samedi 14 novembre 2009

France-Vatican: "... une réelle perte d'influence..."

L’AFP en avait fait une brève – Le rapport des députés du «groupe d’études sur les relations avec le Saint-Siège» mérite tout de même un peu plus. Sous la présidence de Jacques Remiller («député UMP de l’Isère») une délégation a passé trois jours à Rome en septembre, «la dernière mission au cours de la précédente législature ayant eu lieu en décembre 2005 ». Parmi les objectifs: faire le point sur «l’état des relations entre la France et le Saint-Siège». Qui sont marquées par «une riche histoire commune», mais les temps changent et «l’influence de la France décline pour de multiples raisons» qu’ils expliquent par la suite.

Il s’agissait aussi de «recueillir la position du Vatican sur quelques questions politiques et diplomatiques». Les députés évoquent des positions proches de la France «sur de grandes questions» telles que «défense des droits de l’homme», la «crise irakienne» et «le regard porté sur la situation politique et sociale en Afrique». Une fois posée cette convergence sympathique, on arrive aux «autres questions de société», sont nommées le «respect de la création», «la sacralité de l’Homme», le «repos dominical». Rien qui fâche vraiment, veulent croire les députés, pour qui «le Vatican adopte des positions qui sans être divergentes de celles de la France reposent en fait sur une approche plus spirituelle.»

C'est le ton du rapport: feutré, prudent. On n’en fera pas grief à des élus presqu’en mission diplomatique, leur rôle n’est pas d’appuyer là où ça fait mal. C’est ainsi qu’ils n’évoquent pas le préservatif et la lutte contre le sida, un grand moment pourtant des rapports avec Rome. La France avait en mars 2009 fait part de sa «très vive inquiétude» (Ministère des Affaires Etrangères) quant à la position de Benoît XVI, Alain Juppé avait estimé que «ce pape commence à poser un vrai problème» et Xavier Darcos avait renchéri: «c'est criminel» sans toutefois demander de poursuites. C’était, de gauche à droite, à celui qui s’indignerait le mieux. Pour rappel: Jacques Remiller (l’auteur principal du présent rapport) s’était à l’époque nettement démarqué de ses amis politiques.

Il préfère évoquer, dans les «échanges récents», les «propos très clairs sur le concept de laïcité progressive» de Nicolas Sarkozy à Rome et suggère que François Fillon, quand il parle de «laïcité à la française», est sur la même longueur d’ondes que Benoît XVI appelant à «l’évolution du concept de laïcité » et à «une réconciliation entre la foi et la raison».

Les députés veulent aussi voir comme des «relations étroites» les «béatifications et canonisations de nos compatriotes» de ces dernières années, qui indiquent plutôt un lien… avec notre passé. De fait, on en vient directement à «la perte d’influence de notre pays». Exit le cardinal Roger Etchegaray, exit le cardinal Paul Poupard : «il n’y a plus que deux cardinaux au sommet de la hiérarchie de la Curie» [MAJ15NOV: encore s'agit -il d'une erreur: Jean-Louis Tauran est bien cardinal, mais pas Dominique Mamberti, systématiquement cité comme tel]. Aucun Français ne sort plus de l’Ecole des Nonces, ce qui «entraînera à terme la disparition des ‘voix’ françaises dans la diplomatie vaticane». Les députés avancent un choix des évêques de France qui ne seraient «pas favorables à ce que partent leurs meilleurs prêtres» avec comme conséquence rapide que «la politique vaticane ne sera plus marquée par l’empreinte française». Autres signes: la France a rétrogradé son ambassade auprès du Saint-Siège «en catégorie 3».

Viennent ensuite «les inquiétudes et les préoccupations du Saint-Siège», en premier lieu «le faible nombre d’ordinations (une centaine par an au regard des 600 à 700 départs annuels de prêtres)», du à la sécularisation mais aussi au fait que les «communautés [catholiques] ne semblent plus capables de susciter et d’accompagner les vocations», que «l’image du prêtre a changé», et que les prêtres de la génération précédente «ne sont guère enclins à promouvoir les vocations». Le rapport a beau être feutré, il contient quelques lames de rasoir. Et si un prélat donne en exemple un séminaire, pour son «adaptation […] aux profils humains, psychologiques et sociologiques des jeunes», c’est (hélas) celui de Madrid avec ses 250 séminaristes.

Vient ensuite «le refus de faire référence aux ‘racines chrétiennes de l’Europe’», et des «divergences en particulier dans les domaines de la bioéthique» - la «loi sur l’avortement» de 1975 est citée en toutes lettres. Les Romains, visiblement au fait des débats français, rappellent par avance «l’interdiction de l’euthanasie» que pose l’Église.

Concernant la «reconnaissance des grades et diplômes» un accord a été signé le 18 décembre 2008. Le rapport ne mentionne pas la polémique d’alors en France, mais lui règle son compte au détour d’une phrase («chaque contractant souhaite que ses critères de qualité soient aussi élevés que ceux de l’autre partie »). Et pour qui n’aurait pas compris, leurs interlocuteurs précisent aux députés que pour certaines disciplines «une ‘agence de qualité’ spécifique à l’Église catholique déterminera les critères de formation nécessaires à la reconnaissance de ces diplômes».

Sécularisation de la France, affaiblissement de son Église... la «réelle perte d'influence» de la France auprès du Saint-Siège semble réciproque.

Dans une seconde partie, les députés entendent faire le point sur les premières années du nouveau pontificat. Il s’agit «de ne pas comparer deux Papes successifs, aux styles personnels et de gouvernement différents», c’est la demande des «interlocuteurs de la délégation», mais enfin… on arrive très vite aux supposées «difficultés de communication du Saint-Siège». Il est certes plus facile de suggérer «une gestion imparfaite des dossiers en interne» ou une «impréparation de la communication» plutôt que de reconnaître que la société (en particulier française) ne veut plus entendre certaines choses. Que ce qui irrite, ce ne sont pas des propos qui «semblent avoir été sortis de leur contexte» mais bien le contexte, justement, le contexte de la société française de 2009. De même les députés choisissent-ils de penser, concernant «la levée de l’excommunication des évêques ‘lefebvristes’», que les crispations françaises tiennent au «cas d’un évêque dont les propos négationnistes étaient connus». Libre à chacun de s'efforcer à les croire.

Suit l’exposé des objectifs de l’actuelle diplomatie vaticane : «dialogue avec les musulmans» qui «s’est accéléré depuis quelques années» mais qui trouve ses limites «dans la diversité et l’éclatement du monde musulman», et qui reste difficile «car les conceptions religieuses diffèrent trop» ; adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, le Vatican ne prenant pas partie mais estimant que «l’Etat turc ne reconnaît pas l’Eglise catholique comme une entité juridique» et que n’y est donc pas garantie «la liberté effective de foi et de pensée» ; relations avec la Chine, où toutes «les communautés sont en relation directe avec le Saint-Siège» y compris celles qui se réclament de l’Eglise officielle.

La troisième partie du rapport est consacrée à «la présence française à Rome», c’est-à-dire à un «patrimoine exceptionnel» essentiellement immobilier. Les «Pieux Etablissements» (c’est le terme consacré) témoignent d’un passé plus riche que le présent. Le «séminaire pontifical français de Rome» compte encore «environ 70 étudiants (50 français et 20 étrangers)». La délégation (c’est presqu’ainsi que se termine son rapport) y a assisté aux Vêpres «qui lui ont paru très émouvantes». L’écrire sans honte et sans chichis, dans un contexte français de surenchère laïciste ou de catholicisme honteux… merci à ces quelques députés.

1 commentaire:

  1. Juste une petite remarque en passant: le rapport nous parle de +la confidentialité des “officialisés”+. C'est bien entendu d'OFFICIALITES qu'il est question, c'est à dire de tribunaux ecclésiaux. J'ose une explication: ne connaissant pas le terme, la personne qui tape (ou qui écrit?) le rapport le remplace par un mot plus fréquent. Et comme du coup ça ne veut rien dire, cette personne met des guillemets pour s'en dédouaner.

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