Article repris de Minute du 27 octobre 2010
Hugues Lagrange est chercheur au CNRS. Il vient de publier un livre, qui a fait grand bruit, sur le problème crucial de l’immigration en France. Son cheval de bataille ? L’ouverture multiculturelle. Une manière comme une autre, sur ce sujet, de prendre le taureau par les cornes.
Comme il fallait s’y attendre, la longue introduction de Hugues Lagrange à son livre, Le Déni des cultures, porte surtout sur des questions de sémantique. Il s’agit, avant toutes choses, de trouver… les mots pour dire les choses: « La querelle du sémantiquement correct bat son plein. Le mot race est une abomination. Son funeste destin emporte avec lui le mot ethnie, ou ethnicité. » Comment désigner cette réalité de - venue innommable? « J’emploie le mot culturel pour parler des liens qu’un individu a contractés du fait de sa naissance et de sa socialisation avec une ou des cultures. » Bref, pour parler comme Pierre Boutang, il s’agit non de ce qui vient de la nature, cet universel identique en chacun, mais de ce qui vient de la « naissance », et qui constitue notre… identité. Lagrange connaît ses classiques: pour dédiaboliser la question, il s’empresse de mentionner Claude Lévi-Strauss, défendant l’ethnocentrisme qui existe dans toutes les cultures. Après s’être ressaisi des mots, en leur donnant un sens précis et non fantasmé par les uns ou par les autres, il faut encore pouvoir travailler sur le matériau sociétal qui est l’objet des recherches du sociologue. Las! Reprenant le constat de Michelle Tribalat dans Les Yeux grands fermés (Denoël, 2010), La - grange dénonce « l’occultation », le déni des diversités culturelles qui coexistent aujourd’hui en France. « On n’envisage pas de lire les phénomènes sociaux en référence à l’origine culturelle, on ne le peut pas, la statistique publique rechignant à tenir compte de ces paramètres. » Le lieu de naissance des ascendants est certes enregistré, mais il est ensuite éliminé des données publiques!
Un mépris des problèmes réels
Résultat de cette occultation? Un mépris des problèmes réels, les pouvoirs publics s’attachant à des poncifs rassurants, sans se donner la peine d’envisager l’immigration dans sa diversité culturelle, non seu lement par rapport à la culture autochtone, mais en son propre sein. Les immigrés ne sont pas tous les mêmes! Leurs problèmes sont dis tincts selon leur origine ethni que. Voilà la découverte, simple com me l’oeuf de Colomb, autour de laquelle Lagrange construit son livre. La tendance à la globalisation des problèmes migratoires em pê che qu’ils soient traités sur le fond et autorise des généralisations qui, à y regarder de près, sont toutes plus contestables les unes que les autres. On ne pourra résoudre les problè mes que si l’on prend en considération ces différences entre populations allogènes, au lieu de se caler dans le déni. Exemples des conclusions nouvel les que l’on peut et doit tirer sur les problèmes qui se posent concrète ment dans nos villes? La fameuse mixité sociale est organisée selon l’op position simpliste entre autochtones et migrants, comme si tous les migrants étaient les mêmes. L’une des propositions de Hu gues Lagrange consiste à organiser la mixité sociale au sein même des populations immigrés, pour ne pas laisser se pérenniser tel ou tel mo dèle périmé et pour éviter que naissent des zones de non-droit qui sont aussi des territoires d’une ethnie. Il est statistiquement prouvé que des Maliens, par exemple, mis dans un contexte culturel vraiment mixte, obtiendront rapidement un meilleur pourcentage d’intégration. Mais pour cela, il faudrait que l’administration française sorte du déni au lieu de donner des leçons de morale dans le vide. Tout en militant pour la prise en compte des diverses cultures d’origine, Hugues Lagrange n’est pas un « multiculturaliste », prétendant que la nation France se résoudrait aujourd’hui à une convivance de la tribu autochtone avec des tribus allogènes dont il faudrait respecter a priori les coutumes. Il s’agit au contraire pour lui de poser un certain nombre de diagnostic sur les élé ments dans la structure des cultures d’origine qui empêche l’intégration, et donc sur ce qui doit évoluer (voir encadré) pour que l’inclusion des nouveaux arrivants au sein de la nation France soit véritable.
Lagrange ne prend pas en compte la spécificité du modèle national
Deux regrets: nulle part Hugues Lagrange ne prend en compte la spécificité – irréductible à l’empire américain – du modèle national français, qui est assimilationniste dans la mesure même où il est ré - publicain. Et puis, tout en mentionnant fréquemment les problèmes que pose l’islam, il n’étudie pas la question religieuse, qui semble pour tant une question clef pour une véritable « inclusion » à venir… Mais ne boudons pas notre plaisir: ce livre marque une date im portante dans les études sur les phé nomènes migratoires. Avec une volonté affirmée de sortir de la langue de bois.
Joël Prieur
Comme il fallait s’y attendre, la longue introduction de Hugues Lagrange à son livre, Le Déni des cultures, porte surtout sur des questions de sémantique. Il s’agit, avant toutes choses, de trouver… les mots pour dire les choses: « La querelle du sémantiquement correct bat son plein. Le mot race est une abomination. Son funeste destin emporte avec lui le mot ethnie, ou ethnicité. » Comment désigner cette réalité de - venue innommable? « J’emploie le mot culturel pour parler des liens qu’un individu a contractés du fait de sa naissance et de sa socialisation avec une ou des cultures. » Bref, pour parler comme Pierre Boutang, il s’agit non de ce qui vient de la nature, cet universel identique en chacun, mais de ce qui vient de la « naissance », et qui constitue notre… identité. Lagrange connaît ses classiques: pour dédiaboliser la question, il s’empresse de mentionner Claude Lévi-Strauss, défendant l’ethnocentrisme qui existe dans toutes les cultures. Après s’être ressaisi des mots, en leur donnant un sens précis et non fantasmé par les uns ou par les autres, il faut encore pouvoir travailler sur le matériau sociétal qui est l’objet des recherches du sociologue. Las! Reprenant le constat de Michelle Tribalat dans Les Yeux grands fermés (Denoël, 2010), La - grange dénonce « l’occultation », le déni des diversités culturelles qui coexistent aujourd’hui en France. « On n’envisage pas de lire les phénomènes sociaux en référence à l’origine culturelle, on ne le peut pas, la statistique publique rechignant à tenir compte de ces paramètres. » Le lieu de naissance des ascendants est certes enregistré, mais il est ensuite éliminé des données publiques!
Un mépris des problèmes réels
Résultat de cette occultation? Un mépris des problèmes réels, les pouvoirs publics s’attachant à des poncifs rassurants, sans se donner la peine d’envisager l’immigration dans sa diversité culturelle, non seu lement par rapport à la culture autochtone, mais en son propre sein. Les immigrés ne sont pas tous les mêmes! Leurs problèmes sont dis tincts selon leur origine ethni que. Voilà la découverte, simple com me l’oeuf de Colomb, autour de laquelle Lagrange construit son livre. La tendance à la globalisation des problèmes migratoires em pê che qu’ils soient traités sur le fond et autorise des généralisations qui, à y regarder de près, sont toutes plus contestables les unes que les autres. On ne pourra résoudre les problè mes que si l’on prend en considération ces différences entre populations allogènes, au lieu de se caler dans le déni. Exemples des conclusions nouvel les que l’on peut et doit tirer sur les problèmes qui se posent concrète ment dans nos villes? La fameuse mixité sociale est organisée selon l’op position simpliste entre autochtones et migrants, comme si tous les migrants étaient les mêmes. L’une des propositions de Hu gues Lagrange consiste à organiser la mixité sociale au sein même des populations immigrés, pour ne pas laisser se pérenniser tel ou tel mo dèle périmé et pour éviter que naissent des zones de non-droit qui sont aussi des territoires d’une ethnie. Il est statistiquement prouvé que des Maliens, par exemple, mis dans un contexte culturel vraiment mixte, obtiendront rapidement un meilleur pourcentage d’intégration. Mais pour cela, il faudrait que l’administration française sorte du déni au lieu de donner des leçons de morale dans le vide. Tout en militant pour la prise en compte des diverses cultures d’origine, Hugues Lagrange n’est pas un « multiculturaliste », prétendant que la nation France se résoudrait aujourd’hui à une convivance de la tribu autochtone avec des tribus allogènes dont il faudrait respecter a priori les coutumes. Il s’agit au contraire pour lui de poser un certain nombre de diagnostic sur les élé ments dans la structure des cultures d’origine qui empêche l’intégration, et donc sur ce qui doit évoluer (voir encadré) pour que l’inclusion des nouveaux arrivants au sein de la nation France soit véritable.
Lagrange ne prend pas en compte la spécificité du modèle national
Deux regrets: nulle part Hugues Lagrange ne prend en compte la spécificité – irréductible à l’empire américain – du modèle national français, qui est assimilationniste dans la mesure même où il est ré - publicain. Et puis, tout en mentionnant fréquemment les problèmes que pose l’islam, il n’étudie pas la question religieuse, qui semble pour tant une question clef pour une véritable « inclusion » à venir… Mais ne boudons pas notre plaisir: ce livre marque une date im portante dans les études sur les phé nomènes migratoires. Avec une volonté affirmée de sortir de la langue de bois.
Joël Prieur
Hugues Lagrange, Le Déni des cultures, éd. du Seuil, 350 pp., 25 euros port compris. Sur commande à : Minute, 15 rue d’Estrées, 75007 Paris.
Avec la guerre civile multi-ethnique (les "français" étant une éthnie comme les autre), l'inculture pluriculturelle ( la culture occidentale étant une variable parmi d 'autres) et le cucuménisme polyreligieux( peut-être dépassé dans quelques tâtes, mais régnant dans la réalité, avec la néo-église comme un imaginaire parmi d 'autres), nous rampons de plus en plus non pas sous 'l"empire américain"( ah si c'était un empire et s'il était américain au sens strict du terme!!!mais cela fait longtemps que les américains rampent eux aussi sous bien pire qu'empire!!) mais sous la tyrannie globale mondiale...
RépondreSupprimerEt ce ne sont pas quelques bouquins qui changeront quelque chose à l'effondrement de tous les remparts (l'abandon du "politique d'abord"...de al" charité politique" pour la merdouille politicarde a fait son oeuvre..)
A quand un" shadow cabinet" de l'affirmation catholique, française et européenne, non en termes d'identité( sauf l'identité résurrectionnelle!) mais en termes de vocation: quand nous saurons de nouveau humblement, chastement et pauvrement obéir à la Seule Voix (et Voie, Vérité,Vie)qui nous appelle depuis des siècles , nous aurons fait -Dieu aidant!- un pas de géant dans le chemin d'un début d'amorce de redressement !
A.S. Avant le Suicide