jeudi 26 août 2010

«... au cours des ultimes décennies de la civilisation occidentale...» (Michel Houellebecq)

«[...] L'anthropologie chrétienne, longtemps majoritaire dans les pays occidentaux, accordait une importance illimitée à toute vie humaine, de la conception à la mort; cette importance est à relier au fait que les chrétiens croyaient à l'existence, à l'intérieur du corps humain, d'une âme - âme dans son principe immortelle, et destinée à être ultérieurement reliée à Dieu. Sous l'impulsion des progrès de la biologie devait peu à peu se développer au XIXe et au XXe siècle une anthropologie matérialiste, radicalement différente dans ses présupposés, et beaucoup plus modeste dans ses recommandations éthiques. D'une part le foetus, petit amas de cellules en état de différenciation progressive, ne s'y voyait attribuer d'existence individuelle autonome qu'à la condition de réunir un certain consensus social (absence de tare génétique invalidante, accord des parents). D'autre part le vieillard, amas d'organes en état de dislocation continue, ne pouvait réellement faire état de son droit à la survie que sous réserve d'une coordination suffisante de ses fonctions organiques - introduction du concept de dignité humaine. Les problèmes éthiques ainsi posés par les âges extrêmes de la vie (l'avortement; puis, quelques décennies plus tard, l'euthanasie) devaient dès lors constituer des facteurs d'opposition indépassables entre deux visions du monde, deux anthropologies au fond radicalement antagonistes.

L'agnosticisme de principe de la République française devait faciliter le triomphe hypocrite, progressif, et même légèrement sournois, de l'anthropologie matérialiste. Jamais ouvertement évoqués, les problèmes de valeur de la vie humaine n'en continuèrent pas moins à faire leur chemin dans les esprits; on peut sans nul doute affirmer qu'ils contribuèrent pour une part, au cours des ultimes décennies de la civilisation occidentale, à l'établissement d'un climat général dépressif, voire masochiste. [...]»
 
Michel Houellebecq - Les particules élémentaires (1998)

Flammarion publiera le 8 septembre le nouveau roman de Houellebecq, La carte et le territoire.

5 commentaires:

  1. Quel talent! Non moins que le brillant Philippe Sollers, dont France Culture a donné une série d'entretiens radiophoniques, tout au long du mois d'Août (accessibles en podcasts), cet amoureux de Venise et admirateur de Jean-Paul II, par Lequel il a été reçu personnellement, y proclame, une fois de plus, sa ferveur inconditionnelle pour l'Esprît des Lumières.....mais pas un mot sur l'aspect noir (et hautement criminel) de son avatar, la Révolution Française.....

    À quand une réunion du mardi soir, avec ces deux oiseaux, au Centre Saint-Paul? Pivot, Ardisson et Mireille Dumas en resteraient tout "chose"!

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  2. Oui Thierry, Philippe Sollers a bien du talent. Une sorte de casanova à l'esprit voltairien qui entre dans les églises en regardant Dieu de haut, mais non sans faire silence devant le Saint Sacrement. L'avez-vous entendu pourtant parler de l'Eglise catholique, là, selon son expression, "pour entretenir toutes les névroses", dont Sollers la fait la gardienne estimable? L'écrivain a certes été reçu par Jean-Paul II. Ses amis lui ont reproché de s'être prosterné devant le pape. La réponse de Sollers ne s'est pas faite attendre:
    "J'ai respecté un protocole séculaire, qu'y a-t-il de mal à ça?"
    Cela m'a rappelé la question que se posaient je ne sais plus quels chrétiens romains au cours d'une des nombreuses persécutions dont ils furent victimes pour ne pas vouloir se prosterner devant l'empereur qu'ils ne voulaient pas reconnaître pour leur dieu. Certains leur conseillaient :
    "Qu'importe que vous vous prosterniez si, in petto, vous vous répétiez que vous n'avez pour Dieu que votre Père, qui vous a été révélé par l'esprit-saint en son fils, Jésus-christ, votre Seigneur."
    Eh bien, la méthode hypocrite qui conseillait, pour la sauvegarde d'une vie qui ne voulait pas souffrir le martyre, de séparer l'attitude de l'âme de l'expression du corps, n'a pas été approuvé par l'Eglise qui n'a pas permis les prosternations protocolaires. Mais ce qui était interdit aux chrétiens devait être bon pour Philippe sollers.

    Venons-en à votre second oiseau. Il a été interviewé par "LIBERATION" et voici la reproduction de l'article, tel que je l'ai reçue ce matin dans ma boîte mail:

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  3. (la suite promise)

    Avant même que son roman la Carte et le Territoire ne soit disponible en
    librairie (le 8 septembre), Michel Houellebecq a bien voulu répondre à nos
    questions sur son projet suivant, qui est un livre d'entretiens avec Sa Sainteté
    le pape Benoît XVI.
    Libé : Le pape !?
    M.H. : Oui, le pape. L'homme en blanc.
    Mais pourquoi le pape ?
    C'était une suggestion de mon éditeur. Il m'a dit : après BHL, tu pourrais
    peut-être faire Johnny Halliday. Mais comme Johnny était retenu à Los Angeles,
    pour un problème de dos je crois, on s'est rabattu sur Benoît XVI, un type
    beaucoup moins con qu'on ne le dit.
    Il a accepté facilement ?
    Plutôt. On lui a assuré que j'étais une sorte de successeur de Charles Péguy, ce
    qui n'est d'ailleurs pas complètement faux.
    Péguy !?
    Comme Péguy, j'aime bien les églises et les alexandrins. C'est mon maître. Dans
    Présentation de Paris à Notre-Dame, il a écrit des trucs dingues comme : «Étoile
    de la mer voici la lourde nef/Où nous ramons tout nus sous vos
    commandements/Voici notre détresse et nos désarmements/Voici le quai du Louvre,
    et l'écluse, et le bief.» Nef et bief, il fallait oser. L'autre jour, je me suis
    dit : "Tiens, essayons avec studio et radio, pour voir." Et j'ai imaginé ceci :
    «Il compose le code, retrouve son studio/Et une main glacée se pose sur son
    coeur/Certainement quelqu'un a commis une erreur/Il n'a plus très envie d'écouter
    la radio» (in le Sens du combat).
    Pas mal. Et avec hêtre et être ?
    Fastoche : «Au milieu des herbages et des forêts de hêtres/Au milieu des
    immeubles et des publicités/Nous vivons un moment d'absolue vérité/ Oui, le
    monde est bien là, et tel qu'il paraît être.»
    Quel genre de questions vous a posé le pape ?
    Il m'a demandé immédiatement : «Mon fils, si un jour la Vierge Marie, sainte
    Mère de Dieu, apparaissait à Saint-Germain-des-Prés, disons quelque part entre
    la place de l'Odéon et le magasin Zara de la rue Lobineau, est-ce qu'il y aurait
    beaucoup de conversions parmi les intellectuels français ?»
    Et vous avez répondu ?
    Que je situais mal la rue Lobineau.
    C'est vers le marché Saint-Germain.
    Puis j'ai ajouté que, moi-même, j'embrasserais à coup sûr la foi catholique si
    Jésus voulait bien faire une apparition, même courte, au café de la Mairie sur
    la place Saint-Sulpice. Ou, à la rigueur, si je décrochais le Goncourt cette
    année. Mais Edmonde Charles-Roux m'a dit que, pour je ne sais plus quelle
    raison, ils étaient obligés de donner le prix à Despentes.
    Virginie Despentes !?
    Oui, Despentes. Vous voulez que j'épelle ?
    Non, c'est juste que ça paraît incroyable.
    C'est aussi le sentiment du Saint Père. Il m'a dit : «Michel, mon enfant, pour
    le Goncourt, je ne peux rien. Mais pour Jésus au café de la Mairie, faut voir. A
    la terrasse ou au premier étage ?»

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  4. Oui, cher Julien...OUI, MAIS....essayez de me trouver un autre écrivain qui ait proposé, il y a quelques années, à l'un des plus puissants hommes de télévision, la production d'une émission fleuve dans laquelle eussent été filmées les prières eucharistiques de plus de cent messes, à travers le monde et qui s'est fait traîter de fou, pour une telle audace....Essayez de me trouver un autre que Philippe Joyaux-Sollers, pour vous entraîner, dans les ruelles de Venise, qu'il parcourt les yeux fermés depuis quarante ans, qui puisse vous décrire chaque porche, vous détailler chaque autel, vous faire remarquer que l'Église des Gesuati n'est en rien celle des Jesuiti....Essayez de me trouver un autre amoureux fou de tout ce qu'il peut y avoir de plus catholique au monde,
    essayez cher Julien, alors que défilent sous nos yeux, dans la nuit de feu de Venise, Santa Maria dei Miracoli, perchée au bord de son petit rio, telle qu'il y a plus de cinq cents ans, et Santa Maria Gloriosa dei Frari, si vaste et si intime, et la Grande Scuola San Rocco, et encore la silhouette auguste de Santa Maria Della Salute, tandis que Phillipe vous détaille chaque pan de mur et chantonne les variations Goldberg par son ami Glenn Gould, à moins que ce ne soit la Cantate BWV 140, du plus grand musicien catholique (d'après Maxime Caron) JEAN-SÉBASTIEN, que la Terre ait jamais porté....Le petit Philippe, à genoux devant la Sainte Vierge, qu'il n'a jamais oubliée, malgré ses éblouissantes gamineries,
    oui cher Julien, je veux bien écouter ce petit Philippe, devenu père et mari exemplaire et qui en remontrerait à plus d'un catho. sur le sujet, qui s'étourdit entre deux citations de Nietzsche, et se mettra à chuchoter avec son coeur, au bord du Grande Canale: "Wachet auf, ruft uns die Stimme Der Wächter sehr hoch auf der Zinne, Wach auf, du Stadt Jerusalem!
    Mitternacht heisst diese Stunde; Sie rufen mit heilem Munde......." tandis que nous nous approchons des Zattere, son quartier préféré, je crois....

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  5. J'espère que MAXENCE Caron (et non pas Maxime, comme je l'ai écrit ci-dessus par mégarde) ne m'en aura pas voulu, s'il nous lit, d'avoir déformé son beau prénom, dans mon enthousiasme à citer ses exceptionnels travaux, au sujet de JSB.

    "La pensée catholique de Jean-Sébastien Bach, la Messe en si"
    Maxence Caron, Éditions Via Romana, 2010

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