dimanche 13 mars 2011

Remarques dites par elle "de bonne femme"

Certains m’ont demandé si je comptais publier la première conférence de carême sur le Blog. - Pas tout de suite. Il faut que je retravaille le texte et j’espère publier bientôt un petit livre de tout cela.
Pour vous donner une idée des thèmes abordés, pour vous donner envie de venir dimanche prochain, je vous propose cette correspondance internautique avec Agnès, qui m’a beaucoup aidé, hier samedi, à poser correctement la question, qui nous a occupé tout à l’heure : le Péché originel est-il un péché sexuel ? En préparant cet après-midi mon petit topo, en lisant et relisant les textes, j’avais bien en tête ces deux lettres et la réponse que vous trouvez ci-jointe a aidé à la mise en mots. Merci Agnès !
Par ailleurs, je n'oublie pas la question brûlante de Marie Claude sur la transmission du péché originel. Mais voici d'abord cet échange, inspiré par le post sur l'acte sexuel au paradis.
Monsieur l'Abbé,
Quelques remarques de bonne femme :
Je pense que ce n'est pas qu'Adam et Ève avant le péché ne savaient pas comment ils étaient faits, mais simplement la nudité ne les dérangeait pas. Avec le péché ils découvrent la gène et se couvrent. Qu'est-ce que ce pagne ? C'est la naissance de la culture. Et... de l'érotisme. (Je rappelle ici que les peuplades vivants nues ont posé d'importantes questions théologiques quant au péché originel justement.)
Les peuples vivant nus n'ont pas développé de culture érotique et sont resté à une sexualité de base (accouplement). La vue d'une cuisse n'y fait frémir personne, les seins ne sont que des mamelles, les sous-entendus n'y existent pas, car c'est le vêtement qui rends la nudité intéressante.
Mais alors... fallait-il le péché pour rendre la sexualité sublime ?!
Agnès
[Réponse de GT]
Chère Agnès,
Merci de ces lignes... Je suis en pleine réflexion sur ma prédication de demain (le péché originel est-il un péché sexuel ?) et vous m'envoyez une question qui pourrait servir de point de départ. "Fallait-il le péché pour rendre la sexualité sublime ?"
Vous posez exactement la question qui fâche. Autant que je me souvienne, c'est la question que pose Georges Bataille dans La littérature et le mal. Comme si l'érotisme représentait vraiment la sexualité en gloire!
On sait combien d'égoïsme et de solitude se cache dans le monde du sexe. Freud nous a averti : "Ils ne savent pas que je leur apporte la peste". C'est qu'Eros ne se conçoit pas sans Thanatos, le désir sans la mort, à moins de se laisser racheter par l'amour (agapé). Il me semble que l'érotisme ne représente la sexualité "en gloire" que lorsque se vérifie cette parole biblique : "De deux vous ferez une seule chair", c'est-à-dire lorsque le plaisir donné ou reçu est vraiment un moyen d'exprimer l'amour qui unit deux êtres.
Vous dites que les peuples qui vivent nus ne connaissent que l'accouplement et que "c'est le vêtement qui rend la nudité intéressante".
Ne pourrait-on pas imaginer au Paradis terrestre une sexualité totalement altruiste, sans "tumulte" pour reprendre le terme qu'utilise saint Augustin, mais dans laquelle se réalise l'"une seule chair" – dans un plaisir vraiment partagé ?
Et ne faudrait-il pas concevoir l'érotisme comme un raccourcis qui promet sans tenir ? Un peu, analogiquement, comme le "Vous serez comme des Elohim" du Tentateur : dans un premier temps, le pécheur se sent effectivement libre comme Dieu est libre, puisqu'il devient lui-même sa propre fin, puisqu'il n'a d'autre limite que lui-même. Dans un second temps, abandonné de Dieu, laissé à lui-même et à l'horizon étroit de l'espace-temps, c'est-à-dire exposé à sa mortalité, il doit reconnaître que la parole du serpent l'a enfermé dans une illusion de puissance. Il me semble que la pratique de l'érotisme chez un Bataille justement, qui, entre les deux guerres vous "organisait ça" de façon horriblement artificielle, renvoie à la même illusion d'un absolu que l'on croit tenir et qui se transforme... en mort. Houellebecq a excellemment exprimé cette déconvenue du "sexe facile" dans Les particules élémentaires, où d'ailleurs l'une des protagonistes meurt cruellement par où elle a péché.
Il me semble néanmoins - et c'est là que votre post m'a beaucoup intéressé - qu'il n'y a au fond que deux possibilités si l'on veut faire parler la sexualité : soit le péché qui rend la nudité intéressante... et qui mène à la mort. Soit la maîtrise de soi qui permet parfois et par grâce de rendre la sexualité à sa destination initiale : l'union profonde de l'homme et de la femme.
En vous remerciant d'avoir pris la peine de m'écrire tout cela... - GT
PS : Pensez-vous que l'on pourrait publier cette correspondance sur le blog. Et voulez-vous y apporter une réponse ?
Réponse d’Agnès
Mais moi quand je parle de la sexualité, je ne la conçois pas autrement que comme un échange amoureux ! "Le sexe", la rencontre génitale, n'est que de la pitoyable gymnastique et une liberté qui ne mène nul part. Par contre la sexualité (érotisée) dans l'amour n'est-elle pas ce qui permet d'entrevoir le Paradis ? Mais alors l'érotisme ne serait pas la conséquence du pêché en tant que progrès de l'humanité, mais plutôt une sorte de recherche de substitut de ce qu'était la relation de l'homme et de la femme avant le péché ?
P.S. Vous pouvez publier.
Merci Agnès de cette conclusion. Il est bien juste que je vous laisse le dernier mot ! - GT

2 commentaires:

  1. Bonjour, merci pour ces réflexions qui soulèvent pour ma part quelques interrogations...
    Tout d'abord, pourquoi le péché originel serait il d'origine sexuelle ? La nécessité de se couvrir ne vient elle pas d'abord de par la prise de conscience du péché ou de sa potentialité, bref d'une véritable conscience de soi ? La pomme n'est elle pas justement celle de la connaissance ?
    Enfin, n'est ce pas un peu rapide que de confronter échange amoureux et fusionnel avec érotisme égoïste et mortifère ? Ne s'agit il pas d'une question de degrés plus que de nature ?

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  2. Agnès considère de haut "les peuplades vivant nues" !
    même pas cap' d'érotisme !
    Agnès entrevoit le paradis à travers la sexualité érotisée !
    Je trouve notre pauvre abbé bien bon ou bien naïf. Dans quelle galère s'est-il embarqué ?

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