mercredi 27 octobre 2010

Variations sur les ouvriers de la Onzième heure

J'ai beaucoup aimé la contribution de l'anonyme qui, dans le post précédent - Antilibéraux de tous les pays unissez-vous - loue le Maître de l'Evangile dans la parabole des ouvriers de la 11ème heure en soulignant que c'est un patron social : "Un bon patron doit être comme un bon pasteur. Il connait ses salariés et ses salariés le connaissent. Il est une sorte de père pour eux (et tant pis si l'on m'accuse de paternalisme)".

Tout à l'heure, j'ai participé à une émission avec mon ami Arnaud Guyot-Jeannin sur le livre de Joseph Pearce, Small is toujours beautiful, dont vous entretient mon alter ego Joël Prieur. Au cours de l'émission, avec Philippe Maxence, éditeur-courage de cet opus, nous avons essayé d'insister (non sans quelques chamailleries de détail, "pour l'ambiance") sur le fait qu'alors que l'économie est la recherche naturelle du profit, le problème n'est pas de changer de système et d'anéantir le capitalisme comme parle encore le Front de gauche. Non ! Le problème est l'état d'esprit dans lequel on travaille, l'état d'esprit dans lequel on consomme, l'état d'esprit dans lequel on vit. Bene bona facere dit saint Augustin. Il importe non de faire le bien mais de le faire bien. La Révolution chrétienne ne signifie pas un changement de système, mais un changement d'état d'esprit.

Ainsi en est-il dans l'exercice de l'autorité. Il ne s'agit pas de dire : les cahiers au feu et les profs au milieu ; il ne s'agit pas de supprimer l'autorité parce qu'elle est injuste : ne rêvons pas le monde ! L'exercice de l'autorité est naturel à l'homme animal social, souligne saint Thomas (Ia 96 4). Il ne faut pas nier l'autorité mais l'assumer "comme un bon pasteur", qui connaît ses brebis. Le patron social de l'Evangile de Matthieu donne la même chose à ceux qui ont travaillé une heure [sans faute de leur part: personne ne nous a embauché, nemo nos conduxit, extraordinaire ce verbe conduxit à cet endroit], parce qu'ils ont les mêmes besoins, les mêmes enfants à nourrir etc. Voilà une économie personnaliste !

Qui parle d'autorité traite de l'obéissance : il ne faut jamais oublier la raison profonde de l'obéissance d'après saint Thomas : le bien commun. On n'obéit pas à un autre parce qu'il est plus grand, plus fort ou plus gradé. On lui obéit parce qu'il a une vision du bien commun que nous n'avons pas forcément de la place où nous sommes. De ce point de vue, l'obéissance n'est pas un rapport de force, mais une vertu, qui nécessite un acte d'intelligence de la part de celui qui obéit, comme de la part de celui qui commande l'ordre est ultimement l'expression de la vertu intellectuelle de prudence.

La modernité, avec Hegel et Marx, nous a désappris à voir l'intelligence dans l'autorité et dans l'obéissance. Nous imaginons qu'il s'agit simplement d'un rapport de force. Dans ce rapport de force, remarquait Hegel, l'esclave est toujours sûr de gagner pour la bonne raison qu'en tant qu'esclave il n'a rien à perdre. On sait l'usage que Marx et ses successeurs de la IIIème Internationale feront de la dialectique du Maître et de l'esclave. Des flots de sangs vont inonder l'histoire ! Il faut revenir à la conception traditionnelle, à la conception intelligente de l'autorité.

Ancré dans l'idée du rapport de force, le mauvais chef se pose la question : à quoi celui là va me servir ? Et s'il ne sert plus à rien il le jette comme un kleenex. Le bon chef, en revanche, se demande de son subordonné : est-il capable de servir (avec intelligence) le bien commun de l'entreprise ? Et si c'est le cas, il est comme le bon pasteur de l'Evangile, comme le patron des ouvriers de la Onzième heure. C'est le contrat qu'il honore d'abord et pas le nombre d'heures travaillées. Cet homme a accepté de servir sans se servir ? Il mérite salaire. Ce n'est pas une quantité de travail qui est rémunérée (une heure ou douze heure). C'est la qualité du service, c'est le contrat.

Au fond, ce que cette parabole nous enseigne, c'est qu'"il n'y a de richesse que d'homme" selon la devise d'un hebdomadaire. Les ouvriers font partie du bien commun de l'entreprise, ils doivent être respectés en tant que tel. Ils ne constituent pas une force de travail quantifiable, mais un capital, proprement in-estimable, que l'on se doit d'entretenir, en respectant le contrat que l'on a avec chacun d'eux.

Le chef qui ne voit pas que lui comme ses ouvriers se trouve au service d'un bien commun qui les englobe et, individuellement les dépasse, n'a pas compris son rôle de chef. Il va à la ruine de l'entreprise, en voulant faire du chiffre.

Qu'est-ce à dire ? Le rationalisme entrepreneurial qui délocalise à tout va et fonde sa décision sur un ratio, ce rationalisme omniprésent dans notre économie capitaliste devenue folle n'a raison que pour un temps. La rationnalité ne se limite pas au calcul. Celui qui dirige doit accepter d'être toujours dépassée par la réalité de la vie. S'il n'y a effectivement de richesse que d'hommes, alors le coeur, au sens de l'Evangile, au sens de Pascal, au sens de l'économiste Schumacher, au sens de Joseph Pearce (voir post précédent), en même temps qu'il est l'organe du courage, est l'organe du gouvernement. Pour gouverner, il faut être un homme de coeur, comme le patron des ouvriers de la Onzième heure. Est-ce la "faire du sentimentalisme" ? Point du tout. C'est accepter simplement avec Pascal que "le coeur ait ses RAISONS que la raison est incapable de reconnaître. Mais ceci est une autre histoire !

12 commentaires:

  1. Oui. Bon. Mais... concrètement, ca donne quoi? Concrètement, quand on est directeur de l'usine de bitoniaux en plastoc, on paye ses ouvriers '100' parce qu'en dessous on ne peut pas. Peut-on les payer '120', puisqu'avec '100' ils ont du mal à vivre? Nous aimerions tous penser que "du coup" les ouvriers travailleraient mieux, que l'argent ainsi dépensé serait en fait investi dans la qualité de travail, et que l'usine serait in fine gagnante. Mais nous savons que tel n'est pas forcément le cas. Aïe.

    Alors comment les payer '120'? Par exemple en reportant cette augmentation sur le prix au client. Le problème est qu'à côté existe une usine concurrente, et que si l'on vend plus cher, on ferme assez vite.

    Autre solution: en prenant sur le bénéfice. En gros: les ouvriers gagnent plus et le propriétaire de l'usine gagne moins. En gros: plusse d'argent pour le travail moins d'argent pour le capital. Là encore, l'usine dont nous parlons n'est pas la seule au monde. Si placer son argent dans cette usine rapporte moins, le propriétaire ira ailleurs, et elle ne tournera plus longtemps.

    C'est à chaque fois la même histoire: vous pouvez décider, en bon chrétien, que vous supermachés resteront fermés le dimanche. Mais la concurrence ouvre le dimanche, et ce que vos clients y achèteront le dimanche, ils ne viendront pas vous l'acheter le lundi.

    A grande échelle, on ne fait pas de business par philantropie. Ou alors on n'en fait pas longtemps.

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  2. Article qui dit noir sur blanc que ce qui compte, ce n'est pas le système économique, c'est la mentalité avec laquelle on s'y insère ! En quelque sorte, il suffit d'amener le Christ au milieu des préoccupations concrètes pour avoir en définitive un système vertueux : omnia instaurare in Christo. Et finalement, la morale sociale de l'Eglise, ce n'est pas autre chose : il ne s'agit pas d'une troisième voie entre libéralisme et dirigisme, mais d'un autre état d'esprit et surtout d'une autre morale (voire d'une morale tout court) permettant de vivre le système quel qu'il soit de façon chrétienne.
    Et la remarque de Moreno n'est pas pertinente : elle se base sur la concurrence qui n'est pas une valeur catholique, il faut changer de prisme et alors les pb qu'il évoque se régleront autrement.

    Mais, M. l'abbé : cette conclusion intelligente que vous obtenez en matière d'analyse économique : pourquoi ne l'applique-t-on pas en matière politique ?! C'est le cœur des hommes qu'il faut changer, non les institutions...

    Certes, il y a les structures de péché mais a priori, le terrain n'est rien, ce qui compte, c'est la façon dont on amène le Christ, ou pas, partout...

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  3. Je crois voir une confusion entre le principe d'autorité qui est nécessaire et le rapport de production qui est purement contingent!
    Le capitalisme repose d'une part sur le vol que constitue la différence entre ce que les salariés (90% de la population) produisent et la part du PIB qu'ils touchent (60%).Et d'autre part sur l'usure tel que condamnée par st Thomas.
    Les livres de Weber et Sombart démontrent bien les origines calvino-talmudiques de ce système qui est donc foncièrement anti-catholique.

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  4. solution : d'abord, , sortir de cette dialectique de la prétendue "libre concurrence non faussée" dont nous connaissons désormais le vrai visage, retour de l'état, législation contraignante sur les échanges et les structures de production et de mise en circulation des marchandises, protectionnisme raisonné, sanctions dissuasives contre les patrons utilisant les rouages de la mondialisation libérale à leur seul avantage et contre les intérêts supérieurs de la nation.
    La France dispose largement de toutes les ressources matérielles et techniques ainsi que du savoir faire pour ne pas se laisser soumettre à la tutelle de la logique mortifère de l'internationalisme capitaliste industriel. Retrouvons notre autonomie et notre souveraineté en sortant de l'idéologie dominante du libre échangisme.

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  5. J'ai perdu ma job justement à cause de la libération des marchés.
    L'employeur, lequel on l'aidait pourtant à faire son profil nous disait que nous constituions la force de son entreprise. Plus tard, il a vu que pour l'équivalent de 3 heures de mon salaire il se payait un asiatique pour 1 an. Il produit maintenant en pays païen.
    Ce qui fait mal c'est pas tant la perte de la job, c'est de voir que nous étions que des instruments. Chez nous en Amérique cela a commencer avec les cachotteries de l'ALÉNA en 94.(Accords de Libre-Échange Nord Américain).
    Et Jean-Paul très lucide dans le même temps sortait son encyclique qui marquait le 100e anniversaire de celui de Léon XIII, dénonçant ce capitaliste sauvage.

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  6. "Ne rêvons pas le monde, faisons-le." Ces manières de revenir à de petites entités ne me paraissent que des transpositions de droite du rêve hippy des années 70 de "retour à la terre" dans le cadre de petites communautés pratiquant l'élevage de chèvres et la décroissance ou quelque chose qui s'en rapproche, puisqu'au moins, reconnaissiez-vous, Monsieur l'abbé, au cours de l'émission, contre arnaud guyot-Janin, que "croître est naturel à l'homme", que le profit est la fin naturelle de l'économie, dont l'homme ne peut se transcender qu'en redécouvrant sa dimension d'"animal politique". Je conçois que ce retour à des entités se préférant petites vous réjouisse comme la résurgence sous des formes adaptées à notre siècle, des corps intermédiaires détruits par la loi Lechapelier et probablement plus rêvés par Maurras qu'ils n'ont dû exister en réalité. De plus, vous avez beau rêver d'un patron qui ne soit pas dans le rapport de forces, vous ne pouvez empêcher que celui-ci soit naturel aussi: non pas certes comme finalité, mais fonctionnellement. Le bon patron, qu'on peut rêver en image vivante du bon pasteur, est engagé dans un rapport de forces ad intra et ad extra. Ad extra, il doit faire face aux lois de la concurrence. Celle-ci n'est-elle pas catholique? Le monde n'en a que faire, car c'est selon ces lois qu'il fonctionne. Faut-il changer l'état d'esprit et non les institutions? Les lois du marché n'obéissent qu'à des institutions régulatrices. En l'absence d'institutions, elles ne sont, c'est trop connu, que les lois du renard libre dans le poulailler libre. En interne, le patron doit faire face à la tentation de l'autoritarisme, à laquelle il doit s'efforcer de ne pas succomber: il occupe une fonction d'autorité, il est donc naturellement enclin à en abuser. Veut-il payer "les ouvriers de la onzième heure" au même tariff que ceux qui ont trimé toute la journée? Il se retrouvera confronté aux mêmes réactions syndicales que le patron de l'Evangile qui a voulu agir ainsi. Que son entreprise soit grande ou petite, sa générosité, qui tient plus des calculs de la proportionnalité de la justice d'aristote que du sentiment inné de la justice réelle, suscitera l'ire des autres employés qui en voudront pour longtemps aux ouvriers de la onzième heure, et ce patron devra leur répondre:
    "Allez-vous prendre à mal que moi, je sois bon?" Ce qui serait une manière de rabaisser ces ouvriers, qui prendront mal l'autorité de ce bon patron, ému par le sort de ceux qui lui auront dit:
    "Personne ne nous a embauchés." Cela a ému le coeur de l'anonyme qui a clos les commentaires sur le poste dédié par Joël Prieur à l'alliance de tous les antilibéraux. Le monde traditionaliste n'a pourtant pas tellement aimé cette manière qu'avait eue le cardinal Marty de susciter des vocations en disant:
    "J'embauche!" Enfin, on pourrait dire que ces gens que personne n'a embauchés n'ont pas l'air d'avoir présenté de "candidature spontanée" au cours de la journée aux différents chantiers du coin. La contestation est donc en germe d'une autorité qui dispose du contrat comme bon lui semble. Elle le juge établi à la journée. Plus prosaïquement, les ouvriers de la première heure pensaient qu'il leur serait payé à l'heure. En réalité, le contrat n'avait jamais été discuté. Le patron leur avait dit dès l'embauche qu'il les paierait "ce qui est juste". Il donne donc l'impression d'éprouver peu de scrupules à abuser de son autorité. La mansuétude manifestée à l'égard des "ouvriers de la onzième heure" n'est pas la même que celle, toute de Miséricorde, dont le père accueille le retour de l'enfant prodigue. Il n'y entre pas la même part affective. L'autorité en est donc plus sujette à contestation. C'est ce que vous n'admettez guère.

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  7. (suite).
    Vous estimez que notre société souffre d'un problème d'autorité que vous pensez résoudre en écrivant:
    "L’ordre est ultimement l’exercice de la vertu intellectuelle de prudence." Reconnaissez tout d'abord que le monde traditionaliste éprouve la même, sinon une plus grande difficulté à obéir que l'ensemble du corps social en général. Que de conflits d'autorité n'a-t-on vus y éclore, depuis la contestation du magistère ordinaire du pape régnant jusqu'à l'obéissance à leurs supérieurs de beaucoup de prêtres de ce milieu! Vous êtes en cela plus moderne que bien des modernes, comme l'a fort judicieusement fait remarquer Paul Herriot dans un article repris par "tradinews". Vous devriez donc admettre sans mal, en vertu de "l'empirisme organisateur", qui ne reconnaît pour un fait de "science politique" que ce qui marche effectivement, que La "volonté générale" est à la société ce que la liberté de conscience est à l'individu. L'individu et la société ont vocation à répondre à dieu. En général, votre personnalisme l'admet aisément pour l'individu, moins pour la société. Or NSJC a fait de l'Eglise "une société", comme la Trinité est définie quelque part comme une manifestation que "Dieu est société". Votre personnalisme intégral ne reconnaît pas aisément que la société doive être fidèle à dieu, mais ne se trouve jamais plus à l'aise que dans la politique. Le "catholicisme intransigeant" veut transformé la société ou porter un regard conservateur sur les problèmes sociaux. Mais quand bien même reconnaîtriez-vous ce qui précède, savoir, vous qui voulez transformer la société, que celle-ci doit répondre à Dieu au même titre que l'individu et non seulement pour faciliter l'accès de l'individu à son salut personnel, vous déniez à la volonté générale d'être assimilée à la liberté individuelle. Pourquoi? Pour préserver, sous un prétexte prudenciel, une autorité fantôme à laquelle vous-même n'arrivez plus à obéir? Parce que les principes doivent l'emporter sur l'usage? A ce compte, que devient "l'empirisme organisateur"? "Ne rêvons pas le monde, faisons-le". Ne rêvons pas" que le monde n'ait pas eu l'histoire qui l'a marqué: par bonheur ou par malheur, il s'est posé la question de l'anarchiste:
    "qui t'a fait roi?"
    Il se la pose même depuis le plus jeune âge des enfants, ce qui fait que ceux-ci ont très précocément de plus en plus de mal à accepter l'autorité des parents ou des maîtres. L'acceptation, si ce n'est la a restauration de la royauté individuelle et sociale de Notre seigneur Jésus-christ passe par une allégeance de notre liberté individuelle et de la volonté générale de notre société à cette royauté.

    J. WEINZAEPFLEN

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  8. L'anonyme remercie Monsieur l'abbé de Tanoüarn pour ses éloges immérités, car il a parfaitement oompris son propos.

    Il y a des années que je plaide pour ce passage de Matthieu 20 1-16 qui me semble au centre du message chrétien et de la doctrine sociale de l'Eglise catholique ; malheureusement vos confrères de droite comme de gauche en font un commentaire ethéré et ne semblent pas vouloir comprendre que ce passage a des implications pratiques pour les chrétiens.
    Les propos du Seigneur ne sont pas éthérés : ils commandent une praxis.
    Je regrette que personne ne se soit jamais livré à une étude politique, économique et sociale des évangiles. Le Seigneur n'a pas raconté de petites historiettes pour amuser le populo, mais nous a mis au pied du mur : ce qu'il nos donne en exemple c'est ce chef d'entreprise ; à nous de l'imiter. Bien sur, de tous temps il y a eu des impératifs économiques, mais il faut savoir les dépasser :croit-on que du temps de Jésus il n'y avait pas de problèmes de concurrence, de main d'oeuvre, de rentabilité, de pouvoir des consommateurs, de surproduction ,de disette de chômage, de récoltes, d'emprunts auprès des banques, voire même de négociations salariales.
    Les conventions collectives n'existaient pas mais il devait y avoir des coutumes qui prévoyaient que le tarif journalier d'un ouvrier agricole était d'une pièce d'argent ; en embauchant les premiers travailleurs sur cette base le contrat avait été conclu sur ce tarif implicite (ceci dit pour Weinzaeplen).
    Nous savons qu'à l'époque dans la Palestine occupée il y avait un fort taux de chômage ce qui contraignait beaucoup de gens à la mendicité (toujours pour Weinzäplflen, il n'y avait pas de travail pour tous et je le défie bien de pouvoir déposer une "candidature spontanée".)
    Heureusement il y avait des embryons de systèmes de protection sociale tel celui imaginé par notre chef d'entreprise.

    Ce qui me navre dans cet épisode c'est d'une part l'attitude des cégétistes qui protestent alors que l'employeur a scrupuleusement respecté les termes du contrat à leur égard et d'autre part l'attitude des ouvriers de la dernière heure dont aucun ne semble avoir remercié ce patron pour son geste. Ce Monsieur en est resté pour ses frais et aura probablement été critiqué par tous : par les syndicats qui le traiteront d'exploiteur des ouvriers et par les "braves gens" (disons la droite sarkozyste de l'époque)qui diront qu'en payant autant les derniers ouvriers comme les premiers il a, ce faisant, encouragé la fainéantise.

    Je ne suis pas tradi pour deux sous et il ne me fait chaud ni froid que la messe soit célébrée en français ou en latin mais j'approuve totalement l'analyse de Monsieur l'abbé : le salut est dans le changement du coeur de l'homme et des mentalités et non pas dans d'hypothétiques réformes de structure qui n'amélioreront pas le fond des choses.
    Chacun, à notre modeste place nous devons tenter d'appliquer l'Evangile, ce qui est loin d'être facile : tout le reste est philosophie. Comme le héros de Matthieu 20 1-16 il faut essayer d'être "bon" ...

    NB - Sur la vie pratique en Israêl au temps de Jésus, je renvoie aux excellents ouvrages de JEREMIAS, auteur allemand un peu oublié mais dont les travaux sont d'une grande valeur et d'une lecture pas trop difficile.

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  9. Excusez-moi, antoine, mais je vais vous raconter une histoire de merde, telle que j'ai eu le secret déplaisant d'en avoir vécu plein. Mon père est tombé tubar en 1981. C'est à ce moment-là que ma mère s'est aperçue qu'il la trompait, c'était balot! Bon, après, il avait tout perdu: 380 briques de l'époque, un garage, une agence immobilière dont il avait renoncé à faire une boutique de marchands de biens; a tel point que, quand se présentait à lui un locataire africain, il lui demandait de venir signer le bail sans présenter de justificatif de salaires. Mais il était l'un des seuls types à loger les immigrés, sans jamais le dire, sans jamais se revendiquer d'une Foi qu'il n'a pratiquée que sur la fin de sa vie. Donc c'était pas ça qui le guidait et, si ça l'était, il ne faut pas le dire. Ca nous a valu un certain nombre d'emmerdes, mais passons.

    Avant que mon père ne perde ses 380 briques, il avait eu un apprenti qui avait eu un rein en moins. Le gars avait 15 ans. La première maladie par laquelle mon père est passé fut une maladie des reins. Puis il passa par toutes celles que je surmontai: il perdit la vue, l'appétit; il eut une péritonite; il perdit les jambes (comme j'avais eu les pieds bots: des escarrhes l'obligèrent à l'amputer d'un pied), il ne put plus bouger. et finalement, il se laissa glisser vers la mort. Bien avant cela, lorsqu'il avait récupéré l'une de ses entreprises, il se payait d'un salaire équivalant au SMIC. Il avait pour employé la soeur de m; François BERNHEIM, qui dira si je suis mythomane et dans quel état était sa soeur. Voilà... C'était mon père. Un jour, il fut convoqué par la fiduciaire et dit à sa juge:
    "Vous savez? C'est un apostolat, d'être patron, Madame", et il l'avait à peu près vécu comme ça! Alors, vous pouvez me trouver théorique, mais j'ai quelques expériences derrière la conviction qu'avait mon père, aussi, que "saint->Nicolas, mon bon patron", "(devait nous apporter) des maccarons"!

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  10. Excusez-moi de rajouter encore quelque chose, au risque de bombarder cet article de mes commentaires, comme certains peuvent légitmement s'en indigner, je ferai plus attention la prochaine fois, si du moins j'arrive à réfréner ma frénésie... Mais, à l'attention de l'anonyme ému par le comportement du patron de l'épisode de saint-Mathieu et qui déplore qu'il n'y ait pas eu d'études sociopolitiques sur le modèle économique que l'on peut tirer des evangiles, je lui signale qu'il y a celles de Charles Gave, qui plaide plutôt pour une compréhension libérale de l'enseignement économique de notre divin Maître. Pour lever, d'autre part, toute ambiguïté quant à mon appréciation de "la volonté générale", venant de réécouter l'émission où vous étiez intervenu, Monsieur l'abbé, et y ayant entendu citer sur la fin mon message qui allait dans le même sens que mon deuxième commentaire et auquel vous répondiez que "cet infaillibilisme de la volonté générale était d'une admirable naïveté", je vous répondrai seulement à mon tour que, dans mon esprit, il n'y a aucune "infaillibilité" de la volonté générale. Certes, la volonté générale peut errer dans ses choix, tout comme l'individu peut ne pas choisir Dieu, pour la damnation de son âme, au moins en Justice. Certes, "il impore premièrement d'être bon"; mais actionner la volonté générale comme levier de l'autorité, c'est simplement essayer de trouver le meilleur chemin pour obtenir un consensus! Or on ne peut plus, à notre époque, chercher un mode de bonne gouvernance sans s'assurer d'abord qu'il fait, non pas l'unanimité, mais consensus. Peut-être, à votre crédit, suis-je trop obsédé par ce préalable consensuel au contraire de vous, qui l'êtes, plus éthiquement, par la recherche d'une bonne gouvernance. Mais chaque fois qu'on fait résonner à des oreilles de droite l'expression de "volonté générale", les cheveux se hérissent sur la tête et l'homme de droite croit qu'on accorde une infaillibilité à "la volonté générale". Il n'en va pas ainsi: on lui accorde une préférence comme moyen d'expression sans préjuger de savoir si ses choix ont été les plus judicieux ou les plus raisonnables. Etre démocrate, ce n'est pas croire que la majorité a toujours raison, c'est croire qu'on ne peut pas gouverner contre la majorité. Prendre le risque de multiplier l'erreur en appliquant au plan social le même principe qu'au plan individuel, c'est simplement le prix de la liberté, ce premier des dons de dieu, qui engage notre responsabilité qui vous est chère.

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  11. Je signale à Weizapflen qui inonde ce site de ses propos amphigouriques que Charles Gave est un dsciple français (comme son nom ne l'indique pas) de Milton Friedmann et des économistes ulltralibéraux américains dont les théories sont tout sauf chrétiennes.

    Ainsi que cela a déjà été dit sur ce site rien à voir avec la doctrine sociale de L'Eglise catholique qui condamne avec la plus extrême fermeté le libéralisme tant par la bouche de Paul VI(voir notamment le § 35 de la Lettre au Cardinal canadien Roy de 1971) que de Jean Paul II (relire Centesemus annus de 1991) et enfin de Benoît XVI.

    Voici ce texte dans son in tégralité :
    "L’idéologie libérale
    35. D’autre part, on assiste à un renouveau de l’idéologie libérale. Ce courant s’affirme, soit au nom de l’efficacité économique, soit pour défendre l’individu contre les emprises de plus en plus envahissantes des organisations, soit contre les tendances totalitaires des pouvoirs politiques. Et certes l’initiative personnelle est à maintenir et à développer. Mais les chrétiens qui s’engagent dans cette voie n’ont-ils pas tendance à idéaliser, à leur tour, le libéralisme qui devient alors une proclamation en faveur de la liberté ? Ils voudraient un modèle nouveau, plus adapté aux conditions actuelles, en oubliant facilement que, dans sa racine même, le libéralisme philosophique est une affirmation erronée de l’autonomie de l’individu, dans son activité, ses motivations, l’exercice de sa liberté. C’est dire que l’idéologie libérale requiert, également, de leur part, un discernement attentif."

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  12. A l'anonyme qui me reproche d'avoir cité charles Gave, Weizaepflen (qu'il aurait au moins pu recopier correctement, qui signe toujours ses messages (contrairement à lui), qui porte un prénom (Julien) et qu'on peut même affubler facultativement d'une civilité comme "Monsieur": être catholique n'empêchant pas d'être civil), weizaepflen (donc) signale qu'il n'a jamais prétendu faire de Charles Gave un chrétien, qu'il le savait français et disciple de Milton Friedman; mais que, du moins, cet homme réunissant en lui les qualités de banquier et d'économiste s'est penché sur les paraboles économiques du christ et a cru pouvoir en dégager une doctrine plutôt libérale et de responsabilité que sociale et d'assistance, analyse textuelle que je crois juste, même si j'aurais préféré qu'elle penche d'un autre côté. Mais l'honnêteté intellectuelle réclame que l'on reconnaisse en quoi, y compris des adversaires idéologiques, ont pu analyser mieux que nous-mêmes un texte dont nous sommes censés vivre et être les hérauts, les régulations de la doctrine sociale, quoique d'interprétation magistérielle, iraient-elles dans un autre sens. Mais elles puisent sans doute davantage leurs sources dans Saint-thomas d'aquin que dans une analyse serrée des paraboles du christ elles-mêmes. D'autre part, vous me citez un texte de Paul VI qui, écrit dans la rhétorique de l'air du temps, à la suite de "gaudium et spes", pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses et qui ne condamne pas tant le libéralisme qu'il ne recommande à son sujet un discernement, même s'il postule que les racines du libéralisme philosophique émanent d'une conception erronnée de la liberté humaine. Mais autre est le libéralisme philosophique, autre le libéralisme économique. Personnellement, j'aurais plutôt tendance à pencher pour le premier, car je ne vois pas trace de libéralité dans le libéralisme économique. Or le libéralisme devrait être le synonyme de la libéralité. Ce texte nous met surtout en garde contre la tentation de faire du "libéralisme" un absolu. Quant à votre appréciation selon laquelle mon style serait amphigourique, je la crois assez juste et ne vois donc pas de raison de la discuter davantage.

    J. WEINZAEPFLEN

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