vendredi 26 novembre 2010

Immigration : Benoît XVI sort de l’ambiguïté

Article repris de Monde et Vie n°834 - novembre 2010


Chaque année la Journée des Migrants revient, et avec elle, un discours du pape, que l’on connaît longtemps à l’avance. Pour le 16 janvier 2011, le texte de la lettre de Benoît XVI vient de paraître. Il comporte quelques lignes de bon sens, qui montrent que les papes n’adhèrent pas au « transnationalisme » cette nouvelle idéologie obligatoire, vantant le mixage à tout prix, dont Michèle Tribalat, dans Les yeux grand fermés (Denoël 2010), nous a montré l’émergence mondiale.

Benoît XVI écrit dans cette Lettre: « les Etats ont le droit de réglementer les flux migratoires et de défendre leurs frontières, en garantissant toujours le respect dû à la dignité de chaque personne humaine ». L’Etat doit faire en sorte que les diversités culturelles des populations présentes sur son territoire ne s’opposent pas à l’identité nationale. En ce sens, la notion de « frontière », n’en déplaise à l’Europe de Schengen, n’a rien perdu de sa pertinence. Dans l’affaire des Roms, on s’en souvient, notre pape avait évoqué « la préservation des légitimes différences ». Il reprochait sans doute discrètement à Nicolas Sarkozy de se servir des Roms comme d’un alibi politique, pour faire semblant de traiter le problème de l’immigration, dans une de ses plus faibles composantes, au lieu de le traiter « en grand ».

Le devoir de s’intégrer

« Légitimes différences »? Cela signifie que la différence des Roms peuple nomade chrétien est « légitime », mais c’est aussi avouer à demi mot qu’il y a des différences qui ne le sont pas. Angela Merkel, chancelier allemand, s’est exprimée récemment là-dessus à la surprise générale. Elle aussi semblait insister sur les différences légitimes et celles qui ne le sont pas, en déplorant le « multiculturalisme » qui a prévalu jusqu’à maintenant dans son pays. "Le multiculturalisme a échoué, complètement échoué", a-t-elle constaté dans un discours prononcé devant le congrès des jeunes de la CDU (Union chrétienne-démocrate), le 16 octobre. L’idée que toutes les cultures peuvent et doivent cohabiter du moment qu’elles se respectent entre elles est une idée morte. La nation, qu’on le veuille ou non, reste le creuset qui unifie les cultures, dont il ne faut pas dénier les incompatibilités fondamentales. La chancelière allemande a justement insisté sur la nécessité de se montrer "exigeant" à l’égard des immigrés. Respecter la dignité des personnes: bien sûr. Respecter les « différences légitimes »: comment faire autrement ? Mais, comme le fait le pape dans sa récente Lettre, rappeler « en outre, que les immigrés ont le devoir de s’intégrer dans le pays d’accueil, en respectant ses lois et l’identité nationale ».

C’est à ma connaissance, la première fois que Benoît XVI emploie l’expression « identité nationale ». Le fait est important. Il faut reconnaître que, jusque-là, Jean Paul II avait été le seul (même un Pie XII ne l’a pas fait) à défendre une théorie de l’identité nationale. On la trouve dans Mémoire et identité, le livre qu’il a écrit en 1993, et qu’il n’a publié qu’à titre posthume… J’invite nos lecteurs à se procurer cet ouvrage et à le lire. Il contient, mieux que bien des documents officiels, les linéaments d’une politique nationale chrétienne.

Joël Prieur

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