Robert Spaemann est un philosophe allemand, que son parcours, à travers les querelles d'école, rend particulièrement intéressant. Ami de Benôît XVI, il est l'un des premiers à avoir tiré la sonnette d'alarme, lorsqu'il s'est agi de travailler, en tant que catholique, à accueillir les femmes en détresse, en leur proposant éventuellement un avortement. Il a montré que c'est un conseil qu'un ou une catholique ne pouvait jamais donner.
Il publie deux livres en français, l'un aux éditions du Cerf, sur la différence entre les choses et les personnes - que je n'ai pas encore eu le temps de lire - l'autre, aux éditions Hora decima, sur son parcours personnel.
Dans ce livre, il insiste sur le fait que c'est avant tout notre affectivité qui est malade. Je crois qu'il a raison. Si l'intelligence est en péril de mort, comme dit Marcel De Corte, l'intelligence - notre intelligence - s'affolle devant le néant et ne sait pas comment elle sera capable de se proclamer la mauvaise nouvelle du néant à elle-même. Comme je l'ai expliqué ailleurs sur ce blog, sans la Shoah, sans le kakangile de la Shoah, nous en serions encore à "Cher ami..." et nous déborderions d'un lyrisme compensatoire, en en faisant des tonnes - comme Paul VI fut un temps - dans le culte de l'homme. Même Emmanuel Mounier, féru du culte de l'homme, parlait de la Shoah comme de la... petite peur du XXème siècle. il n'avait certainement pas tout compris !
Notre affectivité est malade... Cette maladie remonte au moins au différend entre Bossuet et Fénelon, je crois que Spaemann a raison de le souligner.
Mais là dessus, voilà qu'il donne raison à Fénelon. Pour Spaemann, aimer Dieu, c'est simplement être dans l'ordre [lui préfère parler de téléologie, mais l'idée est la même]. Surtout, affirme Robert Spaemann, il faut éviter, comme le fait Bossuet, de parler de "désir" subjectif de Dieu, cela n'a aucune valeur. Il faut abandonner là l'espérance, trop subjective. Robert Spaemann cite Fénelon : "En perdant l'espérance, on retrouve la paix. L'amour, sans confiance ni défiance, est la seule assurance pour jamais". Commentaire de Spaemann : " Bossuet a dit que Fénelon était un maître du désespoir [a-t-il vraiment tort, eu égard à la citation que nous reprenons ici ?]. Et pourtant elle est magnifique la soumission de Fénelon, lorsque vint de Rome sa condamnation".
Quel salmigondis ! Mettre le coup de crosse et ses conséquences sur le même plan que la vertu théologale d'espérance, souligner que se prendre un coup de crosse sans broncher, mais sans changer d'avis, valait toutes les formes d'espérance du monde... Cela me semble mélanger la psychologie personnelle et le don de Dieu. C'est dommage!
En réalité, Fénelon a la spiritualité de sa métaphysique. Concevant "l'être universel", il ne voit d'espérance que celle qui consiste à se mettre à son rang dans l'ordre de l'univers, ce bel ordre qu'il déploie dans son Traité de l'existence de Dieu. Opérant cette mise en ordre, il ne bronche pas un instant. C'est du stoïcisme. Ni plus ni moins. Fénelon accuse un retard métaphysique de mille sept cent douze ans, pour prendre comme points de repère sa mort et la naissance putative du Christ.
Les choses seraient tellement plus claires si l'on concevait que l'unité d'ordre entre Dieu et les créatures, ce n'est pas je ne sais quel spectacle ordonné des 'degrés de l'être', mais c'est chaque être, en tant qu'il tient son être de Dieu même. Ce personnalisme théologique et métaphysique, il n'en est pas question chez Fénelon, féru des degrés d'être et de la métaphysique ancienne.
Mais il justifie Bossuet.
A suivre.
Il publie deux livres en français, l'un aux éditions du Cerf, sur la différence entre les choses et les personnes - que je n'ai pas encore eu le temps de lire - l'autre, aux éditions Hora decima, sur son parcours personnel.
Dans ce livre, il insiste sur le fait que c'est avant tout notre affectivité qui est malade. Je crois qu'il a raison. Si l'intelligence est en péril de mort, comme dit Marcel De Corte, l'intelligence - notre intelligence - s'affolle devant le néant et ne sait pas comment elle sera capable de se proclamer la mauvaise nouvelle du néant à elle-même. Comme je l'ai expliqué ailleurs sur ce blog, sans la Shoah, sans le kakangile de la Shoah, nous en serions encore à "Cher ami..." et nous déborderions d'un lyrisme compensatoire, en en faisant des tonnes - comme Paul VI fut un temps - dans le culte de l'homme. Même Emmanuel Mounier, féru du culte de l'homme, parlait de la Shoah comme de la... petite peur du XXème siècle. il n'avait certainement pas tout compris !
Notre affectivité est malade... Cette maladie remonte au moins au différend entre Bossuet et Fénelon, je crois que Spaemann a raison de le souligner.
Mais là dessus, voilà qu'il donne raison à Fénelon. Pour Spaemann, aimer Dieu, c'est simplement être dans l'ordre [lui préfère parler de téléologie, mais l'idée est la même]. Surtout, affirme Robert Spaemann, il faut éviter, comme le fait Bossuet, de parler de "désir" subjectif de Dieu, cela n'a aucune valeur. Il faut abandonner là l'espérance, trop subjective. Robert Spaemann cite Fénelon : "En perdant l'espérance, on retrouve la paix. L'amour, sans confiance ni défiance, est la seule assurance pour jamais". Commentaire de Spaemann : " Bossuet a dit que Fénelon était un maître du désespoir [a-t-il vraiment tort, eu égard à la citation que nous reprenons ici ?]. Et pourtant elle est magnifique la soumission de Fénelon, lorsque vint de Rome sa condamnation".
Quel salmigondis ! Mettre le coup de crosse et ses conséquences sur le même plan que la vertu théologale d'espérance, souligner que se prendre un coup de crosse sans broncher, mais sans changer d'avis, valait toutes les formes d'espérance du monde... Cela me semble mélanger la psychologie personnelle et le don de Dieu. C'est dommage!
En réalité, Fénelon a la spiritualité de sa métaphysique. Concevant "l'être universel", il ne voit d'espérance que celle qui consiste à se mettre à son rang dans l'ordre de l'univers, ce bel ordre qu'il déploie dans son Traité de l'existence de Dieu. Opérant cette mise en ordre, il ne bronche pas un instant. C'est du stoïcisme. Ni plus ni moins. Fénelon accuse un retard métaphysique de mille sept cent douze ans, pour prendre comme points de repère sa mort et la naissance putative du Christ.
Les choses seraient tellement plus claires si l'on concevait que l'unité d'ordre entre Dieu et les créatures, ce n'est pas je ne sais quel spectacle ordonné des 'degrés de l'être', mais c'est chaque être, en tant qu'il tient son être de Dieu même. Ce personnalisme théologique et métaphysique, il n'en est pas question chez Fénelon, féru des degrés d'être et de la métaphysique ancienne.
Mais il justifie Bossuet.
A suivre.
"En l'Espérance, nous avons pour l'âme comme une ancre sûre et solide qui "pénètre par-delà le voile"(Ex.25-26), là où Jésus, devenu grand prêtre "à jamais selon l'ordre de Melchisédech"(Mt 27,51) est entré comme notre avant-coureur."
RépondreSupprimerHéb 6,19
Interessant mais peut -on aller moins vite et revenir en arrière pour le lecteur lambda et bêta! et qu'il puisse un peu saisir ce qui sépare Bossuet de Fénelon. Oui quelques précsions au risque de redites.
RépondreSupprimer.
Qu'entend exactement Bossuet par désir de Dieu , un saut ontologique dans la foi ? Se donner à Dieu? . Et Fénélon peut -on rappeler et détailler comment il aimait Dieu avant de citer Spaemann son mode précis . Quid de La qûete de la grâce chez Fénélon . Mieux souligner le stoïcisme de Fénélon, qui se contenteraient d'enrober les choses ua lieu de creuser son rapport personnel à ..