Article repris de Minute du 3 novembre 2010
L’anarchie progresse encore en Irak et cette fois, ce sont les chrétiens locaux qui en font les frais. L’exode semble leur seule planche de salut terrestre. Encore que l’Etat islamique d’Irak, organisation terroriste, veut porter le feu contre les chrétiens dans tout le Proche-Orient.
En plein centre de Bagdad, le 31 octobre, une bande de neuf miliciens surarmés (kalachnikov, grenades et ceintures d’explosifs) se réclamant de l’Etat islamique d’Irak (ISI), a d’abord tenté d’attaquer la Bourse, symbole honni du capitalisme occidental. Ils ont tué deux policiers mais se sont rabattus très vite sur l’église catholique voisine de Sayidat al Najat, Notre-Dame de la Délivrance. En entrant dans l’édifice, sans sommation, ils ont tué d’une balle dans le cou le prêtre qui était en train de prêcher au cours d’une messe rassemblant une centaine de fidèles. Ils ont exécuté froidement un deuxième prê tre qui tentait de mettre des fidèles à l’abri. Puis, au soir de ce dimanche d’octobre, ils ont pris en otage les personnes présentes. Les policiers irakiens sont arrivés, soutenus par des Américains. Avec un amateurisme inquiétant, ils ont im médiatement donné l’assaut. Le bi lan est l’un des plus sanglants qui soient pour ce genre d’opération et la plupart des morts ont eu lieu pendant l’attaque, alors que le commando était mêlé aux otages. L’un des neuf membres du commando a déclenché sa ceinture d’explosifs, tuant beaucoup de monde autour de lui. Pour l’instant, les sources divergent sur le sort des autres agresseurs: ils seraient cinq à avoir été faits prisonniers. D’après le dernier bilan, il y aurait cinquante-trois morts – dont sept policiers irakiens et 46 fidèles, en majorité des femmes et des enfants – et 67 blessés.
Pas de place pour eux dans la partition en cours
Rappelons que nous sommes pour tant à quelques centaines de mètres de la fameuse « zone verte », sécurisée à l’attention des journalistes et des diplomates occidentaux. Une opé ration d’une telle envergure, avec tant d’armes, ne s’improvise pas et ne passe pas inaperçue. Il est bien évident que la sécurité n’est pas assurée dans la capitale irakienne. Le pays, après le départ des troupes américaines l’été dernier, est en pleine implosion. Il n’y a plus de gouvernement depuis les élections législatives au mois de mars dernier. Le processus de fédéralisation est en marche. Avec le soutien de l’Iran, les chiites veulent le sud avec Bagdad et Kirkouk (où se trouvent d’importants gisements pétroliers). Les sunnites veulent l’Ouest, avec Mossoul, l’antique Ninive, capitale traditionnelle des chrétiens nestoriens d’Irak et toute première Eglise dans cette région. Quant aux Kurdes, ils gardent le nord, avec un gouvernement autonome et une « kurdisation linguistique » féroce. Il est bien évident que ce n’est pas la condamnation à la pendaison de Tarek Aziz, l’ancien ministre chrétien de Saddam Hussein, qui va contribuer à la remise en ordre du pays. Le pa pe vient de protester publiquement contre cette décision du tribunal irakien. Et pourtant Tarek Aziz n’était sans doute pas, à titre personnel, un chrétien très convaincu. Il a appliqué la politique d’arabisation aux populations chrétiennes araméophones dont il était issu. Il a d’ailleurs lui-même arabisé son nom, puisque, pour l’état civil, à sa naissance il s’appelait du nom araméen de Mikhael Johanna. Son destin fait penser à celui d’un autre chrétien, un autre Michel d’ailleurs, Michel Aflak fondateur en Syrie du parti Baas, mort à Paris en 1989 et enterré comme un musulman à Bagdad par Saddam Hussein. Quant aux chrétiens qui entendent le rester et pratiquer en Irak leur religion? « Il n’y a plus de place pour nous en Irak » déclare tristement l’évêque syriaque catholique dont dépend Notre-Dame de la Délivrance. En août 2004, des attaques coordonnées contre cinq églises de Bagdad et Mossoul, dont, déjà, Notre-Dame de la Délivrance, avaient fait douze morts. Un tel attentat va certainement accélérer le départ des fidèles.
Un blocus pire que celui des Palestiniens
Ils se proclament pourtant toujours fièrement « Assyriens », pour marquer qu’ils descendent de populations autochtones, avant l’invasion arabe. Il y en avait 1,3 million avant la première guerre d’Irak en 1991. Il en restait 800000 en 2003. On en compte encore 500000. Un chiffre en constante diminution. Plus grave: les chrétiens qui demeurent sur place sont en danger constant. Ils ne peuvent plus travailler et sont obligés de revenir dans leurs villages ancestraux, où se sont créées de véritables milices chrétiennes d’auto-défense, par exemple autour de Mossoul, à Algosh ou à Karamlesh. La situation est donc dramatique pour eux et les jeunes souhaitent partir en Occident, puisque, à Mossoul en particulier, ils subissent une sorte de blocus intérieur, pire peut-être que le blocus des Palestiniens… En même temps, ces gens, souvent cultivés, sont profondément courageux. Ils continuent de se déclarer chrétiens, alors qu’il leur suffirait de réciter la chahada (« Non il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah… ») pour voir leurs difficultés se dissiper. Comment aider les chrétiens d’Irak? Une prise de conscience est urgente et on peut espérer qu’un attentat odieux comme celui-là y aidera. Il faudrait que le petit mot rituel des chancelleries occidentales soit relayé par une solidarité effective, ne serait-ce que pour permettre à ces gens, qui ne sont plus en sécurité dans les villes, de revenir sur leurs terres et de les remettre en culture. A l’heure où nous écrivons, l’Etat islamique d’Irak a envoyé un ultimatum aux chrétiens coptes d’Egypte et en particulier aux moines qui détiendraient contre leur gré des femmes musulmanes (?). L’organisation a laissé 48 heures aux chrétiens, montrant que l’attaque de Notre-Dame de la Délivrance est un premier palier dans ce qu’ils conçoivent comme une offensive concertée dans plusieurs pays contre les chrétiens du Proche-Orient.
Joël Prieur
2010 : esquisse d’un martyrologue irakien
5 juillet 2010: Behnam Sabti est infirmier à l’hôpital Jumhuriya. Une bombe placée sous sa voiture explose, le tuant instantanément.
7 juin 2010: Hani Salim Wadi, 34 ans, est assassiné à Kirkouk.
10 mai 2010: Attaque à la bombe contre un bus d’étudiants chrétiens à Mossoul. Deux étudiantes, Hadi et Sandy, trouvent la mort. Il y a près d’une centaine de blessés.
Février 2010: trois chrétiens sont tués à Mossoul.
20 janvier: Amjad Hamid Abdullahad, 45 ans, est assassiné à Mossoul. L’Agence Asia News souligne que les forces de sécurité « ont assisté l’arme au pied à toutes les phases de l’attaque.»
19 janvier: Saadallah Youssif Jorjis, 52 ans, est abatttu à Mossoul.
L’anarchie progresse encore en Irak et cette fois, ce sont les chrétiens locaux qui en font les frais. L’exode semble leur seule planche de salut terrestre. Encore que l’Etat islamique d’Irak, organisation terroriste, veut porter le feu contre les chrétiens dans tout le Proche-Orient.
En plein centre de Bagdad, le 31 octobre, une bande de neuf miliciens surarmés (kalachnikov, grenades et ceintures d’explosifs) se réclamant de l’Etat islamique d’Irak (ISI), a d’abord tenté d’attaquer la Bourse, symbole honni du capitalisme occidental. Ils ont tué deux policiers mais se sont rabattus très vite sur l’église catholique voisine de Sayidat al Najat, Notre-Dame de la Délivrance. En entrant dans l’édifice, sans sommation, ils ont tué d’une balle dans le cou le prêtre qui était en train de prêcher au cours d’une messe rassemblant une centaine de fidèles. Ils ont exécuté froidement un deuxième prê tre qui tentait de mettre des fidèles à l’abri. Puis, au soir de ce dimanche d’octobre, ils ont pris en otage les personnes présentes. Les policiers irakiens sont arrivés, soutenus par des Américains. Avec un amateurisme inquiétant, ils ont im médiatement donné l’assaut. Le bi lan est l’un des plus sanglants qui soient pour ce genre d’opération et la plupart des morts ont eu lieu pendant l’attaque, alors que le commando était mêlé aux otages. L’un des neuf membres du commando a déclenché sa ceinture d’explosifs, tuant beaucoup de monde autour de lui. Pour l’instant, les sources divergent sur le sort des autres agresseurs: ils seraient cinq à avoir été faits prisonniers. D’après le dernier bilan, il y aurait cinquante-trois morts – dont sept policiers irakiens et 46 fidèles, en majorité des femmes et des enfants – et 67 blessés.
Pas de place pour eux dans la partition en cours
Rappelons que nous sommes pour tant à quelques centaines de mètres de la fameuse « zone verte », sécurisée à l’attention des journalistes et des diplomates occidentaux. Une opé ration d’une telle envergure, avec tant d’armes, ne s’improvise pas et ne passe pas inaperçue. Il est bien évident que la sécurité n’est pas assurée dans la capitale irakienne. Le pays, après le départ des troupes américaines l’été dernier, est en pleine implosion. Il n’y a plus de gouvernement depuis les élections législatives au mois de mars dernier. Le processus de fédéralisation est en marche. Avec le soutien de l’Iran, les chiites veulent le sud avec Bagdad et Kirkouk (où se trouvent d’importants gisements pétroliers). Les sunnites veulent l’Ouest, avec Mossoul, l’antique Ninive, capitale traditionnelle des chrétiens nestoriens d’Irak et toute première Eglise dans cette région. Quant aux Kurdes, ils gardent le nord, avec un gouvernement autonome et une « kurdisation linguistique » féroce. Il est bien évident que ce n’est pas la condamnation à la pendaison de Tarek Aziz, l’ancien ministre chrétien de Saddam Hussein, qui va contribuer à la remise en ordre du pays. Le pa pe vient de protester publiquement contre cette décision du tribunal irakien. Et pourtant Tarek Aziz n’était sans doute pas, à titre personnel, un chrétien très convaincu. Il a appliqué la politique d’arabisation aux populations chrétiennes araméophones dont il était issu. Il a d’ailleurs lui-même arabisé son nom, puisque, pour l’état civil, à sa naissance il s’appelait du nom araméen de Mikhael Johanna. Son destin fait penser à celui d’un autre chrétien, un autre Michel d’ailleurs, Michel Aflak fondateur en Syrie du parti Baas, mort à Paris en 1989 et enterré comme un musulman à Bagdad par Saddam Hussein. Quant aux chrétiens qui entendent le rester et pratiquer en Irak leur religion? « Il n’y a plus de place pour nous en Irak » déclare tristement l’évêque syriaque catholique dont dépend Notre-Dame de la Délivrance. En août 2004, des attaques coordonnées contre cinq églises de Bagdad et Mossoul, dont, déjà, Notre-Dame de la Délivrance, avaient fait douze morts. Un tel attentat va certainement accélérer le départ des fidèles.
Un blocus pire que celui des Palestiniens
Ils se proclament pourtant toujours fièrement « Assyriens », pour marquer qu’ils descendent de populations autochtones, avant l’invasion arabe. Il y en avait 1,3 million avant la première guerre d’Irak en 1991. Il en restait 800000 en 2003. On en compte encore 500000. Un chiffre en constante diminution. Plus grave: les chrétiens qui demeurent sur place sont en danger constant. Ils ne peuvent plus travailler et sont obligés de revenir dans leurs villages ancestraux, où se sont créées de véritables milices chrétiennes d’auto-défense, par exemple autour de Mossoul, à Algosh ou à Karamlesh. La situation est donc dramatique pour eux et les jeunes souhaitent partir en Occident, puisque, à Mossoul en particulier, ils subissent une sorte de blocus intérieur, pire peut-être que le blocus des Palestiniens… En même temps, ces gens, souvent cultivés, sont profondément courageux. Ils continuent de se déclarer chrétiens, alors qu’il leur suffirait de réciter la chahada (« Non il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah… ») pour voir leurs difficultés se dissiper. Comment aider les chrétiens d’Irak? Une prise de conscience est urgente et on peut espérer qu’un attentat odieux comme celui-là y aidera. Il faudrait que le petit mot rituel des chancelleries occidentales soit relayé par une solidarité effective, ne serait-ce que pour permettre à ces gens, qui ne sont plus en sécurité dans les villes, de revenir sur leurs terres et de les remettre en culture. A l’heure où nous écrivons, l’Etat islamique d’Irak a envoyé un ultimatum aux chrétiens coptes d’Egypte et en particulier aux moines qui détiendraient contre leur gré des femmes musulmanes (?). L’organisation a laissé 48 heures aux chrétiens, montrant que l’attaque de Notre-Dame de la Délivrance est un premier palier dans ce qu’ils conçoivent comme une offensive concertée dans plusieurs pays contre les chrétiens du Proche-Orient.
Joël Prieur
2010 : esquisse d’un martyrologue irakien
5 juillet 2010: Behnam Sabti est infirmier à l’hôpital Jumhuriya. Une bombe placée sous sa voiture explose, le tuant instantanément.
7 juin 2010: Hani Salim Wadi, 34 ans, est assassiné à Kirkouk.
10 mai 2010: Attaque à la bombe contre un bus d’étudiants chrétiens à Mossoul. Deux étudiantes, Hadi et Sandy, trouvent la mort. Il y a près d’une centaine de blessés.
Février 2010: trois chrétiens sont tués à Mossoul.
20 janvier: Amjad Hamid Abdullahad, 45 ans, est assassiné à Mossoul. L’Agence Asia News souligne que les forces de sécurité « ont assisté l’arme au pied à toutes les phases de l’attaque.»
19 janvier: Saadallah Youssif Jorjis, 52 ans, est abatttu à Mossoul.
Il faut se demmander si sous Saddam,(à défaut de la dictature), si les chrétiens étaient protégés de l'Islam..
RépondreSupprimerPeut-on accuser l'ancien dictateur de l'actuelle anarchie dans le pays ?
Rien d'étonnant quand nous savons que les sunnites eux-mêmes ne voient même pas qu'il les a sauvés des Chiites révolutionnaires de l'Iran.
La persécution des chrétiens de l'Irak, de par un retour du balancier, dépends des chrétiens occidentaux.
bonjour,
RépondreSupprimerAvez-vous vu cette initiative, 1000 lettres pour soutenir les chrétiens d'orient.
vu ici http://www.zenit.org/article-26037?l=french
le site de l'initiative.
http://1000lettres.wordpress.com/
je pense que c'est une très bonne initiative.
qu'il faut encourager et diffuser
je vous souhaite bonne lecture.
frédéric.