mardi 6 octobre 2009

Mais que dira Mathilde ?

Alors que la conférence de Maître Trémolet approche, je suis dans L'art d'aimer d'Ovide jusqu'aux yeux... Voilà un livre que je n'aurais certainement pas lu de moi même sans le défi culturel et la petite histoire interne au Tradiland que les lecteurs assidus de ce Blog connaissent. Mais je ne regrette pas ce temps passé avec Ovide, dont je me souviens qu'il inspire tout un livre (le 13 si j'ai bonne mémoire) de la Cité de Dieu : Trahit sua quemque voluptas. On n'a pas attendu Freud pour le dire. Et les auteurs chrétiens, pas si bêtes et qui ont lu saint Paul ("Celui qui sème dans la chair récolte de la chair la corruption" lit-on par exemple dans l'épître aux Galates), ont eu à coeur très tôt de répondre à cette anthropologie de l'éros par une anthropologie de l'agapé. Sans Ovide, aurions-nous eu Augustin tel qu'il est, somptueusement fixé sur la divine Charité, qui subsume et qui surmonte le trop pauvre Eros?

Mais que dira ma contradictrice du message précédent?

Ne soyons pas légers, supplie-t-elle. Pire que pornographe, Ovide est misogyne... A l'heure de l'égalité des sexes, ce crime est impardonnable. Il relève de la Halde. Il mène à tous les vices...

Misogyne Ovide ? Voici ce qu'il écrit ce misogyne, je tombe sur ce passage que je ne résiste pas à vous faire connaître, toutes lectures cessantes. C'est dans le Deuxième Livre... dont voici, par ailleurs, à toutes fins utiles, les premiers vers, qui ne seraient pas déplacés, en exergue à une bonne préparation au mariage : "Mon art te l'a fait prendre. Mon art doit te la conserver. il ne faut pas moins de talent pour garder les conquêtes que pour les faire : dans l'un, il y a du hasard, l'autre sera l'oeuvre de l'art".

Et voici le texte sur lequel je suis tombé, alors que je venais de lire qu'Ovide était... misogyne!

"Aux ordres de sa maîtresse obéit le héros de Tirynthe (il s'agit d'Hercule). Va maintenant, hésite à supporter ce qu'il a supporté! Si l'on te dit de venir au Forum, arrange toi pour y être toujours avant l'heure dite et ne le quitte que bien tard. "Trouve-toi à tel endroit" t'a-t-elle dit. Cours-y, toutes affaires cessantes, et que la foule ne retarde pas ta route. Le soir, quand elle retourne chez elle, après un festin, si elle demande un esclave, offre toi encore. Elle est à la campagne et te dit : "Viens." L'amour hait tout retard. Si tu n'as pas de voiture, fais la route à pieds. Rien ne doit t'arrêter, ni le mauvais temps, ni la canicule qui altère, ni la chute de neige qui fait la route éclatante. L'amour est une espèce de service militaire. Arrière, homme lâche; ce ne sont pas des hommes pusillanimes qui doivent garder ses étendards..."

Pour un misogyne, chère Mathilde, je trouve qu'Ovide est vraiment de bonne composition. Mais je reviendrai sûrement sur ce sujet d'ici peu...

8 commentaires:

  1. Si Mathilde est bien qui je pense, à savoir la jeune femme qui est intervenue hier suite à la conférence, eh bien... je partage son point de vue. Mathilde(?) donc nous a dit que Maître Trémolet avait répondu à quelques unes de ses inquiétudes. Il n'en reste pas moins que l'idéal qu'Ovide pose à la femme, c'est celui d'une coquette qui se pare et qui charme. Mathilde revendique pour les femmes le droit d'être "vieilles et moches" - elle en parle à son aise étant jeune et gironde. Ce qui est revendiqué, ce n'est ni la vieillesse ni la laideur, c'est d'exister quand on est affligé(e) de l'une et de l'autre. Ovide dit: soyez pimpantes et désirables. Mathilde demande qu'une femme puisse exister en dehors de ce modèle. Comment ne pas souscrire? - Cela dit: mes excuses à Mathilde si ce n'est pas elle, ou si je n'ai pas bien comprendu son propos.

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  2. Tartuffe crèche-t-il désormais chez les sœurs tradies ? On n’ose le croire. A entendre tel ou tel témoignage, je pense néanmoins que la question n’est pas totalement absurde. Et si la présence de « L’Art d’aimer » au programme de l’épreuve de latin était une chance pour les jeunes gens de certaines institutions, promptes à la censure ? L’occasion de sentir passer un souffle d’authenticité, à travers une œuvre où la poésie vient sublimer un propos plus libre que réellement licencieux. Le propre des classiques est de pouvoir tout dire. Si, dans la vie, l’art d’aimer requiert, parmi d’autres vertus, le sens de la liberté, l’art d’être libre mérite peut-être, au passage, la leçon d’un grand auteur.

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  3. Après la conférence l'amie de Pollux m'a dit son sentiment qui est qu'aujourd'hui le latin à l'écrit concerne des littéraires, que si des jeunes n'ont pas la maturité ni la stabilité nécessaire à la lecture d'Ovide en Terminale, cela augure mal de leurs études de Lettres l'année d'après, avec quelques auteurs sensiblement plus corsés y compris parmi les classiques, et néanmoins incontournables.

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  4. Je propose l'exclusivité au bac pour les Contes de La Fontaine. On élimine les Fables, trop simplettes, et on ne garde que les Contes, plus hard. Autre suggestion : au concours d'entrée à Sciences Po, commentez le passage où Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, avoue son penchant irrépressible pour les éphèbes, et comparez avec un passage de votre choix de "l'Art d'aimer" d'Ovide. Etc, etc... Il me semble que M l'abbé de Cacqueray, qui a la responsabilité de nombreuses écoles, sans parler des écoles amies, dominicaines enseignantes et autres, ne peut pas tenir le même discours qu'un abbé de Tanoüarn, plutôt organisateur de colloques et patron de presse. La question n'est pas celle de la lecture d'auteurs "corsés" mais le monopole qu'on leur donne. A Jacquemard-André en ce moment il y a une excellent exposition de peinture. Une des toiles s'intitule "Diane et Callisto". C'est tiré des Métamorphoses d'Ovide. Le livret de visite m'a rencardé, car je n'ai pas les connaissances encyclopédiques de l'abbé G de T ou de Me T de V. Il y a comme un Ovide dans ma culture. Hélas...

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  5. Monsieur l'abbé,
    Je comprends que vous avez séché Ovide au cours de votre jeunesse studieuse. C'est peut-être ce qui vous a permis de devenir prêtre...et tradi. Vous vous rattrapez aujourd'hui dans ce happening permanent qu'est devenue votre vie. Malheureusement, le passage d'Ovide que vous avez sélectionné pour démontrer la philogynie du maître n'est pas très convaincant. Il fait plutôt penser à la chanson d'étudiants : "moi je préfère la manière d'Hercule".

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  6. Moreno (pas Marguerite, et encore moins Nadine)10 octobre 2009 à 20:03

    Cher Mingdi, vous proposez l'exclusivité au bac pour les Contes de La Fontaine. Pourquoi pas? Une fois traduits en latin ils pourront feront l'affaire. Pas plus absurde au fond que d'apprendre notre langue avec l'édition française du Petit Livre Rouge - c'est ce que faisaient les Chinois il n'y a pas si longtemps.

    Reste la question de ce que vous appelez "le monopole". Le baccalauréat est un diplôme d'État - l'État a-t-il le droit d'en définir le programme? je dis que oui. Faut-il mettre au programme non pas UN mais PLUSIEURS livres? je dis que le latin en terminale c'est 60 heures au grand maximum. Vous trouverez bon que quelques heures soient consacrées aux évaluations. Qu'on étudie la langue, sa grammaire, sa déclinaison, sa conjugaison. Il reste une 20-aine d'heures pour l'étude de textes. Faut-il les éparpiller entre plusieurs œuvres?

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  7. Pour Mingdi : le patron de presse l'est dans vos fantasmes, cher ami. je ne suis qu'un modeste pigiste tous azimuts, qui de surcroît alimente un blog, comme s'il n'avait pas assez de supports à sa disposition... Un tel qualificatif fait plaisir cependant : on ne prête qu'aux riches.

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  8. A Moreno (Dario?)
    Il y a mieux que le Petit Livre Rouge. Je veux parler du De Viris Illustribus de M l'abbé (eh oui!) Lhomond, probablement pensé en français, mais écrit en latin par un ecclésiastique réfractaire qui a malgré tout donné son nom à une rue du Paris républicain. Ce livre servait naguère aux débutants en latin avant qu'ils ne passent à la guerre des Gaules de Jules César.

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