mardi 30 août 2011

[Minute / Christophe Mahieu] Madrid : Benoît XVI « traditionalise » les JMJ

Entretien Joël Prieur / Christophe Mahieu, paru dans Minute du 24 août 2011
Les JMJ 2011 en Espagne resteront comme l’une des réalisations concrètes les plus caractéristiques du pontificat de Benoît XVI : liturgie solennelle, très souvent en latin ; exigence spirituelle et silence. On est très loin de la première mise en oeuvre du concile Vatican II. Sous l’impulsion du pape, les croyants reviennent à leurs racines. Quel sera l’impact d’un tel renouveau spirituel ? Il est trop tôt pour le dire.

Minute : Christophe Mahieu, vous étiez l’envoyé spécial du journal « Monde & Vie » à ces Journées mondiales de la jeunesse. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans ce long week-end durant lequel on a pu voir le pape Benoît XVI en « grand-père spirituel » à Madrid, avec, autour de lui, jusqu’à deux millions de jeunes ?
Christophe Mahieu : Je garderai trois images de cette immense manifestation, trois images qui disent bien ce qu’ont été les Journées mondiales de la jeunesse cette année. Il y a d’abord les 200 confessionnaux établis au Parc du Retiro (l’analogue de notre Jar din du Luxembourg), avec des confessions sans arrêt, même après que ces installations très design, triangles à pointes arrondies, avaient été démontées. Toute cette organisation autour du sacrement de pénitence porte un message clair : non, la confession, ce n’est pas ringard ! Oui, ça existe toujours!
Deuxième image : la veillée de prière, samedi soir. Il y a d’abord eu le déchaînement des éléments : tonnerre, pluie, vents. Le pape abrège fortement son discours. Les jeunes réagissent avec enthousiasme. Et puis le silence se fait sur la demande des organisateurs, le silence total d’un million et demi de jeunes. Quelque chose d’unique ! Et dans ce silence une grande ma chinerie sort de terre. L’hostie sacrée s’élève aux yeux de tous dans la célèbre custode de Arfe, chef-d’oeuvre d’orfèvrerie en or et en argent, avec 260 statuettes. Ce chef-d’oeuvre, remontant au début du XVIe siècle, provient de la cathédrale de Tolède.

La puissance visuelle de ce moment doit être soulignée. L’Eglise a oublié la timidité postconciliaire et le dépouillement volontaire dont elle voulait s’entourer dans les années 1970.

Durant ces JMJ, on a observé un re tour aux sources baroques de la contre-réforme. Comme pour confirmer cette intuition, une voix s’écrie dans toutes les langues, mais d’abord en espagnol : « Voici le Roi des rois » (« El rei de los reyes »)… Autour de moi des journalistes se mettent à genoux… Des chants latins résonnent : Ave verum, Tantum ergo… Je suis où ?

Troisième image : la messe de diman che matin, devant deux millions de personnes, essentiellement des jeunes, en majorité des Espagnols, mais aussi des Italiens, des Allemands, des Polonais et des Français. Là encore, comme le remarque notre confrère Jean-Marie Guénois sur son blog, ce qui frappe c’est le silence, c’est la piété : des jeunes restent en action de grâc e un quart d’heure après la messe. On nous dit que les JMJ ont fait rentrer « la fiesta » dans l’Eglise. Ce n’est pas ce que j’ai vu !

La plupart des chants étaient en latin : Kyrie, Gloria, Sanctus… et le Christus vincit à la fin. Il y avait, en espagnol, le chant des JMJ : « Confirme-moi dans la foi… » On a fait plus révolutionnaire comme cantique. Et, pour accueillir le pape ou le saluer, ce slogan : « Esta es la Juventud del Papa », que l’on peut traduire par : « La jeunesse du pape est là. »
Quel a été le message du pape en Espagne ?
Avant tout un appel à la conversion pratique. Je voudrais insister sur le fait qu’en Espagne, cette visite a un impact que l’on n’imagine pas en France. La télévision a retransmis en boucle les cérémonies.
Sur les 4 900 journalistes présents, près de la moitié étaient espagnols. Il faut signaler aussi la prestation du cardinal Rouco, archevêque de Madrid, admirable de présence et de prestance et revendiquant l’identité catholique de l’Espagne sur la Place des Cibeles devant 500 000 personnes, en accueillant le pape. L’Espagne est en crise, plus encore que la France, comme le montre la dé mission annoncée du premier ministre Zapatero. Ces journées ont ré sonné dans ce pays comme un acte de foi collectif.
Peut-on dire qu’il y a un changement entre les JMJ selon Jean-Paul II et les JMJ selon Benoît XVI ?
Le quotidien espagnol « El Pais » a bien exprimé les choses en écrivant, c’était un titre : « Jean-Paul II a écrit la mélodie ; Benoît XVI est en train d’écrire les paroles ». Je me souviens des JMJ parisiennes, en 1997 : il y avait indéniablement un côté « fiesta ». Je n’ai pas retrouvé cela du tout à Madrid cette année. On pourrait dire que Benoît XVI a « traditionalisé » les JMJ.
Quel a été l’impact des polémiques autour de ce voyage ?
Les polémiques autour du prix du voyage étaient ridicules. Elles sont rituelles désormais. Chaque fois que le pape se déplace quelque part, on lui op pose l’argent que ça coûte. Souvenez-vous du voyage en Angleterre en 2010, durant lequel Benoît XVI avait été reçu à Westminster Hall. On faisait grand cas des polémiques avant l’arrivée du pape à Londres et elles se sont évanouies comme par enchantement.

C’est la même chose en Espagne. Il faut ajouter que dans une atmosphère de crise, le voyage du pape a rapporté de l’argent à Madrid, qui n’est pas une ville très touristique ordinairement. Au fond, les rationalistes militants et les athées déclarés ne supportent pas le succès d’un pape dont ils ne peuvent même pas dire qu’il est médiatique
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propos recueillis par Joël Prieur

1 commentaire:

  1. Madrid, ville pas très touristique ?

    Où étes vous aller pécher celà ?

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