour cette vétille ? Il y a une circonstance dont vous saisirez tout de suite combien elle est agravante. Juvénal encore : "Il n'y avait point de plat à la mesure du poisson". Commentaire de Victor Hugo quelque part : "Ainsi le sénat romain délibèrera sur le turbot de Domitien". Alors que la crise menace, on nous amuse, nous aussi, - et on amuse nos ministres - avec toutes sortes de turbots de Domitien. Ce sont les petits côtés de la paix romaine. Mais aussi les colifichets médiatiques de la Pax americana.
Quant au pacifisme, il ne vient pas du christianisme. Tout juste trouve-t-il une justification aujourd'hui dans un christianisme dévoyé, qui en arrive à ce degré de myopie qu'il confond la molesse et la douceur. Mais, on le voit bien dans ce texte qui nous raconte le Premier siècle comme si nous y étions, la source du pacifisme, hier et aujourd'hui, c'est la société d'abondance qui signifie toujours statistiquement un déclin du courage.
Il est quand même curieux de ne pas voir -ce qui semble crever les yeux- le pacifisme, l'utopisme, l'angélisme et le désarmement qui règnent en catholicisme depuis un demi siècle (voire depuis le Ralliement) , avec les dialogues tous azimuts avec ceux qui , en sous main , nous critiquent et nous tuent, avec le cucuménisme, avec la "civilisation de l'amououour", le combat "pour la vie"( mais pas pour la vie éternelle, pas pour cet assaut des violents qui conquièrent le Royaume), le conformisme épiscopal permanent,....
RépondreSupprimerce qui interdit tout témoignage "différent" mais n'engendre pas moins des martyrs... mais des martyrs des "valeurs" des autres( droits de l'homme, tolérance etc )
La décadence de l'empire romain est une chose. La déchéance de notre monde en ruines en est une autre. qui fait regretter la précédente..
Attila parlait latin( et grec peut-être??). nos modernes barbares interdisent aux générations "descendantes" (car où monteraient-elles?) toute culture et toute civilisation...
Si nous sommes occupés, ce n'est pas au limes,c 'est au sommet de feu l'Etat... Là est la barbarie la pire !
A.S. Attila Socialisé
Mais jusqu'où devrait aller le courage? Jusqu'au le bellicisme? Où commence la lâcheté? Considéreriez-vous également le pacifisme comme l'une de ces "idées chrétiennes devenues folles"? Un de mes amis musulmans m'a souvent peint l'animosité actuelle des Algériens contre la France comme un revers de son pacifisme et de sa propension à se faire aimer. Mais jusqu'où ne pas être pacifiste quand on est chrétien? Jusqu'où et à partir de quand? Est-ce que l'attitude convenable dans les temps que nous vivons ne se bornerait pas à avoir le courage d'affirmer qui nous sommes et de nous dresser en tant que puissance, y compris militaire, pour ne pas être surpris en cas de conflit armé? Est-ce que cette attitude ne devrait pas s'étendre à ne pas accepter l'ordre injuste d'un monde où ce qu'il est convenu d'appeler "la communauté internationale", pilotée comme on sait, se dresse à tous contre un, tous contre un seul pays, qui veut simplement se doter de ce qu'ont acquis les autres pour assurer, sa défense et, sinon "l'équilibre de la terreur", du moins une paix suffisamment armée pour être dissuasive contre une envie de faire la guerre? Quelles limites doit selon vous s'impartir le pacifisme chrétien en temps de paix et en temps de guerre? Les injustes combats des hommes valent-ils que l'on sacrifie sa vie pour eux? Dieu n'est-Il pas le Seul pour Qui l'on doive se déclarer prêt à donner sa vie? Faut-il étendre cette générosité du sang offert à l'amour de la patrie et, si oui, pourquoi? Les patries ont-elles les promesses de la vie éternelle pour qu'on leur fasse le sacrifice de notre bien le plus précieux? Voici une série de vraies questions dans la résolution desquelles je me sens perdu, et je vous serais obligé de m'aider à y voir clair.
RépondreSupprimerBien cordialement
J. WEINZAEPFLEN
Cette thèse sur la chute de l'Empire romain me semblait être celle communément admise...
RépondreSupprimerHeureux de vous la voir découvrir.
Peuple abêti par les pains et les jeux, guerres impérialistes et lointaines pour nourrir tout ce petit monde...
Ce n'est pas une question de pacifisme chrétien !
A.S. se surpasse dans le registre de l'idéalisation du passé... Attila parlait latin comme Ben Laden (au hasard, c'est le premier nom qui me vient à l'esprit) parle anglais. Le latin à l'époque, c'est un peu comme l'anglais aujourd'hui, toutes proportions gardées. Non ?