Je rencontre Henri dimanche à Villepreux, et il me dit : je voudrais que vous me disiez où Bossuet parle du désir de Dieu. Je suis au pied du mur.
C'est à ses dirigées, c'est à des femmes que Bossuet parle le mieux du désir de Dieu. La Soeur Cornuau dabord, mais aussi cette "demoiselle de Metz" qui est une religieuse, laquelle Bossuet adresse quatre lettres qui nous sont conservées, quatre chefs d'oeuvre très différents les un des autres.
Voici les premières lignes de la première lettre : "Il faut ma très chère fille que vous désiriez ardemment d'aimer Jésus Christ. Je suis pressé de vous écrire quelque chose touchant ce désir dans lequel je fus occupé tout le jour d'hier (sic !). Le désir d'aimer Jésus christ est un commencement du saint amour, qui ouvre et qui dilate le coeur pour s'y abandonner sans réserve, pour se donner tout entier à lui jusqu'à s'y perdre pour n'être plus qu'un avec lui. Quiconque aime Jésus Christ commence toujours à l'aimer, il compte pour rien tout ce qu'il a fait pour cela [ô jansénisme salutaire de Bossuet] : c'est pourquoi il désire toujours ; et c'est ce désir qui rend l'amour infini. Quand l'amour aurait fait, s'il se peut, son dernier effort, c'est dans son extrémité qu'il voudrait recommencer tout : et pour cela, il ne cesse jamais d'appeler le désir à son secours, désir qui commence toujours et qui ne finit jamais, et qui ne peut souffrir aucune limite".
Voilà Bossuet. Tout le reste est du même tabac. J'avoue que l'un de mes projets a toujours été de rééditer ces quatre lettres de braise.
Bossuet ne confond pas le désir et l'amour comme le fait le psychanalyste de base. Mais il indique clairement que le désir est le moteur de l'amour.
Fénelon, lui, au nom de la pureté, veut supprimer le désir : quelle horreur !
Lacan, quant à lui, cantonne l'amour au transfert, c'est-à-dire à la cure, au divan et aux sauteries toutes symboliques qui peuvent s'y dérouler : quelle perversion !
Bossuet, comme saint Thomas d'Aquin et comme Cajétan (voir son commentaire de la Question 17 article 5, sur l'espérance) unit l'amour et le désir sans les confondre. Les mammifères supérieurs que nous sommes ne pourraient rien sans désir. Simone Weil, anorexique de façon dramatique, jusqu'à la mort sans doute, a tout de même écrit dans Attente de Dieu que le désir de Dieu est le seul dont nous soyons sûrs qu'il est exaucé. Et elle ajoute cette raison très cajétanienne : parce que le désir de Dieu, dans le mammifère supérieur, vient de Dieu... Dieu ne peut pas se contredire lui-même, donner ce désir et nous priver de son exaucement.
Bossuet caractérise très bien l'état de Simone Weil dans la suite de sa lettre : "Ce coeur pris et épris par cette sainte admiration ne peut plus voir que Jésus Christ, ne peut plus souffrir que Jésus Christ. Jésus Christ seul est grand pour lui. Et cette admiration s'élève si haut dans le coeur qu'alors on ne peut s'empêcher de dire : le Seigneur est grand. C'est là que peu à peu tout autre objet s'efface du coeur".
Allez lire la suite... "Laissez donc ma fille aller votre coeur..." continue Bossuet.
C'est fou ? Saint Paul le pensait déjà et il l'écrivait aux Corinthiens.
C'est à ses dirigées, c'est à des femmes que Bossuet parle le mieux du désir de Dieu. La Soeur Cornuau dabord, mais aussi cette "demoiselle de Metz" qui est une religieuse, laquelle Bossuet adresse quatre lettres qui nous sont conservées, quatre chefs d'oeuvre très différents les un des autres.
Voici les premières lignes de la première lettre : "Il faut ma très chère fille que vous désiriez ardemment d'aimer Jésus Christ. Je suis pressé de vous écrire quelque chose touchant ce désir dans lequel je fus occupé tout le jour d'hier (sic !). Le désir d'aimer Jésus christ est un commencement du saint amour, qui ouvre et qui dilate le coeur pour s'y abandonner sans réserve, pour se donner tout entier à lui jusqu'à s'y perdre pour n'être plus qu'un avec lui. Quiconque aime Jésus Christ commence toujours à l'aimer, il compte pour rien tout ce qu'il a fait pour cela [ô jansénisme salutaire de Bossuet] : c'est pourquoi il désire toujours ; et c'est ce désir qui rend l'amour infini. Quand l'amour aurait fait, s'il se peut, son dernier effort, c'est dans son extrémité qu'il voudrait recommencer tout : et pour cela, il ne cesse jamais d'appeler le désir à son secours, désir qui commence toujours et qui ne finit jamais, et qui ne peut souffrir aucune limite".
Voilà Bossuet. Tout le reste est du même tabac. J'avoue que l'un de mes projets a toujours été de rééditer ces quatre lettres de braise.
Bossuet ne confond pas le désir et l'amour comme le fait le psychanalyste de base. Mais il indique clairement que le désir est le moteur de l'amour.
Fénelon, lui, au nom de la pureté, veut supprimer le désir : quelle horreur !
Lacan, quant à lui, cantonne l'amour au transfert, c'est-à-dire à la cure, au divan et aux sauteries toutes symboliques qui peuvent s'y dérouler : quelle perversion !
Bossuet, comme saint Thomas d'Aquin et comme Cajétan (voir son commentaire de la Question 17 article 5, sur l'espérance) unit l'amour et le désir sans les confondre. Les mammifères supérieurs que nous sommes ne pourraient rien sans désir. Simone Weil, anorexique de façon dramatique, jusqu'à la mort sans doute, a tout de même écrit dans Attente de Dieu que le désir de Dieu est le seul dont nous soyons sûrs qu'il est exaucé. Et elle ajoute cette raison très cajétanienne : parce que le désir de Dieu, dans le mammifère supérieur, vient de Dieu... Dieu ne peut pas se contredire lui-même, donner ce désir et nous priver de son exaucement.
Bossuet caractérise très bien l'état de Simone Weil dans la suite de sa lettre : "Ce coeur pris et épris par cette sainte admiration ne peut plus voir que Jésus Christ, ne peut plus souffrir que Jésus Christ. Jésus Christ seul est grand pour lui. Et cette admiration s'élève si haut dans le coeur qu'alors on ne peut s'empêcher de dire : le Seigneur est grand. C'est là que peu à peu tout autre objet s'efface du coeur".
Allez lire la suite... "Laissez donc ma fille aller votre coeur..." continue Bossuet.
C'est fou ? Saint Paul le pensait déjà et il l'écrivait aux Corinthiens.
Jean-Louis Chrétien, dans son Essai La Joie spacieuse, a un joli chapitre sur la question...
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