Chère Irène, vous posez une question directe sur la contrition nécessaire à la validité de l'absolution. Que se passe-t-il quand on ne regrette pas le péché commis? L'absolution est-elle valide? La réponse est simple, quoi qu'en deux fois deux parties
1- La contrition n'est pas un sentiment de tristesse qui nous prendrait d'avoir commis un acte surtout si, par hypothèse il était plutôt agréable. Dieu ne nous demande pas un sentiment inauthentique. Mais il nous demande d'avoir foi en lui et dans sa loi et de vouloir la mettre en pratique autant qu'il est en nous avec son aide, parce qu'Il sait mieux que nous ce qui nous convient (il nous a fait !). Cela ne signifie pas que l'on ne retombera pas, mais cela veut dire que l'on veut le bien et non le mal (en mettant bien et mal là où Dieu nous dit de les mettre).
2- La question qu'il faut vous poser n'est donc pas : suis-je triste émotionellement ? Mais plutôt : qu'est-ce que je veux faire du sacrement que je reçois ? L'utiliser pour aller vers la volonté de Dieu en l'accueillant petit à petit, ou bien l'utiliser pour faire bonne figure une fois de temps en temps et gagner du (bon) temps en me vautrant dans mon péché.
Souvenons nous toujours que nous sommes pécheurs, que par nous-mêmes nous ne pouvons être parfaits, que le sacrement de pénitence est donné à des malades spirituels, qui ont le plus grand mal à faire prédominer l'esprit sur la chair (la chair au sens large, au sens de la triple concupiscence : le plaisir, l'envie et l'orgueil cf. Première Lettre de saint Jean).
Le Père Spicq (voir post précédent) nous dit non pas de nier nos péchés mais de les utiliser pour implorer la grâce de Dieu, comme le publicain, qui n'est certes pas un personnage recommandable, mais qui se sert de ses fautes pour implorer la pitié de Dieu.
Pour conclure : la vie spirituelle n'est pas une guerre de position, dans laquelle, à l'abri de je ne sais quelle ligne Maginot, j'aurais le temps de me regarder dans la glace en me demandant si je suis assez bien. La vie spirituelle est une guerre de mouvement : vers où je me dirige ? Quel est mon choix ? Est-ce que je l'aime assez, ce choix, pour le faire prédominer sur tout le reste ? Est-ce que je suis assez patient avec moi-même... c'est-à-dire vraiment humble, sachant que comme dit Pierre de Coubertin "l'essentiel est de participer" (à plein coeur) et que Dieu ajoutera toujours ce qui manque à notre offrande intérieure.
Nous ne nous sauvons pas nous-mêmes. C'est Dieu qui nous sauve. Réfléchir à ce faux truisme.
Concrètement : les Béatitudes, pourtant si exigeantes, ne disent pas "Heureux les justes...", mais "Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice". C'est peut-être la question à se poser finalement : est-ce que (entre toutes les faims et toutes les soifs humaines que j'éprouve puisque je suis homme), j'ai aussi et d'abord faim et soif de la justice de Dieu (parce que j'ai expérimenté la vanité de toutes les "réussites" humaines)... Ou bien est-ce que j'ai faim et soif uniquement de ce que la vie m'offre dans l'instant (ma vie spirituelle étant juste étalée pour faire joli).
Ces "banalités" contiennent me semble-t-il l'essentiel d'une praxis spirituelle efficace.
"banalités" qui sont ignorées du chrétien lambda depuis le fond des âges et qu'il convient, non pas de rappeler, comme vous le laisser entendre mais bien d’enseigner à temps et à contre-temps! Je ne l'ai jamais appris et, comme tant d'autres, ai subi le dictat de l'émotionnel sur le raisonnable! Heureusement la connaissance chère à votre ami Borella est venue, chaque fois, me sauver providentiellement!
RépondreSupprimerIl faut peut-être cesser de séparer toujours le sentiment et la raison. En l'Homme, ils marchent ensemble. Quel est cet être froid et dans le leurre de la maîtrise fantasmatique des émotions (toujours vouloir juguler) sinon un coeur de pierre ? une sorte de banquise satisfaite de soi et surtout contente de voir se briser contre ses flancs magnifiques la tendresse d'autrui ?
SupprimerOr le Christ a pu être "triste à en mourir" et le jeune homme de l'Evangile est "reparti tout triste car il avait de grands biens".
Et Pierre sortit dans la nuit après le chant du coq en pleurant amèrement.
Et Jésus pleura la mort de son ami Lazare.
Et Judas ne mesura pas comme un géomètre ultra rationnel son acte de traîtrise en tirant des plans avec conclusion froide : "mourons" mais parions qu'il était noyé de tristesse avec un grand T.
La déprime de l'Homme sans Dieu est un des signes de l'appel, du passage de l'Esprit. C'est constitutionnel en lui et même nécessaire, parfois signe d'urgence.
Nous aurions tort de considérer la tristesse dans sa composante émotionnelle comme un état superflu et dont Dieu se désintéresse comme s'Il était au-dessus de ça.
Par contre il nous dit de ne pas pleurer SUR NOUS-MEMES. C'est autre chose.
L'homme qui vient se confesser "rationnellement", froidement, faisant un compte exact dans les colonnes du Bien et du Mal, sans rien éprouver émotionnellement, m'inquiète.
Il y a fort à parier qu'il est dans un grand aveuglement sur lui-même et je me permets de penser, cher monsieur l'abbé, que vous allez rapidement lui mettre le nez là où ça ne sent pas très bon afin de le déstabiliser un peu, non pour l'enfoncer mais pour ouvrir son coeur, son coeur de chair, son coeur sensible. ("Dieu sensible au coeur" c'est de qui ça ?).
Roger, certes, il vaut mieux éviter de se laisser SUBMERGER par l'émotion mais je crois que si les dernières années, dans notre société, ont plutôt valorisé l'émotion dans l'éducation, dans la pratique religieuse, dans la culture, c'est sans doute l'effet d'un retour de bâton face à un 19è s. très "raide" en contraintes sociales et familiales, reflet d'un puritanisme pharisien qu'aurait récusé absolument les apôtres et le Moyen-Âge tout entier.
Le Chrétien "lambda", c'est vous Roger, qui avez eu très peur de vos émotions toute votre vie car peur de leur répression dans votre enfance (en général, des colères de tout-petit punies bêtement). Si les adultes punissaient si fort, c'est que céder à la colère quand on a trois ans devait être TRES MAL C'était ça le dictat.
Tandis que les chants d'Eglise ou la liturgie ou le discours religieux ne sont -quand on partage votre point de vue- tout au plus que : mièvres.
"Sachons raison garder" cela vous concerne donc aussi et peut-être le discernement ne demande-t-il pas nécessairement l'ABSENCE d'émotions. De toute façon, cet état n'existe pas. Simplement vos émotions primaires sont déguisées, détournées vers un autre objet ; en témoignent vos 3 points d'exclamation.
Je me suis mal fait comprendre. En gros, ce que je veux dire c'est ne pas mettre la charrue avant les bœufs. Ce dont je veux parler c'est ce que Benoite, ci-dessous évoque, et que l'on retrouve même chez les non-charismatiques dans les messes ordinaires où l'on est obligé d'être joyeux. Benoite fait un distinguo subtile entre l'émotion et le sentiment ce qui vous donne raison à condition de changer les termes de votre raisonnement : il ne s'agit pas d'opposer raison et sentiment mais sentiment à émotion. ( on pourrait dire en plus que la description que vous faites de l'homme raisonnable est en fait celle d'un homme dont la raison est au service de l'émotion. C'est elle qui veux ou qui ne veux pas. La logique est asservie. Un peu comme ces dictateurs qui ont besoin d'être élus et d'être proclamés présidents. L'émotion semble, comme un virus, avoir besoin de la raison dans laquelle elle se loge pour vivre.
SupprimerJe vous ai déjà fait une réponse qui semble s'être volatilisée en voulant, pour faire plaisir à Benoite, ne pas me simplifier la vie et passer par mon compte Google. ( Les américains, malgré une haute technicité, sont d'une insondable stupidité! )
SupprimerIl était long et je reprenais les arguments de Benoite à qui je me référais explicitement.
Je rajoutais en plus que, reste d'un cours de philo. élémentaire, la passion tenait un discours logique qui peut faire illusion et déclarer un homme raisonnable alors que c'est la passion qui le dirige! C'est çà le vrai dictat de l'émotion sur la raison. Elle se fait passer pour ce qu'elle n'est pas. Comme ces dictateurs qui ont besoin d'élections. Comme les virus qui ont besoin d'entrer dans la cellule, l'émotion, comme un démon parle au nom de la raison. Ce qui m'amène à opposer sentiment à émotion et non raison. L'émotion se fait passer pour la raison et s'oppose au sentiment son grand ennemi.
J'ajoute qu'en plus dans l'église conciliaire et encore plus chez les charismatique : vous devez être joyeux!
Sur ce point, je suis d'accord avec vous : on nous oblige à être joyeux. Mais cela se rapporte plutôt au veritable dictat idéologique actuel selon lequel "tout est bien, tout va bien" ( comme chante Dany Boon !) pour empêcher les gens de penser et d'exprimer une opinion contraire à la bien-pensance.
SupprimerCertaines célébrations que vous qualifiez de charismatiques peuvent en effet être un peu neu-neu et pénibles à cause du caractère obligatoire et imposé du sentiment et de l'expression de joie. Cela dit, certaines Messes traditionnalistes me pèsent également par leur caractère compassé, ritualiste et sinistre.
Toutefois, cela n'a rien à voir avec le distingo conceptuel entre le sentiment et l'émotion, distingo que je fais moi aussi, bien entendu.
Pour reprendre le fil de notre point de discorde (grand mot pour un petit débat) je continue de penser que nous gagnerions à avoir moins peur de nos émotions et de celles des autres.
Il y en a encore qui confondent sentiment et émotion. Ces 2 mots de la langue française ne sont pourtant pas synonymes !
RépondreSupprimerLe premier vient de l’esprit, l’autre de la chair. L’amour de Dieu et du prochain n’est pas émotionnel. C’est de l’ordre du sentiment : Donner sa vie pour ceux qu’on aime. Faire du bien à ses ennemis, prier pour eux. Il n’est pas nécessaire d’aimer les gens affectivement pour leur rendre service. Au contraire. Le Christ dit bien qu’aimer sa famille, ses amis, même les païens en sont capables.
Si par exemple, une mère pouvait aimer les enfants des autres comme les siens et les siens comme ceux des autres, on pourrait en conclure que son amour a pris une dimension christique. C’est rarement le cas. L’attachement émotionnel fait barrière. ( C’était juste un exemple pour différencier sentiment et émotion. On pourrait en prendre d’autres).
De plus, un émotion a 2 côté, un négatif et un positif : 2 revers d’une même médaille. L’on passe de l’un à l’autre au gré des humeurs, du moment. C’est fugace, changeant. Rires ou larmes !
Le sentiment est stable, disons plutôt : paisible.
Cultiver l’émotionnel dans notre société, que se soit dans l’éducation ou dans l’Eglise, ça n’apporte rien d’autre que de la superficialité. Rien de profond, durable. ( Je crois que le Pape a parlé de cela aux jeunes au cours de je ne sais quels JMJ)
Rabaisser les sentiments du Christ à nos émotions d’humains dégénérés par le péché originel, c’est être empêtré dans le charnel et ne rien comprendre au Christ.
Il y a des courants dans l’Eglise, dits charismatiques, qui cultivent ces débordements émotionnels (comme les protestants évangélistes). Malgré leur grande et bonne Foi, ils utilisent des forces qu’ils ne maîtrisent pas toujours. Le Saint Esprit s’invoque dans la prière. On ne l’appelle pas comme lorsqu’on fait tourner les tables ! Il y a risque d’invoquer « les esprits » et non pas « l’Esprit ». J’ai l’air de déborder, mais dans ce domaine, les frontières sont minces. C’est ce que l’on « ressent » qui est juste ! Mais c’est faux ! Il faut avoir du discernement. Sans émotion, mais avec du cœur. Pour illustrer ceci et pour conclure, je vais citer Pascal que l’ AG2T a lui-même cité dans un post récent :
« Le cœur, c’est l’intelligence immédiate »
Benoîte
Chère Benoîte, il ne s'agit pas de confondre le sentiment et l'émotion mais de reconnaître -comme vous le faites- que les barrières sont minces. Pourquoi ? parce que l'Homme n'est pas fait, d'une part de sentiment, d'autre part d'émotions. Non, la chair n'est pas un vêtement de surcroît mais tissée, imbriquée, partie integrante de l'Homme, irriguée par l'Esprit elle est, comme dit saint Paul "manifestation de son esprit". La chair parle, la chair crie, la chair prie.
SupprimerElle est à la peine quand un martyr témoigne, il est bien juste qu'elle soit à la victoire, comme dit Tertullien.
L'Eglise ne nous parle pas de resurrection des corps mais de resurrection de la chair. Le Christ n'est pas venu dans un vêtement corporel mais dans notre chair.
A la chair, il donne toute sa noblesse, ce Nouveau-Né, cet agonisant divin sur la croix, il est sujet à toutes nos émotions même si son Coeur divin les "prend en charge", les assume, les sublime et finalement les sauve.
Benoîte, à travers la fin de votre post, vous me faites même comprendre que ce que l'on ressent est souvent "juste" même si notre capacité de discernement doit rester vigilante.
Par ailleurs, les émotions ou la sensibilité, seules, ne sont pas blessées en tant que conséquences du péché originel et donc sujet à discernement et à méfiance de la part de notre coeur intelligent, mais toute notre personne, hélas, et notre coeur même. C'est le fond de l'Homme qui est partagé et attiré par le mal ; C'est pourquoi le glaive de justice, cette épée de feu qui fait la Vérité va si profond en nous, à la jointure de nos attachements, c'est pourquoi le Christ ne nous prend pas gentiment la main pour nous sortir de notre mauvaise position (vous voyez que je ne vis pas en compagnie des Bisounours) mais nous arrache à la mort.
Alors, naître...et mourir...et vivre...et tout ça sans émotion ?
Voyons, soyons en Réalité.
Ensuite, pourquoi mettre sa dignité à ne pas avoir d'émotion ?
Cela me fait penser à ceux qui n'acceptent pas la souffrance lors de la mort et réclament de "mourir dans la dignité" toujours comme s'il était indigne de pleurer, de crier dans la souffrance, d'éprouver...
Ah cette chair, comme on la hait ! ou comme on en a peur !
Or, "Jésus, poussant un grand cri,.."
Je suis d'accord avec vous Benoite.
SupprimerC'est exactement ça, Roger, l'émotion se fait passer pour la raison et c'est en cela qu'elle est diabolique. Il me semble qu'Anonyme mélange les genres.
RépondreSupprimerBenoîte
Eh bien dites, Benoîte, vous y allez fort quand même ! Je ne pensais pas que ma réflexion était inspirée par le diable.
SupprimerSi je mélange les genres, vous les di-ssociez trop. Vous les diablé-tralement opposez. Bref, vous voyez ce que je veux dire ?
Non, bien évidemment, votre réflexion n’est pas inspirée par le diable ! Ce qui est proprement diabolique, c’est le mensonge et la manipulation. C’est le propre de l’émotionnel de se faire passer pour ce qu’il n’est pas ! Je ne vise personne en particulier. Je n’en ai aucun droit. Je manifeste une opinion sur un sujet que je crois connaître. Cela n’engage que moi et c’est sans prétention aucune.
RépondreSupprimerMille excuse si je vous ai blessé ! (ée ?)
Benoîte
Chère Anonyme (puisque c'est votre "pseudonyme" dans ce beau débat,
RépondreSupprimerComme j'aime votre commentaire sur la chair !
La chair, c'est le corps nu des origines, ce corps nu si près de l'"âme vivante" que c'est de l'âme à fleur de peau.
La "tunique de peau" que Dieu construit après que l'homme s'est caché et a mis autour de sa taille une "feuille de vigne", c'est toute la construction de l'"animal raisonnable", du sentiment qui discerne, classe, établit, et stabilise les émotions à la raison qui les raisonne, au risque de nous rendre des monstres froids, si nous devenons des chercheurs de connaissance déconnectée de l'émotion première.
Le rêve prométhéen (à l'envers) du chrétien sauvé, c'est de croire qu'à la suite de l'action salvifique du Christ, la chair a reconquis le droit d'être nue à la Face de Dieu et des hommes. Pourtant, la chair, cette nudité à la jointure de l'âme accessible aux passions, à l'amour et à la prière, a le droit de crier qu'elle se voit tellement à l'agonie depuis la chute qu'elle se croit abandonnée (cf notre précédent débat avec benoîte).
Et les réalités spirituelles n'étant pas dissociées, vous avez raison de dire que Dieu ne vient pas nous prendre gentiment la main; mais j'ai aimé cette parole de mgr gaillot interviewé sur "Europe 1" et qu'il faut écouter sans a priori sur son personnage, mais comme émanant de la personne de cet évêque:
"Jésus ne vient pas mettre les hommes en ordre, mais en route".
P.s.: merci à l'abbé de T sur son article sur la contrition, nous avons bien besoin de redécouvrir ce que c'est pour que nos confessions ne soient pas des coups d'épée dans l'eau, venant vainement agiter de la lance du pécheur celle qui s'est répandue sur nous depuis le Coeur de notre Sauveur.