vendredi 11 mars 2011

Billet de carême 3 Vendredi après les Cendres

"Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait" (Matth. 5, 48)

Difficile ce commandement du Christ, parce que s'il y a une chose dont nous sommes sûrs, c'est de notre... imperfection. Si nous partons pour le carême avec une telle ambition, nous allons droit dans le mur. Entre présomption insupportable et désespoir insoluble.

Et pourtant n'est-ce pas ce que le Seigneur nous commande ? Comment le comprendre ?

Ce qu'il faut regarder avant tout dans cette formule, c'est la deuxième partie : "comme votre Père céleste". Ne soyez pas parfaits comme des humains et en tant qu'humains; Ne cherchez pas à cultiver des valeurs qui vous fassent devenir sur-humains ou sur-humaines. Dieu est la seule source de la Perfection.

Et nous ? L'Ancien Testament est formel et répétitif sur ce sujet : "Un Éthiopien peut-il changer de peau ? Une panthère de pelage ? Et vous, pouvez-vous bien agir, vous les habitués du mal ?" (Jer. 13, 23). Et encore : "Jérusalem fait sourdre sa méchanceté, comme un puits son eau" (Jer. 6, 7). Et toujours Jérémie : "Malheur à l'homme qui fait confiance à l'homme" (Jer. 17, 5). Et puis, pour en finir avec Jérémie, voici ce texte, tellement violent que les humanistes qui ont traduit la Bible en grec au IIème siècle avant Jésus Christ ont simplement sauté ce passage, en omettant de le traduire : "Le péché de Juda est écrit avec un stylet de fer, gravé avec une pointe de diamant sur la tablette de leur coeur et sur les cornes de leurs autels".

Il faut noter qu'Israël ici n'accuse pas les nations païennes ou idolâtres mais tourne le fer de la critique contre elle-même... Nous sommes tous "les habitués du mal". Pas la peine d'essayer de faire avec, ce serait comme un cautère sur une jambe de bois. Pas la peine de "se confier en l'homme", ce serait un malheur, car l'homme n'est pas fiable. Pascal a dit génialement de l'homme : "Qu'il s'abaisse, je le vante, qu'il se vante, je l'abaisse et le contredit sans cesse jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il est un monstre incompréhensible".

Si nous voulons être parfait, il faut nous tourner vers Dieu, il faut imiter Dieu.

Mais comment pouvons-nous imiter le Dieu infini, nous qui sommes enfermés dans la finitude du temps et de l'espace ? Ne risquons nous pas d'être cette grenouille qui voulait devenir plus grosse que le boeuf ? Avec explosion en vol prévisible...

Nous ne pouvons pas imiter Dieu, nous ne pouvons pas être parfaits comme Dieu, sinon dans l'amour parce que l'amour établit une sorte d'égalité (communicatio dit saint Thomas d'Aquin : la communication) entre le fini et l'Infini. Ce n'est pas un hasard si la seule "définition" de Dieu dans le Nouveau Testament est celle de saint Jean : "Dieu est amour" (I Jean 4, 8). Pas un hasard si Dieu qui est Tout et encore autre chose s'est fait connaître à nous sous le seul aspect où nous devenions capables, par sa grâce, de l'imiter.

En nous montrant la mort de son Fils sur la Croix, Dieu nous a montré de quelle manière il fallait aimer : dans l'oubli de soi.

Le moindre détail de notre vie quotidienne où se manifeste cet oubli de soi (tenir une porte dans le métro...) devient comme une prédisposition à la naissance dans nos coeurs de la divine charité. Ainsi nous pouvons ambitionner, dans tous les détails, de devenir parfaits comme Dieu est parfait. Non pas parfaits par nos vertus, par je ne sais quelles démonstrations extraordinaires mais parfaits... en amour. Car Dieu est amour.

L'amour est notre seule moyen de vaincre le péché, qui est, en chacun d'entre nous, comme "une seconde peau". "Tu vois cette femme, dit Jésus au grincheux de service, il lui sera beaucoup pardonné, parce qu'elle a beaucoup aimé".

6 commentaires:

  1. M.L'Abbé, faut pas botter en touche!
    l'"amouououour " on en est saoûlé depuis que les bienheureux papes en ont fait une civilisation potentielle, dépassant par là les pires utopistes renaissants ou romantiques...
    La Charité de Dieu, celle qu'Il nous fait ( incompréhensible élection !) en nous donnant d'entrevoir une petite portion de sa Vie, de son Etre, de SOn Amour Intime et Immense...est une déjà-gloire ahurissante, sidérante, époustouflante, ébouriffante.
    Alors notre "amour" ne peut pas être autre chose que de partager cela à tous nos frères humains (ce qui nous est interdit depuis le Règne de Saint Rahner 1er), les "plus pauvres" de ne pas avoir la moindre idée de Cette Chose Eblouissante...que les ennemis de Dieu et Ses faux frères ont maculée de calomnies et de repentances, d'approximations et de mutilations criminelles.
    Aujourd'hui qu'en sus des assises(et de leur Cour) d'Assise, de l'année 2017 consacrée à Luther (et à Lénine) , le futur saint pape nous assène encore de la ( CENSURé, LOIS MEMORIELLES) délirante, retrouvons vite le sens et le goût de ce Privilège Majeur que Dieu ( par une incompréhensible et quasi absurde condescendance) nous fait, et allons de par nos rues... dire la joie et l'angoisse de porter pareil trésor dans le minable de nos fragiles enveloppes. (Mais pour cela vivons de l'union quotidienne à Dieu par la méditation, l'oraison, les sacrements etc )
    ainsi , nous aurons "donné ce que nous avons d e plus cher et d'unique" , "tout notre nécessaire" et imité notre Père, qui nous a donné son Fils unique ! Ainsi nous serons, si Dieu veut et aide par sa grâce gratuite, parfaits... et pas dans le seul minimalisme trop modeste trop humble et trop faux des portes de métro.
    Je tiens les portes de métro comme je laisse passer les dames, mais en priant à chaque fois pour que Dieu ouvre les portes de son paradis et y fasse passer les âmes !

    A.S. Assassiné de Servitudes

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  2. La mimésis (ou Imitation), oui, mais pas au risque de nous faire perdre notre identité, et pas seulement pour nous faire conserver l'humilité, mais pour nous enraciner dans ce que nous sommes, tels que dieu nous a voulus:
    "Dieu Est Dieu et je suis moi".
    Si je me mets à vouloir imiter Dieu, je risque d'insinuer une rivalité entre Lui et moi...

    Imiter Dieu dans l'Oubli de soi, mais non pas certes jusqu'au mépris de soi !

    Le péché est une "seconde peau", mais ne pas confondre cette "seconde peau" du péché avec la "tunique de peau" dont Dieu nous a revêtus après le péché originel. La "seconde peau" du péché comme la "tunique de peau" dont nous sommes revêtus après le péché ont cependant un point commun: elles révèlent que nous avons perdu l'innocence d'aimer nous montrer à nu, devant la face de dieu de qui nous nous cachons.

    Il y a une seconde définition de Dieu donnée par le même saint-Jean, non seulement:
    "Dieu est amour", mais aussi:
    "Dieu Est Lumière"!" Sans doute, la LUmière de dieu irradie-t-elle son amour!" pour éclairer toute chose. Car en dieu, n'oublions pas que la bénédiction précède le Vouloir. C'est parce qu'Il a béni et voit chaque chose dans Sa transparence ontologique qu'il peut vouloir la mener vers son bien ultime.

    Enfin, il est possible qu'une bonne traduction de ce verset de l'Evangile selon saint-Mathieu, compte tenu des valeurs aspectuelles de l'accompli et de l'inaccompli en Hébreu, soit :
    "Tendez à la perfection dans la mesure où votre Père céleste Est Parfait".

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  3. L'Amour... c'est bien cela le plus difficile! "Si quelqu'un dit " J'aime Dieu" et qu'il déteste son frère, c'est un menteur : celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, ne saurait aimer Dieu qu'il ne voit pas..;"( I Jn 4, 20). Car au vu des incohérences actuelles, de la vanité des hommes qui les aveugle, force est de s'en tenir au "moindre détail de notre vie quotidienne" où "cet oubli de soi" pourrait se manifester.Difficile, mon Père, de ne pas prendre le "stylet de fer" de Jérémie!
    Willy

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  4. Merci Monsieur l'abbé pour cette belle initiative de nous livrer chaque jour un "billet" ou une méditation sur les textes du jour pendant ce carême.

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  5. A Julien
    Rien ne "précède" en Dieu, toute unité et toute "contemporanéité "éternelle.
    Il est Amour( donc pardon, sacrement de la pénitence , relookée en "réconciliation"..comme si ipso facto nous étions "réconciliés"...de fait, sans réparation ni expiation) : voie purgative
    Il est Lumière ( de sa Doctrine, de ses grâces...) : voie illuminative
    il est aussi Union ( il dit aussi n parallèlement à "soyez parfaits comme le Père" "soyez un comme nous sommes un -Trinité") : sacrement de l'Eucharistie, voie unitive...
    Mais il est plus que les "compléments du verbe être"( ou ses attributs!)
    Il EST...C'est à dire que nous pouvons toujours tendre...S'il n'est pas "à la source et à l'achèvement", alpha et omega, nous n'arrivons à rien. Sans lui nous ne pouvons RIEN faire, car face à lui nous ne sommes RIEN (parole de Jésus à Catherine de Sienne)

    Les "rivalités" ne s'instaurent que d'une perte du sens de l'abime entre l'Etre Absolu Transcendant Acte d'Etre et nos pauvres découlements créaturaux ...
    A.S. Affreux Savantasse

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  6. A A.S.: Bien sûr que nous devons tendre et que nous ne pouvons que tendre. Au risque de vous choquer, il n'y a que les philosophies qui croient absolument aux attributs, jusqu'à celle de Spinoza qui définit Dieu comme "la substance sans atribut". Mais toutes les religions monothéistes disent que le Nom de Dieu Est Caché, de la scellée dans le tétragramme jusqu'à ce centième "attribut" du Nom de dieu pour les musulmans qui est le seul, mais que personne ne connaîtra jamais ici-bas. L'attribut, ce peut être le prédicat: amour ou Lumière. Je conçois que vous souhaitiez voir Dieu au-delà de l'Amour et même de la Lumière. Une confidence qui ne m'est pas coutumière, mais que je dois à votre radicalité (AS) que j'apprécie beaucoup: je suis aveugle, je vois Dieu au-delà de toute Lumière; je sais qu'on ne peut être transparent aux autres, mais je crois qu'il fait bon être transparent à Dieu, non seulement parce qu'on ne peut faire autrement face à Sa Sainte-Face, mais parce qu'être transparent face à Sa Lumière, c'est moins être éclairé en qualité de pécheur (soit à défaut de perfection), qu'être en humilité de bénédiction primitive face à un dieu qui guérit notre âme psychique.

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