Le personnage est un platonicien qui traduit en latin Platon et Plotin. Dans son De christiana religione (1474), Marsile Ficin écrit ceci :
"Toutes les opinions des hommes changent, toutes leurs réactions changent, toutes leurs coutumes changent - sauf la religion".Au fond, lorsqu'on change la religion, on la tue.
Il n'y a eu qu'un seul véritable changement religieux dans l'histoire de l'humanité, celui opéré par le Christ, qui change le sens du sacrifice et remplace le sacrifice de l'autre (le bouc émissaire qui a toujours tort) par le sacrifice de soi, en offrant son propre sacrifice.
Mais ce changement lui-même, qui nous vient d'ailleurs, qui représente une magnifique initiative divine, on ne peut l'établir comme changement qu'en en manifestant, aujourd'hui, le caractère profondément traditionnel. Le paradoxe de la nouveauté chrétienne, qui est toujours plus nouvelle (ou plus choquante) que jamais, c'est qu'elle doit s'inscrire dans sa propre transmission, c'est qu'elle doit s'identifier à sa Tradition pour apparaître comme tranchant avec tout ce qui est humain.
La "folie de la prédication" dont parle saint Paul aux Corinthiens n'apparaît vraiment comme folle (c'est-à-dire comme absolument neuve) que lorsqu'elle refuse de se laisser influencer par la mode du moment pour rester fidèle à sa permanente altérité, dans la référence toujours vivante à sa propre tradition, à la transmission qui l'a apportée jusqu'à nous.
Toute religion est traditionnelle et ne change pas dit Marsile Ficin, parce que la religion s'adresse au plus profond au plus intime au plus invariable du cœur humain. Mais la religion chrétienne, celle qui, voici 2000 ans, a inversé les signes et opéré une transvaluation universelle est traditionnelle à ce deuxième titre : si elle n'est pas fidèle à elle-même et à cette transvaluation primale qui est l'Évangile (à cette glorieuse mutation des sacrifices dont je parlais plus haut), sa nouveauté disparaît... Son attrait s'éteint. Son pouvoir de séduction n'est plus qu'un (vague) souvenir...
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