"C’est ainsi que nous voulons parvenir à cette stabilité qui est la nôtre, où ce qui est est vraiment, parce que, seul, il est toujours tel qu’il est ; mais nous en sépare la mer de ce siècle, au milieu de laquelle nous allons et pourtant nous voyons déjà où nous allons, car beaucoup ne voient même pas où ils doivent aller. Afin donc qu’il y ait aussi un chemin par lequel nous puissions aller, celui à nqui nous voulions aller est venu de là bas jusqu’à nous. Et qu’a-t-il fait ? Il a disposé un bois qui nous permettrait de passer la mer. Car personne ne peut traverser la mer de ce siècle s’il n'est porté par la croix du Christ. A cette croix s’attache même parfois quelqu’un qui a les yeux malades. Que celui qui n’aperçoit pas au loin où il faut aller ne se détache pas de la croix ; elle-même le conduira jusqu’au terme"
Saint Augustin, Commentaire de l’Evangile de saint Jean 2, 2
Parvenir à la stabilité ! Programme apparemment impossible. Les petits bourgeois que nous sommes se contentent le plus souvent d'une stabilité parfaitement illusoire car elle est l'autre nom de la décrépitude. Etre stable ? Humainement, c'est accepter de vieillir. Comment découvrir cette autre stabilité "où ce qui est est vraiment" ?
A l'époque d'Augustin, c'est l'aventure métaphysique qui devait permettre d'atteindre au "réellement réel" dont parlait Platon. Augustin connaît cette métaphysique mieux qu'un autre. Il n'y croit plus. L'homme tout seul, l'homme par lui-même ne peut pas s'élever vers le réellement réel. Platon a eu quelques intuitions sublimes sur le juste persécuté par exemple dans la République. Selon ses propres termes "il s'est agrippé à toutes les traditions humaines comme à autant de radeaux pour parvenir à la connaissance de la vérité". Hélas ! A côté de somptueuses anticipations et de splendides nostalgies, il y a les échecs patents, ce curieux culte de la mort par exemple qui se manifeste dans la formule du Phédon : "Philosopher c'est mourir et être mort". Le désespoir n'est pas loin, avec ce que Freud appelle "la pulsion de mort".
C'est dans ce contexte que l'annonce du Christ, "voie, vérité et vie" prend tout son sens. Le Christ, pour Augustin, est le véritable maître (magister). Il est celui qui permettra de concrétiser les promesses hallucinées de la philosophie. Son enseignement nous fait sortir de l'ignorance ; sa grâce nous délivre de nos paralysies ; sa croix nous mérite la vie éternelle.
La Croix, c'est ce bois disposé pour traverser "la mer de ce monde" avec ses tourbillons accaparants et inutiles. C'est le remède universel, qui délivre même les malvoyants spirituels.
La Croix ce n'est pas seulement il y a 2000 ans. Accepte la croix, accepte de te sacrifier toi-même à ce que tu aimes ou à ce que tu veux aimer, et tu seras porté par ton sacrifice. Même si tu n'y comprends rien, ton sacrifice plaidera pour toi et le sacrifice du Seigneur sur la croix, qui complète tous les sacrifices individuels et leur donne sens, permettra à ton offrande muette d'atteindre son but : le coeur de Dieu.
La Croix comme un radeau insubmersible; "la continence du Royaume Qui S'est approché comme ce continent du salut sur lequel nous avons les yeux fixés; la certitude du but de notre voyage comme la garantie donnée à notre intelligence de pouvoir investir, et parier raisonnablement sur la volonté divine: nous savons où Il veut aller et où Il veut nous mener, nous sommes des serviteur inutiles, mais non serviles, voire nous sommes des amis de dieu; la métaphysique fondée sur un Dieu qui nous a indiqué notre destination comme un roc pour l'âme, à l'opposé des sables mouvants de l'histoire, de ses sacs et ressacs, de ses vagues, de ses grandes découvertes même; l'histoire ou la métaphysique privées de dieu comme des sables mouvants pour l'âme, sur lesquels il lui serait vain de fonder son espérance; nous avons fait des "voyages de grande découverte", nous avons même découvert des continents en nous trompant sur l'endroit auquel nous étions parvenus: la conversion n'est pas de cet ordre; Dieu ne pourrait tromper notre intériorité où Il est chez Lui et qui Le reconnaît; il n'y a de grande découverte que spirituelle, et stable est notre espérance; la prédestination n'est pas le déterminisme; unique est la fin, libres sont les moyens, en rapport avec notre terrain; nous savons à quoi nous sommes appelés; le salut est la terre de l'âme.
RépondreSupprimerJe ne ferai plus de commentaires sur vos propos tant ils sont parfait. Tout ajout ne ferait que les affaiblir.
RépondreSupprimerBonne continuation.
.... et si c'était à notre coeur de se laisser atteindre par le coeur de Dieu, lui qui nous aime le premier... pour cela, nous laisser immobiliser sur la croix de notre propre vie entée en celle du Christ "voie, vérité et vie"... "Sans moi vous ne pouvez rien"... même pas - surtout pas - "vous sacrifier vous-même".
RépondreSupprimer@ Détrompez-vous, cher Anonyme de 06h57 (mais il me semble que l'horloge est déréglée?)
RépondreSupprimerles commentaires sont, je crois, les bienvenus sur le Métablog. Ne nous privez pas des vôtres.