Article repris de Minute du 10 novembre 2010
Ghislain de Diesbach professe avoir « le goût d’autrui », un goût particulièrement prononcé quand il s’agit des « silhouettes éphémères » d’un monde parisien qu’il connaît par coeur. Il y a des noms connus, Marie-Laure de Noailles, « qui pratiquait avec virtuosité la méchanceté gratuite », ou Paul Morand, « un mariage heureux, des liaisons délicieuses et suffisamment variées pour ne pas devenir monotones », Jean-Louis Bory – « bouffon du gauchisme », ou Monseigneur Ducaud-Bourget, « auquel il manqua pour être mieux apprécié de sa hiérarchie de ne pas croire en Dieu ». Il y a ceux dont on ne se souvient pas, le colonel Henry d’Anglejan, « popotier du Jockey » ou la baronne Blixen, « momie rapportée d’Egypte par un savant orientaliste ».
En toute liberté, Ghislain de Diesbach cultive le sens de la formule et dit, avec élégance, ce qu’il pense des uns et des autres. Mais surtout, pour épingler tel ou tel personnage dans son herbier de luxe, il raconte quelques-unes de ces anecdotes qui font tout le charme de la « conversation ». Juste une, concernant Elie de Rothschild: « Celui-ci avait parfois de curieuses réactions tout à son honneur, mais inattendues de sa part. Un jour, par exemple, un de ses invités s’était permis une plaisanterie de mauvais goût sur la sainte Vierge, il s’était levé, déclarant à son invité, trop surpris pour protester: “Je vais vous raccompagner.” Et il l’avait poussé dehors. Revenu dans le salon, il avait déclaré: “Il ne faut pas oublier que la sainte Vierge était juive. Il faut se soutenir entre soi.” »
Tel est le monde de Ghislain de Diesbach, jamais si aimable que lorsqu’il sort des conventions dans lesquelles il s’ordonne. L’oeil aigu du vieux jeune homme jamais blasé sait remarquer le burlesque ou l’étonnant et le souligner d’un trait de son crayon, en pratiquant cette méchanceté qui, parce qu’elle est française, reste toujours légère, pardonnable parce que pardonnante.
On ne sort pas si facilement de cet abécédaire, tant le dépaysement est garanti! Avec ces soixante-dix portraits, voilà un cadeau tout trouvé.
Joël Prieur
Ghislain de Diesbach, Le Goût d’autrui, éd. Via romana, 378 pp., 25 euros port compris. Commande à Minute, 15 rue d’Estrées, 75007 Paris.
Ghislain de Diesbach professe avoir « le goût d’autrui », un goût particulièrement prononcé quand il s’agit des « silhouettes éphémères » d’un monde parisien qu’il connaît par coeur. Il y a des noms connus, Marie-Laure de Noailles, « qui pratiquait avec virtuosité la méchanceté gratuite », ou Paul Morand, « un mariage heureux, des liaisons délicieuses et suffisamment variées pour ne pas devenir monotones », Jean-Louis Bory – « bouffon du gauchisme », ou Monseigneur Ducaud-Bourget, « auquel il manqua pour être mieux apprécié de sa hiérarchie de ne pas croire en Dieu ». Il y a ceux dont on ne se souvient pas, le colonel Henry d’Anglejan, « popotier du Jockey » ou la baronne Blixen, « momie rapportée d’Egypte par un savant orientaliste ».
En toute liberté, Ghislain de Diesbach cultive le sens de la formule et dit, avec élégance, ce qu’il pense des uns et des autres. Mais surtout, pour épingler tel ou tel personnage dans son herbier de luxe, il raconte quelques-unes de ces anecdotes qui font tout le charme de la « conversation ». Juste une, concernant Elie de Rothschild: « Celui-ci avait parfois de curieuses réactions tout à son honneur, mais inattendues de sa part. Un jour, par exemple, un de ses invités s’était permis une plaisanterie de mauvais goût sur la sainte Vierge, il s’était levé, déclarant à son invité, trop surpris pour protester: “Je vais vous raccompagner.” Et il l’avait poussé dehors. Revenu dans le salon, il avait déclaré: “Il ne faut pas oublier que la sainte Vierge était juive. Il faut se soutenir entre soi.” »
Tel est le monde de Ghislain de Diesbach, jamais si aimable que lorsqu’il sort des conventions dans lesquelles il s’ordonne. L’oeil aigu du vieux jeune homme jamais blasé sait remarquer le burlesque ou l’étonnant et le souligner d’un trait de son crayon, en pratiquant cette méchanceté qui, parce qu’elle est française, reste toujours légère, pardonnable parce que pardonnante.
On ne sort pas si facilement de cet abécédaire, tant le dépaysement est garanti! Avec ces soixante-dix portraits, voilà un cadeau tout trouvé.
Joël Prieur
Ghislain de Diesbach, Le Goût d’autrui, éd. Via romana, 378 pp., 25 euros port compris. Commande à Minute, 15 rue d’Estrées, 75007 Paris.
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