jeudi 26 juillet 2012

Présence réelle

Comment comprendre la présence réelle du Seigneur dans l'eucharistie ? Plusieurs d'entre vous ont posé cette question, à propos du texte Le sacré corps. Je voulais répondre bien sûr. J'hésitais à répondre à une question si difficile sans ma bibliothèque. Je suis actuellement près de Rennes et sans beaucoup de moyen de vérifier les intuitions qui peuvent survenir. il m'a paru, tout à l'heure, en célébrant l'eucharistie dans le four à pains transformé en chapelle par mes parents, que je pourrais ne pas différer d'avantage de répondre à tel d'entre vous qui attend depuis plus de 50 ans des éclaircissements à ce sujet. Je ne prétends pas être infaillible. Je dirais seulement que j'ai travaillé la question avec Cajétan - lui même organisant une réponse à Zwingli, le réformateur suisse, adepte d'une présence purement symbolique.

Pour comprendre la présence eucharistique, il faut remonter au mystère de l'incarnation.

De la même façon que Dieu est présent en cet homme Jésus de Nazareth, de la même façon le Christ ressuscité et glorieux est présent sous l'apparence du pain et du vin (on dit aussi : sous les espèces du pain et du vin). Il s'y trouve en vertu de sa parole au moment de l'Institution de ce sacrement : "Ceci est mon corps, ceci est mon sang". Et il a ajouté alors : "Vous ferez cela en mémoire de moi". C'est ce que je viens de faire... On sait avec quelle circonspection saint Paul a reçu ce mystère : "Je vous ai transmis ce que j'ai moi même reçu" (I Co. 11). Il promet à ceux qui ne sont pas capables de discerner, sous ces apparences, "le corps et le sang du Seigneur" qu'ils risquent alors d'être "accusés par ce corps et ce sang". Quelle responsabilité il fait peser sur des épaules humaines ! Responsabilité qui n'est pas mémorielle mais actuelle. C'est la responsabilité des contemporains de Jésus, qui devaient croire en lui et discerner en lui le Fils de Dieu (ou le Fils de l'Homme, personnage divin annoncé par Ezéchiel et Daniel). C'est aujourd'hui notre responsabilité, devant Dieu, et nous sommes jugés sur  notre foi en l'eucharistie. Les premiers chrétiens ont été accusés de cannibalisme. Parce qu'il prenaient avec eux l'hostie sainte et se communiaient avant les repas, ils étaient parfois dénoncés par leurs esclaves... Jamais les chrétiens ne sont restés loin de l'eucharistie, véritable mémorial du Christ sacrifié, Christ avec nous, Christ qui n'est pas seulement dans notre mémoire comme une intention que l'on s'efforcerait de rendre vivante, mais qui se fait mémorial pour nous rappeler lui-même sa présence.

L'expression "présence réelle" doit être bien comprise. Je préfèrerais d'ailleurs parler de "réelle présence" (Georges Steiner a utilisé ce vocable ainsi interverti, mais de manière purement esthétisante). L'adjectif est au moins aussi important que le nom. Réelle renvoie à res, la chose, la réalité. La présence dont il est question n'est pas une impression psychologique, une certaine intensité mémorielle. Je dirais : au contraire ! Trop souvent, devant l'eucharistie, nous restons froid. Et c'est... naturel ! Dieu n'est pas accessible à nos sens. Jean-Luc Marion a tenté de parler à ce sujet de manière purement phénoménologique en évoquant "l'icône" ou "le phénomène saturé". Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit ! Le Christ présent ne sollicite pas je ne sais quelle expérience sensible en nous. Il n'est pas accessible à nos sens : Visus tactus gustus in te fallitur écrit Thomas d'Aquin dans l'Adoro te. Comment percevons-nous cette présence ? Non pas par une émotion sensible, mais par la foi : "Sed auditu solo, tuto creditur". C'est l'oreille (auditus) qui nous permet de croire (creditur) en sécurité. La foi, en effet vient de ce que l'on entend (fides ex auditu) comme dit saint Paul. Nous entendons la Parole : "Ceci est mon corps" et nous croyons comme autrefois les juifs croyaient que l'homme Jésus était le Fils de Dieu en s'appuyant non sur je ne sais quelle voix intérieure qui le leur aurait chuchoté, mais sur la foi en sa propre Parole.

Cajétan ose souligner que la présence réelle est une présence spirituelle, dans son petit opuscule contre Zwingli : si elle n'est pas accessible aux sens, elle est accessible, par l'oreille, organe de la foi, au coeur intelligent qui est en chacun d'entre nous. Il fait une grande différence entre présence spirituelle et présence symbolique. La présence du Christ dans l'eucharistie est accessible à l'esprit qui croit. Ce n'est pas, pour autant qu'elle soit un symbole, une représentation ou une impression mentale. Elle est un fait qui échappe aux sens et se donne à la foi. Elle est une réalité intrinsèquement surnaturelle : Praestet fides supplementum sensuum defectui. Alors que les sens défaillent, que la foi fournisse le supplément (le supplément d'âme) qui nous permette de percevoir la présence réelle et d'être, de manière divine, au rendez-vous que Dieu nous donne.

Dans l'extraordinaire rite que je célèbre, soulignons que l'eucharistie est elle-même le mystère de la foi (formule de la consécration du sang du Seigneur). Elle n'est pas seulement un rappel des autres mystères, de la mort, de la résurrection et de l'ascension du Seigneur, elle EST ces mystères, elle les résume et elle nous les manifeste comme mystères. Elle est la provocation actuelle de notre foi. Elle n'est rien d'autre que la réelle présence de ces mystères, dans la profondeur surnaturelle que comporte, dans sa puissance obédientielle, la réalité la plus ténue.

Depuis le XIIIème siècle, Guillaume d'Auvergne et les théologiens aristotéliciens, parmi lesquels saint Thomas d'Aquin, parlent pour désigner ce mystère de transsubstantiation. Le terme est magnifique. Rappelons que la substance, au livre Z de la Métaphysique d'Aristote (en particulier en Z,17), c'est la forme de chaque réalité, quelque chose qui ressemble à l'idée platonicienne, mais qui ne siège pas dans je ne sais quel arrière monde, qui est l'essence "dans" la chose. Aristote utilise le grec ousia qu'Etienne Gilson traduit assez bien par "étance". L'étance qui est "sous" l'apparence de la chose : sub-stance.

Les philosophes grecs, éblouis comme Antigone par la lumière du soleil, ont conscience que l'intelligence a besoin du contre-jour voire de la demi obscurité (la chouette est l'oiseau d'Athéna, déesse de la sagesse). Le  Psalmiste le dit aussi : "La nuit est ma lumière". Ainsi, au delà des apparences, se cache la vérité de chaque chose, sa substance. Malheureusement, dans le français courant aujourd'hui (est-ce depuis Rabelais et sa "substantifique moëlle" ? Est-ce parce qu'en latin substantia signifie aussi richesse, argent ?), en tout cas le terme de substance résonne de manière très matérielle. Plus rien à voir avec l'ousia d'Aristote. Rien non plus avec la mystérieuse et totale transsubstantiation, qui désigne un changement d'être au-delà de toutes apparences.

Reste encore une question, si je lis attentivement vos messages : comment Dieu, qui est présent partout, peut-il être présent en un point particulier ? La question est la même pour l'incarnation du Verbe de Dieu en Jésus-Christ. Et je crois que la réponse n'est pas très éloignée de celle que l'on donne à propos de cette incarnation. Disons-le : parce que Dieu est tout, il est présent partout. Les états multiples de l'être sont Dieu d'une certaine façon. Ils ne sont que par lui et en lui. Mais lui n'est pas eux.

Je suis conscient que l'on commence peut-être à manquer d'air.

Un exemple : la fourmi est Dieu, non pas dans son essence de fourmi, mais dans son existence (c'est la part de vérité de Malebranche : toute existence est infinie car incommensurable aux mesures de son essence). Dieu seul existe d'une certaine façon et il donne toute existence, comme de Lui. Mais, pour autant, quoi qu'en pensent les bonzes, il n'existe pas comme une fourmi avec des pattes des yeux etc. C'est ce que Cajétan appelle la présence "immediate suppositaliter" de Dieu dans sa création. Dieu est le sujet de sa création, car il est l'existence de toutes les créatures. Toutes ses créatures sont... Dieu. Mais en même temps, bien évidemment, Dieu, infini, n'est aucune d'entre elles, puisque par essence, elles sont toutes limitées.

Je me permets de me citer sur ce très difficile problème. C'est dans mon Cajétan p. 436, en conclusion d'un paragraphe intitulé "Une infinie présence de l'Etre absent" : "On pourrait dire que c'est la notion physique de contact qui fournit l'analogie la moins improbable pour évaluer cette présence absente de Dieu à sa création. En soi, le contact exclut l'un de l'autre les deux êtres qu'il rassemble. Etre en contact, c'est à la fois être soi, à l'exclusion de ce avec quoi l'on est en contact, et être dit présent à ce que l'on touche. Si l'on définit l'acte créateur comme un contact, on peut dire que cette présence de Dieu à sa créature repose sur une absence de Dieu dans sa créature. Dieu est présent dans sa création, il est absent dans sa créature, il n'est pas elle".

Quand on a correctement défini cette présence par contact comme une infinie présence absente, on peut aborder d'autres modes de présence.

"Lorsque deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux", cette présence-là est une présence sentie, une expérience de la présence, qui ne se réalise qu'à plusieurs, parce qu'il n'y a qu'en additionnant nos finitudes dans l'imploration que nous nous configurons à l'Infini, dans un espace nouveau qui est l'espace sacré.

"Voici que je suis avec vous jusqu'à la fin du monde". Cette promesse du Christ à la fin de l'Evangile de saint Matthieu, marque une assistance providentielle particulière de Dieu à ses saints (à ses élus). Dieu aime particulièrement (avec une délicatesse singulière) ceux qui l'aiment. Ce mode de présence est différent du précédent.

Quant au Mémorial de la Passion de la résurrection et de l'Ascension dans le Ciel du Christ, quant à l'eucharistie, elle ne désigne aucune intensité mémorielle puisqu'elle est objectivement (et non subjectivement) le Mémorial.

L'eucharistie ne désigne pas non plus, en soi, une attention particulière de Dieu pour ceux qui l'aiment. Dieu n'a pas besoin de l'eucharistie pour être présent à ceux qui l'aiment.

L'eucharistie est la réalité du Christ portée jusqu'à nous selon un mode de signe (selon un mode sacramentel). Elle est le Christ, Dieu et homme, présentée d'une autre manière que durant sa vie terrestre. Elle est la divinisation de notre humanité et la vie éternelle commencée dans le Christ. Elle est l'objet de notre foi, inaccessible au sens et perceptible au coeur par l'enseignement (ex auditu). Elle est le Christ qui nous attend jusqu'à la fin de notre vie, le Christ là, le Christ à la merci des passants pour toi, pour toi, pour toi aussi... Le Christ rendant possible, pour celui qui croit, un singulier tête à tête.

Vous voulez comprendre l'eucharistie ? Oubliez la traduction française. Dominus vobiscum, ce n'est pas un voeu pieux ou une expérience subjective. C'est une réalité surnaturelle : le Seigneur est avec vous.

8 commentaires:

  1. "Le Christ rendant possible, pour celui qui croit, un singulier tête à tête."
    Pour celui qui croit bien sûr mais aussi celui qui n'a pas peur, non? J'ai récemment entendu un exposé fait à Paray et diffusé par Radio Espérance. L'auteur rappelle la fameuse apostrophe de JP2 " N'ayez pas peur!" et il ajoute une phrase de Benoit16 " N'ayez pas peur...du Christ!" Je crois que cette peur n'est pas à négliger.

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  2. Merci, Monsieur l’Abbé, pour ce bel article. Permettez-moi de vous livrer ces quelques pistes de pensées que votre :

    1.Ce qui m'a toujours dérangé avec le recours a la philosophie aristotélicienne, c'est que cette dernière s'enracine dans un réalisme irrévocablement matérialiste.Et que se servir des praedicamenta pour évoquer, saisir, ou pire, expliquer un mystère équivaut a méconnaitre ce qu'est le mystère. La réalité du mystère ne saurait se réduire, s'identifier totalement a la réalité matérielle dont elle se sert pour se manifester. Sinon la raison et les sens pourraient complétement appréhender le mystère, ce qui est une aberration. Puisque la Substance du Sacrement échappe a toute appréhension rationnelle, sensuelle, matérielle. Comme si la réalité matérielle de l'accident conférait au mystère une quelconque validité. Alors, la foi ne suffirait plus?

    2. Nous ne pouvons donc appréhender ce sacrement, ce mystère par les organes de la raison ou des sens. Ces organes ne peuvent être "l'interface" d'une communion entre la Substance du Mystère et nos êtres. Ce qui ne veut pas dire que le Mystère n'a aucun effet sur ces organes. Bien au contraire. Mais ce ne sont pas eux qui nous font voir, vivre du Mystère. N'est-ce pas plutôt l'organe noétique, l'intellect agent? Ou, dans le lexique ascétique, le cœur? Mais l'intellect agent n'agit pas seul. Il doit recevoir la lumière de la foi.

    3. "Il fait une grande différence entre présence spirituelle et présence symbolique". D'accord, surtout contre Zwingli et toute interprétation sommairement symbolique. Mais il y a une différence entre symbole et signe, manifestation et image. Quid de l'aspect theophanique de l'eucharistie?

    "Elle n'est pas seulement un rappel des autres mystères, de la mort, de la résurrection et de l'ascension du Seigneur, elle EST ces mystères, elle les résume et elle nous les manifeste comme mystères. Elle est la provocation actuelle de notre foi"

    Cette dernière phrase est d'or. Provocation au sens étymologique.

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  3. Pour tous ceux que passionne cette question, lire l'ouvrage de Mgr Guerard des Lauriers (1987): "la présence réelle du Verbe incarné dans les espèces consacrées".
    C'est autre chose qu'une "réelle présence".....!!!

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  4. OUF ! Monsieur l’AG2T, rien de nouveau sur l’Eucharistie…Sauf Réelle Présence : Pas d’accord ! Le mot « Présence » à lui seul, lorsqu’il se réfère à Dieu est un « plein » qui pourrait même se suffire à lui-même. Il ne désigne pas seulement « l’être là » comme « réelle présence » mais parle aussi de ce que contient cette Présence unique qui diffère de toutes les autres. Ce mot renferme l’Amour, la Rédemption, la Miséricorde, l’Etre absolu de Dieu, la Connaissance infinie etc. Tous ces attributs de Dieu que nous n’arriverons pas à circoncire, sont inclus dans ce terme « Présence ». L’adjectif après le substantif vient encore ajouter à ce mot un surplus d’Etre. Comme placé à l’envers, il ajoute du Mystère et de la Vérité ! Magie de la langue française qui se tortille pour inventer un langage sacré ! La langue elle-même plie le genou devant son Seigneur !
    D’ailleurs, vous dîtes la même chose : « elle EST ces mystères, elle les résume… ».( Mais le changement n’est pas heureux.)
    Pourquoi « l’ousia » ? Je ne suis pas une spécialiste, mais pour Aristote, les « catégories de l’être » renvoient à leur substance, à l’ousia . Ici les catégories du pain et du vin renvoient non à leur substance propre, mais à un être « Tout Autre » qui efface les dites catégories et leur substance. Le terme « Transsubstantiation » l’exprime parfaitement. Cela n’entre nullement dans les catégories aristotéliciennes !! La substance des « pain et vin » disparaît au profit d’une autre, de l’Autre.
    En ce qui concerne les « états multiples de l’être…sont Dieu…mais Lui n’est pas eux. » Tout à fait d’accord avec vous. Pourtant cette comparaison avec le « contact » me semble inadaptée, car là aussi, si les êtres de ce monde se rassemblent par le contact tout en restant séparés, Dieu ne peut s’enfermer dans cette catégorie de notre mental. C’est comme pour l’amour de Dieu, qui est infini pour chaque être sans jamais épuiser l’infini de la Source. Les infinis se superposent. Notre entendement est dépassé.
    De même, chez tous les êtres, Dieu subsiste en eux totalement, mais Il est Totalement LUI, AUTRE. Comment le comprendre ? C’est pourquoi, avec tout le respect que je vous dois, MAG2T, l’image du contact sied si peu : Dieu est totalement dans ses créatures et totalement en dehors. Vous aussi, vous dîtes la même chose : » Dieu seul existe d’une certaine façon et Il donne toute existence, comme de Lui ». Of course !
    C’est pour cela qu’on ne peut pas parler de « création » ni de « créature » ni de « créateur ». Il n’y a pas un sujet et des objets de l’acte créateur. Il n’y a que le « Don de Soi en Totalité» que Dieu fait en permanence. Il faut trouver d’autres termes ! ( Le péché originel a estropié cette nature divine, mais elle existe bel et bien et c’est cela que l’astrophysique découvre petit à petit ! )
    Benoîte

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    1. Certes Aristote distingue 10 catégories de l'être (dans la Métaphysique). Mais en fait elles peuvent se réduire à deux : la substance (ousia) et les accidents (lieu, mouvement, etc.). L'ousia est, ce qui fait que tel "étant" est ce qu'il est. C'est sa quiddité, sa forme. Les accidents appartiennent à l'étant également, le caractérisent (comme "blanc" caractérise Socrate) mais sans lui être essentiel. Autrement dit les accidents peuvent changer dans un être, cela ne change pas cet être tant que sa sustance (ousia) ne change pas. Un enfant qui grandit est dans ce cas de figure.
      Pour la transubstantiation, c'est le contraire. Les accidents ne changent pas. L'apparence reste celle du pain ou du vin. Mais la substance a changée, c'est le Christ. Je ne crois pas que cette conception d'un changement de substance sans changement d'accidents ait été envisagé par Aristote, du moins je ne me souviens pas d'avoir rien lu de tel chez lui. En ce sens la transubstantiation n'a rien d'aristotélicien. Par contre les concepts de substance et d'accident sont bien aristotéliciens et leur usage dans le concept de transubstantiation est conforme à la pensée d'Aristote. En ce sens le concept est une explication aristotélicienne du mystère de l'eucharistie.
      Cela n'empêche pas qu'il puisse y en avoir d'autres.

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  5. Le problème est que Mystère et concept ne font pas souvent bon ménage, ce qui fait que votre texte, Monsieur l'abbé, quoique d'une profondeur assez insondable, manque de cette "substance" existentielle, émotionnelle, adorante (au sens sensible du terme) que vous dénoncez dans la fidélité à l'antisentimentalisme religieux que vous n'êtes pas le seul à brocarder, mais qui pourrait nous faire goûter ce Dieu transsubstancié, Qui n'a pas manqué de se faire saveur et sagesse. Quelques aperçus pour le dire humblement (car volontiers je reconnais quela logique scolastique me dépasse):

    1. "Il (Saint Paul) promet à ceux qui ne sont pas capables de discerner, sous ces apparences, "le corps et le sang du Seigneur" qu'ils risquent alors d'être "accusés par ce corps et ce sang"." J'avoue que vous m'ouvrez une perspective sur la fameuse parole de Saint-Paul où l'apôtre promet à ceux qui feront des communions indignes qu'ils mangeront leur condamnation, à laquelle je n'avais jamais pensé. Alors, il suffirait d'avoir foi en l'eucharistie pour communier dignement! Bien sûr, cela ne nous autorise pas à provoquer dieu; mais à vous lire, on en viendrait presque à se le demander. Le Sang du Christ, versé pour sauver le monde, peut-Il maudire? est-ce la responsabilité de l'homme qui Le rend instrument de malédiction? Mais en quoi, comme le dit roger, cette malédiction n'est-elle pas nécessairement accompagnée de notre peur? Qui peut sincèrement s'approcher de la table de Communion sans avoir peur de faire une Communion indigne?"


    2. "Si l'on définit l'acte créateur comme un contact...", alors tout est fait pour favoriser cette peur. D'aucuns comme Origène ont espéré que nous aurions participé à l'Instant de la création en un Mystère de Contemplation qui nous en eût donné le fin mot avant que nous le perdions. Si c'est l'Acte créateur Qui est contact, alors foin de cette poétique espérance! Pardonnez-moi de penser que, dans la relation de vis-à-vis qui unit l'homme à Dieu, ce n'est pas l'Acte créateur de dieu qui Est contact, mais c'est dieu Lui-même Qui l'est tout entier, et que cela génère le tabou, parce que celui-ci se définit comme "la peur du contact" (Freud), donc in fine comme la "peur de Dieu".


    3. "L'eucharistie ne désigne pas non plus, en soi, une attention particulière de Dieu pour ceux qui l'aiment." Avec cette phrase, vous détruisez la dimension propitiatoire qui peut miraculeusement et je dirais même prodigieusement guérir l'homme de "la peur du Contact" divin, propitiation à laquelle le Mystère de l'Incarnation ne me semble pas étranger. En un mot, vous avez l'air de prendre clairement vos distances avec l'idée que, si dieu ne soutenait pas constamment Sa Création, elle tomberait dans une chute inéluctable. Vision romantique d'un "inspire" priant favorisant un "expire" du Souffle de l'Esprit rechargeant en énergie une Création toujours en danger de tomber dans la déréliction de la chair, qui est la perte de son âme, du fait que n'y circule plus le sang, et que cela la livre aux "fourmis", cette ankylose du diable?

    (à suivre)

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  6. (suite)


    4. Heureusement que vous tempérez les remarques précédentes par cette première phrase selon laquelle "Dieu Est le sujet de sa création, car Il est l'existence de toutes ses créatures." Il fallait bien qu'après tant d'incitations (par vous données dans tant d'articles antérieurs) à ne pas être les dupes de notre confusion de notre désir avec dieu, vous nous rappeliez que notre réalité est conditionnée par le fait que nous avons un Sujet Qui nous attribue une dignité bien plus importante que toutes celles, trompeuses, de la "philosophie du sujet" qui, faussement, nous définit comme les "attributeurs" de la réalité. Bien que Dieu ne Se circonscrive dans aucun d'entre nous, dieu Est notre thème et nous En sommes le prédicat. – Nous sommes les prédicateurs de Dieu -. Nous avons vis-à-vis de Lui une fonction messagère, bien que nous ne soyons pas des anges et que les anges nous soient soumis.


    5. Heureusement enfin que vous faites sa part à "l'Expérience de la Présence" dans "la vie fraternelle" du Corps Mystique du Christ, dont Antoine fut le premier à parler depuis qu'il est question de ne pas seulement considérer le Corps transsubstancié de notre Seigneur, mais de Le considérer dans Sa continuité inséparable du Corps Mystique, poursuivant Son pèlerinage sur la terre, dans la force de ce Sacrement caché au centre qu'est le corps transsubstancié, au coeur de l'Eglise, dans le tabernacle intime de cet édifice spirituel.

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  7. @ Julien
    La théologie chrétienne est celle de la Lumière. Cela ne se résume pas en quelques lignes, mais on peut lancer quelques pistes…
    Lorsque l’Abbé dit que Nous croyons comme les juifs de l’époque, « … en s'appuyant non sur je ne sais quelle voix intérieure qui le leur aurait chuchoté, mais sur la foi en sa propre Parole. » C’est que la Parole du Christ est Lumière. Le Prologue de St Jean explique bien ce qu’est cette Lumière : « En Lui était la Vie et la Vie était la Lumière des hommes et la Lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont point comprise ». La Parole de Dieu EST Dieu lui même ( Père, Fils et St Esprit) Elle est Acte divin et qui la reçoit, reçoit la Foi. Encore le prologue de St Jean : « …qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme mais de Dieu même »
    On doit à JP II, les mystères lumineux. Une trouvaille géniale ! Quels sont-ils ? :
    1- Le baptême du Christ dans le Jourdain : 1ère Lumière. La Mission toute entière est Lumière, c’est à dire qu’elle donne VIE à toute la terre et à ceux qui l’accueille.
    2- Les noces de Canna : 2ème Lumière. L’eau qui, à la fois est l’élément assez pur pour être le véhicule du baptême et qui est un prélude au Vin Eucharistique.
    3- La propagation de l’Evangile : 3ème mystère. Le voilà le mystère lumineux qui parle de la Parole du Christ, Lumière de Dieu comme semence de Vie qui donne la Foi !(ex : parabole du semeur).
    4- La Transfiguration : 4ème mystère. Le Fils de l’Homme transfiguré. Modèle de notre propre Transfiguration. Prologue de Jean : « Celui-là était la vraie Lumière qui éclaire tout homme en ce monde »
    5- La dernière cène : 5ème mystère. Le Christ annonce la réalité lumineuse de l’Eucharistie, mémorial de la Passion qui présent dans notre temps, est LA source de VIE.
    TOUT y est !
    C’était un essai de réponse au premier argument de Julien et de tous ceux qui croient à quelconque nécessité de ressentir une émotion au moment de la Communion. La Lumière donne « la Vie en Dieu », ce qui implique outre la Foi, l’amour de Dieu et des autres. On adore aussi Dieu dans l’Eucharistie mais cela ne vient pas des sens. D’ailleurs c’est difficile à expliquer. On sait ce que ça n’est pas mais…je crois qu’une définition la réduirait à de l’humain, trop humain.
    Juste petit mot sur la peur de communier indignement. Nous sommes tous indignes de nous approcher de la Table Sainte, tous. ( Domine, non sum dignus ut intres sub tectum meum etc.)
    Mais, dans notre religion catholique, il y a 2 moyens de communier à peu près dignement :
    1-Avoir foi dans l’Hostie transsubstantiée en Corps du Christ mort et ressuscité.
    2- le Sacrement de confession. C’est comme son nom l’indique, un sacrement qui participe aussi à la renaissance de chacun.
    La peur de Dieu ? Connais pas ! Je n’ai qu’une peur, c’est de moi-même ! Dieu ne nous maudit pas, c’est nous qui nous excluons nous-mêmes ! C’est nous qui faisons de la communion mal reçue ( sans humilité, sans Foi, sans reconnaissance et pardon de nos péchés) un instrument de malédiction.
    Là où vous n’êtes pas très clair, Julien c’est au sujet de la Substance et des attributs. On ne sait pas à quoi vous faites référence. Si c’est de Spinoza que vous voulez parler : Les attributs ne sont que des modes de Dieu. Je ne sais pas où vous voulez en venir avec ça car de toutes les manières, ce n’est pas chrétien du tout
    Benoîte.

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