mardi 5 octobre 2010

Nuit blanche

En rentrant de Rome, assez tard samedi soir, j'ai dû prendre un taxi, qui m'a expliqué précautionneux, qu'il ne rentrait pas dans Paris, "à cause de la nuit blanche" et qu'il ferait le tour par le périphérique. Nous rentrons rue Frémicourt par la Porte de Vanves... Rue Castagnary déjà une animation inhabituelle règnait ; nous croisions quelques soulographes sympathiques mais rarement égarés en ces parages à cette heure. Boulevard Pasteur, c'était la fête partout. Manifestement, dans les bistrots ouverts, l'alcool coulait à flot. je ne suis pas un partisan de la prohibition, que l'on se rassure. Mais cette manière de se saoûler la gueule "tous ensemble, tous ensemble" comme dirait Ségolène dans ses trips fraternitaires, ça vous a quelque chose de profondément déprimant.

J'en parlai récemment avec une pensionnaire de Normale Sup qui m'expliquait que même Rue d'Ulm les "Clubs d'orgie" sont à la mode, avec pour objectif : "pcppc", comprenez : "prendre chair pour pas cher". Le défi de ces grands intellectuels fruit de la sélection républicaine? Se bourrer la gueule pour 25 centimes. Un sport comme un autre. J'allais dire : une bourre en vaut une autre.

La Nuit blanche est-elle autre chose qu'un gigantesque débordement à un million et demi de personnes ? Dès dimanche, le Maire de Paris insistait plutôt sur la dimension culturelle de cette manifestation parisienne annuelle, ouverte à l'art contemporain. il semble qu'il y ait eu de joyeux fêtards sur les trottoirs de la Capitale, mais aussi des intellectuels qui avaient décidé de visiter tel ou tel musée (art contemporain uniquement). En nocturne.

Voici la déclaration de M. Delanoë datée du 3 octobre. Elle me paraît atteindre à une portée vraiment universelle puisqu'elle a pour objet... le beau : cette Nuit Blanche, "c'est la fête de la beauté mais il faut que la beauté soit du plaisir, pas quelque chose d'immobile, de froid et qui ne provoque rien sur le plan de la satisfaction" a lancé le maire de Paris.

Je ne suis absolument pas contre le fait que la beauté soit du plaisir : id quod visum placet, ce qui plaît à voir comme dit saint Thomas, dans une réponse à une objection au détour de son Traité de Dieu. La beauté plaît. Les artistes nous émeuvent parce qu'ils se font plaisir, c'est l'évidence même. On peut dire que l'art est le véhicule qu'utilise l'émotion pour avoir accès à une forme d'absolu ou d'infini. Le plaisir est un moteur. Mais quel moteur ?

C'est la dernière partie de la phrase de M. Delanoë qui me chagrine : la beauté selon lui doit à chaque fois "provoquer quelque chose sur le plan de la satisfaction". Une chose me semble-t-il est d'être ému par la beauté, autre chose d'y chercher une satisfaction. Parce que la satisfaction, c'est le vocabulaire de la consommation. Utiliser ce terme, c'est renvoyer à l'idée que nous sommes des consommateurs de la beauté. Or consommer c'est consumer. On consomme et après on jette. Comme si la beauté était jetable !

Freud au début de Métapsychologie a parfaitement analysé le fonctionnement du désir ordinaire, du désir qui nous agite sans renvoyer en rien à ce que Thomas d'Aquin (Contra Gentes III, circ. 50) appelle le désir de vérité. Il a parfaitement analysé le "malaise dans la civilisation" que représente le passage d'une société de subsistance à une société de consommation. Le désir du consommateur (le désir sexuel pris dans sa forme brut avec tous les autres désirs) doit être satisfait. Certains précisent même : satisfait ou remboursé. Mais qu'est-ce que cette satisfaction ? Freud l'explique bien : c'est la disparition de l'excitation. Le but de ce désir ordinaire, ce n'est pas tel ou tel objet, tel ou tel bien, telle ou telle vérité. Non : le but, c'est la disparition de l'excitation. Et le moyen, c'est l'objet consommé, corps, aliment, alcool, film, sport, danse, par défoulement ou décharge d'excitation en tous genres.

Attention, je ne suis pas en train de dire que le plaisir est interdit. Mais ce plaisir qui n'a pour but que ce que M. Delanoë appelle "la satisfaction" est un plaisir vide et profondément nihiliste. Dire que l'art doit provoquer une satisfaction, c'est considérer que l'oeuvre d'art est un produit de consommation comme un autre. A propos de l'art, Freud parlait encore de sublimation, pour souligner que tout ne rentrait pas dans le schéma primaire de ce qu'il a appelé le destin des pulsions. M. Delanoë, parlant de satisfaction par l'objet d'art, oublie la dimension mystérieuse de la sublimation et établit le règne universel de la consommation.

Je crois que la grande question que nous devrions nous poser, si nous prenons au mot le Maire de Paris, c'est : "qu'est-ce qui ne se consomme pas". Quel bien est capable de provoquer - plutôt que la satisfaction du consommateur qui sommeille en moi mais ne s'est jamais vraiment endormi - l'admiration, le dévouement, le partage ? C'est ce bien qui est vrai, c'est ce bien qui est vraiment bon, parce qu'il ne se laisse pas consumer à l'usage... C'est ce bien que nous gardons après l'avoir adopté, non pas un moyen de satisfaction, mais une véritable fin.

Pas de morale sans l'identification des finalités propres à chacun dit saint Thomas, comme nous l'avons vu en cours, ce soir. Il n'y a que dans les romans qu'il ne faut pas aller voir la fin. Dans la vraie vie, il importe de toujours considérer d'abord la fin - ce qui résiste à la consommation, ce qui reste après toute les satisfactions. C'est sans doute ce que voulaient dire les Rolling Stones avec leur curieux : I can't get no satisfaction. Comment obtenir ce qui seul nous satisfait au-delà de la satisfaction consommatrice ?

15 commentaires:

  1. Bonjour Père, comment-allez-vous? J'ai l'impression que vous avez pris Easy-Jet, pour rentrer de Rome/Ciampino - Orly...

    Quant à Monsieur Delanoe, il ferait mieux de s'occuper de ses bretelles.
    En tant qu'élu qu'il est actuellement, je n'ai strictement rien à f......à faire de ses considérations esthétiques de petit bourgeois-bobo de gauche!

    Tous ces gens ont de grandes prétentions intellectuelles et esthétiques mais qu'ils la bouclent, c'est tout ce qu'on leur demande!

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  2. Bravo, monsieur l'abbé, de ne pas refuser à Freud ce qu'il a vraiment apporté aux sciences humaines: l'analyse du fonctionnement et de "l'économie" du psychisme: refoulement d'une partie des pulsions et sublimation de l'autre part grâce à l'énergie créatrice de l'Homme, encouragée (ou non malheureusement) par la société, les parents, bref tout ce qui constitue le surmoi et construit le moi.

    En quoi l'observation et la description de ce fonctionnement de l'énergie (libido) de l'Homme -bien plus, bien mieux qu'un animal, donc- met-il en péril notre foi en Dieu Créateur et Père? c'est ce que je n'ai jamais compris.
    Au contraire! quelle merveille que l'Homme!

    Pas si fréquent de rencontrer une telle compréhension chez un catholique traditionnaliste.
    Cela dit, les autres catholiques ne comprennent pas mieux non plus: ils font de Freud le complice de leur refus de la morale!

    Quant aux fiestas arrosées d'alcool, drogue et autres consommations encouragées par tous les vieux libertins soixantuitards attardés, c'est pour empêcher les gens et surtout les jeunes, de sublimer. Pour les abrutir. C'est aussi pour cautionner à travers de beaux discours, tout simplement leur désir de jouir sans frein (ex: Onfrey) pire encore: pour jouir sur le dos des jeunes (ex: Frederic Mitterrand)!

    C'est dans un bel établissement catholique, mariste, qu'on fait lire actuellement à mon petit Louis en 3è: Barjavel "La Nuit des Temps", où l'on peut lire à travers de nombreux passages troubles et malsains une scène complètement porno (oh pardon, érotique!).
    Les adultes de l'Education Nationale et de la Culture se permettent d'"éveiller" brutalement nos gamins et suppriment donc toute une génération de poètes et d'artistes. Ils se prennent pour de grands initiateurs!

    Interdiction totalitaire de la sublimation, en fait.
    Tant que tout cela durera, on aura en termes de production artistique et littéraire que de l'anal et du sexuel, crû et bête (cf: ce qui se produit à Versailles depuis quelques années).

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  3. Ma première Nuit blanche , dans le Marais et autour .Beaucoup de monde , pas aviné , avec comme "pompon " , la rosace de Notre Dame illuminée de l'intérieur . " Trop beau " diraient mes enfants .

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  4. A propos du PCPPC j'ai eu le même écho de la part de normaliens qui voient certains de leurs camarades mener joyeuse vie au lieu de travailler. Il est vrai qu'après le régime des prépas certains n'ont plus qu'une envie : jeter tout par dessus bord. C'est préoccupant pour l'avenir de nos "élites" qui me semblent bien déséquilibrées. Il y a également nombre d'élèves d'école d'ingénieurs qui tombent en dépression et abandonnent leur filière scientifique. Je me demande si la dose de travail que l'on demande à ces jeunes n'est pas déraisonnable. Il y a quand même autre chose que les maths dans la vie.

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  5. Il y a pourtant une satisfaction à la trouvaille de la vérité, pour l'intelligence, et une satisfaction à laisser Dieu faire le bien en nous et par nous ...et à mettre en silence nos "puissances" pour L'adorer...
    Je ne sais s'il y a des mots spécialisés dans la consommation, la production, etc ...
    Je me demande " quelle qualité?" ... et quelle" qualité pour la masse"...
    Ayant expérimenté que les "gens de la masse" avaient soif ..de beau et de vrai ...
    Mais les "meneurs de la masse" ses despotes illuministes lui fournissent des techno parades, des fêtes de la "musique", des fêtes citoyennes, des gay prides ( voire des défilés de Jeanne d'Arc ???? , des marches pour la "vie" ??????????pas pour la Vie Eternelle!!) , des rallyes sportifs... bref du "festif hédoniste massifié"
    qui va plus loin que le" pain et les jeux" ..car le pain est de mauvaise qualité , comme la boisson... et les jeux immolent les spectateurs eux mêmes!!!
    Cela me choque moi-même de ranger dans le même fourre-tout les processions traditionnalistes et les fêtes pagano-démo-libertariennes... (même avec des points d'interrogation en grand nombre)
    MAIS C'EST QUE DU POINT DE VUE DE l'ELEVATION QUALITATIVE DE LA VIE "de la grâce"( dans le for intérieur et dans les cellules du Corps Mystique que sont les communautés sur le terrain) ...je ne vois pas de profondes différences ... DIEU GUERISSE MA CECITE ET m'époutre comme on épouille!

    Lors de la "nuit blanche", la jeunesse dorée du 15ème arrondissement ( vers la rue Dupleix) braillait l'Internationale...
    Ces paroles, que je croyais connaître , m'ont frappé ...
    "l'Internationale sera le genre humain"..
    Pas ce que j'avais compris, dans ma jeune sottise : le genre humain (digne de ce nom) sera toute l'humanité (internationale)..non, l'Internationale ( mondialiste désormais) sera le genre humain, et ce qui n'y appartient pas..à la poubelle !
    Le mondialisme sait trier impatiemment,prématurément, le bon grain et 'livraie : le bon grain aux goulags(mentaux, festif de masse aidant), l'ivraie aux kremlins (européistes, mondiaux, sectaires généralisés)

    Comment , "membres les uns des autres",, arracher tous ces êtres qui valent le poids de Gloire du Sang de Dieu, à l'orgie généralisée qui les asservit ???je ne sais pas. La question " qu'as-tu fait de ton frère" me tenaille...Je supplie ... AS l'Alcoolique Sevré...

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  6. Pas mal, M. l'abbé. Je ne sais pas pour les autres, mais moi ce commentaire me rejoint! (et me satisfait quelque part, sans achever la réflexion ou plutôt, si je j'ose un mot pompeux, la "quête")

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  7. Merci pour cette piqûre de rappel sur ce que ne peut pas être le plaisir du Chrétien.
    Merci aussi de rappeler (car beaucoup dans nos milieux semblent l'oublier) que le plaisir n'est pas interdit pour nous.
    Comme Notre-Seigneur nous l'a enseigné, il y a un temps pour tout, et celui du plaisir est tout aussi permis que celui des larmes ou des croix.

    Merci encore de préciser ces choses qui ne vont plus de soi dans une société écartelée entre l'hédonisme ambiant et l'ascétisme qui lui fait front.

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  8. Relisez "Globalia" de JC Rufin et vous verrez ce qu'il en est d'un monde qui, ayant chassé les Saints du calendrier, crée des "fêtes" à tout va, pour combler le vide.
    La fête de ci, de ça, Nuit Blanche, journée de la jupe, marche des gays ou des tradilandais, jour sans voiture, sans tabac , l'année du sexe (ça c'est à inventer, mais ils y sont déjà, bien que, comme disait Musil, "sans qualités"), tout ce qui passe par les têtes...bien vides.

    Rien à voir avec le plaisir, ni sensuel, ni gustatif, ni intellectuel, ni spirituel. Les vrais plaisirs ne font pas vendre. Il faut être "en manque" pour acheter. Et malheureux, lassé, blasé, abruti, etc car : "les gens heureux ne consomment pas" (ça c'est Beigbeder; Frédéric, pas Charles!)

    Et finalement ça fait beaucoup plus peur qu'un athéïsme militant, mais instruit et cultivé - par ce culte de l'ignorance omniprésent, cette haine de l'intellect et de la culture classique exaltée partout à l'usage du peuple, "ils" (au fait qui au juste ???) ont réussi un coup de maître : priver la population jusqu'au MOYENS d'approcher la foi, l'histoire, la littérature, la musique...

    Il suffit d'aller au cinéma (pour "Des hommes et des dieux"!!) et subir l'avalanche des publicités des films à sortir : exaltation de la bêtise la plus élémentaire, manque d'imagination, le comble de vulgarité au vocabulaire des 300 mots, le sexe de bas étage décliné à toutes les sauces et pour tous les âges.
    C'est ce qui reste à l'immense majorité de la société d'aujourd'hui qui tourne en rond dans ce vide.

    Or,quand on tourne en rond, on ne suit que...son postérieur.

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  9. Quel beau texte, à tous points de vue stimulant, édifiant, contemplatif! Je ne vous fais pas assez souvent mes compliments, mais aujourd'hui, ils sont sans retenue: partir d'une anodine sérénade de l'"homo festivus" pour arriver à cette admirable méditation de l'au-delà des satisfactions, chapeau! Me permettrez-vous de refaire le chemin avec vous? Mais d'abord, félicitation à l'AS (souvent ane suppliant et aujourd'hui alcoolique Sevré) d'avoir donné cette magnifique définition de l'adoration due à notre Seigneur: "mettre au silence nos puissances pour L'adorer"...

    1. Tout d'abord, qu'est-ce qui distingue le festivalier (ou homo festivus) d'aujourd'hui) du cavalier carnavalier d'hier? Ce n'est assurément pas le bal masqué ni l'orgie, mais c'est d'abord l'hypocrisie: on se donne des prétextes pour tomber dans l'orgie, on ne reconnaît tout simplement pas que notre nature (trop) humaine a besoin de ses dérivatifs. Comme on ne fait pas la vérité sur ses motivations et que le temps ou l'histoire se sont accélérés, on part dans l'orgie vite et mal. Au temps des philosophes et plus tard des romains, il fallait 24 heures de conversation pour "se mettre minable". Après quoi tout ça passait au tamis et devenait une oeuvre philosophique ou poétique (au hasard, "LE BANQUET" de Platon. Aujourd'hui, on boit dans le bruit, on ne se parle pas, on vomit n'importe où, il n'y a plus d'endroits prévus à cet effet (hypocrisie), et le lendemain, on a tout oublié. Comment serait-il resté quelque chose de ce que l'on a vécu du moment qu'on ne s'est rien dit? Vivre, c'est se dire, n'est-ce pas? Pas seulement, sans doute; mais le langage poussé jusqu'au paroxysme de l'échange est sans doute le propre de l'homme, ce métablog en est l'illustration.

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  10. (suite)

    2. Vous tenez le juste milieu entre droit au plaisir et insuffisance (insatiété) de la satisfaction. Et vous allez très loin aux deux pôles, sans nous faire sombrer dans l'écartèlement névrotique. Le même Freud que vous citez en juste part a bien montré que le dépassement de la névrose passait par l'acceptation de l'ambivalence.

    Oui, nous avons droit au plaisir. Peut-être ne faudrait-il pas s'exprimer ainsi et se placer sur le terrain du droit qui est celui de la consommation, non seulement de l'art, mais de la liberté (cf les droits de l'homme). Pourtant, je crois que nous devons réaffirmer le droit au plaisir pour faire contrepoids au jansénisme qui est la pente naturelle du chrétien, déchiré entre sa condition de pécheur et cet horizon de Rédemption qu'il aperçoit de loin! C'est parce qu'il prend son compte de plaisir, parce qu'il prend son pied, parce qu'il se fait plaisir, que l'artiste nous fait du bien et que son oeuvre nous plaît. Je ne fais que me faire votre perroquet développeur. L'artiste se fait plaisir en nous plaisant, non pour nous plaire, et c'est en quoi sa façon de se faire plaisir n'est pas de l'onanisme. Il ne se fait pas plaisir intransitivement. Même si ce n'est pas pour nous qu'il fait son oeuvre, il nous a à l'oeil! Ne serait-ce que pour que nous lui disions combien son génie nous a rejoints, nous a touchés:
    "Tout artiste veut être admiré pour la louange de ses oeuvres". Vous ne pouvez savoir combien cette simple phrase de sainte-thérèse de Lisieux a pu libérer ce qu'il y avait de janséniste en moi à rougir de rougir de plaisir quand on me félicitait si l'on trouvait que j'avais apporté quelque chose de bon, comme telle était mon intention, moi qui souvent étais ému et voulais émouvoir. L'artiste veut susciter l'admiration et, grâce à la petite thérèse, l'humilité est sauve: le génie est un déterminisme, "qu'as-tu que tu n'aies reçu?" mais vous allez plus loin que la petite thérèse: l'origine de l'art est dans le plaisir (et la peine) que se donne l'artiste et, ce faisant, nous pouvons conclure avec Freud que, grâce à cette sublimation de l'art, l'artiste échappe au "destin des pulsions"

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  11. (suite)

    3. Il y a un droit au plaisir, mais il y a un au-delà de la satisfaction. Il y a un au-delà de la satisfaction parce que le désir est insatiable, il a toujours faim. C'est pourquoi les religions orientales ont tout simplement voulu le faire disparaître. Elles ont imaginé d'y mettre fin par impossible quand le christianisme a donné l'eucharistie à ce monstre de "consommation". Le désir est un "monstre de consommation" et nous vivons dans une société du désir organisé. En général, je n'aime pas les vocables de lutte et les expressions toutes faites comme celle de "société marchande" ou "société de consommation", mais vous nous en donnez, sinon l'origine, du moins le pendant, et une alternative de substitution idéale: en amont de la "société de consommation", il y a la "société de subsistance". Si l'homme a toujours commercé, consommé, accumulé, capitalisé, il aurait mieux valu que cela ne passât point la mesure de sa subsistance. Bien sûr, l'individu est toujours passé outre, mais jamais comme aujourd'hui à l'échelle d'une société. D'une société qui organise son désir et qui dit à cet individu réduit à son stade primal d'animal désirant au point de consommer sans plus vouloir contribuer:
    "Tu es un citoyen et la république est à toi!"
    La République pourrait être en effet la chose de cet individu s'il savait dilater sa conscience à la dimension de celle d'un peuple, mais ce n'est plus qu'un simple consommateur. Quelle serait la juste mesure de son désir? Le dépassement du stade de l'accaparement et du légitime besoin de liberté pour retrouver un goût de vérité. Il est amusant de constater que les philosophies les moins essentialistes comme celle de sartre n'ont jamais abdiqué de définir leur discipline, la philosophie, à leur corps de pensée défendant, comme la "recherche de la vérité". D'une vérité qui n'existait pas, si on les suivait par ailleurs.

    La conjugaison/conjonction du droit au plaisir avec l'au-delà de la satisfaction, c'est l'assomption du besoin de liberté recherchant un désir de vérité. Pour trouver "ce qui reste après toutes les satisfactions". Merveilleux appel de la tendance proverbiale du langage! Cette citation d'edouard Herriot est passée en proverbe:
    "La culture, c'est ce qui reste quand on a tout oublié". Eh bien, de même, il y a quelque chose qui "reste après toutes les satisfactions". Et ce "je ne sais quoi", qu'est-ce que c'est? Rien d'autre que la fin de tout, que la fin dernière:
    "La vie éternelle, c'est ce qui reste après toutes les satisfactions", c'est le dernier mot du combat entre le désir et la satisfaction: ce n'est pas la fin du désir, c'est le désir "qui n'aura plus jamais faim", c'est la satiété eucharistique de la satisfaction.

    J. WEINZAEPFLEN

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  12. A l'nonyme de 10:54

    Je regrette mais Barjavel est un très grand éceivain que j'ai fait découvrir à mes enfants lorsqu'il étaient au collège.

    Je demande à tous un epensée pour Bernard clavel qui vient de nous quitter.

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  13. Lettre d'un normalien pour apporter quelques compléments sur les moeurs de son Ecole

    La vénérable Ecole Normale Supérieure, créée par le décret de la Convention nationale du 9 brumaire an VII, est sise rue d’Ulm, dans le cinquième arrondissement de Paris, comme abritée dans l’ombre tutélaire du dôme du Panthéon, qui se dresse non loin, comme si tous ces dieux étranges auxquels Patrie témoignait tant de reconnaissance eussent voulu garder près d’eux ceux qui venaient comme leur rendre un vibrant hommage par l’étude et la méditation.
    Et ce n’est pas en vain que la Divinité a dispensé sur l’Ecole ses grâces et sa bénédiction. Tout en ce lieu exhale en effet comme un parfum de Religion : et ce n’est point mentir que de le tenir pour un couvent et un sanctuaire. L’édifice, dont les parties les plus anciennes forment un grand carré, entourent en effet un cloître paisible où chantent les fontaines et les frondaisons ; et il n’est pas rare que ceux qui se destinent au Sacerdoce de la Recherche y méditent savamment l’inconstance et la vanité des choses de ce monde, et en tirent certaines conséquences nécessaires. La bibliothèque, fort vaste, est propice à l’étude. Les volumes s’y accumulent en si grand nombre et depuis tant d’années, qu’on les retrouve à peine ; et qu’on erre dans les nombreuses salles comme dans un labyrinthe. C’est en vérité un spectacle extraordinaire, que celui qu’offrent les novices et les régents de leurs études, courbés sur quelque ancien ouvrage pour augmenter encore le savoir qui fait toute la réputation du lieu.

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  14. Bla bla bla bla pourquoi parler pour ne rien dire ?

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