samedi 24 mars 2012

Corbeaux ou colombes ? - Samedi de la quatrième semaine

«Noé avait un corbeau dans l’arche, il avait aussi une colombe. L’arche renfermait ces deux espèces d’oiseau, et, l’arche était une figure de l’Eglise, vous voyez dès lors que dans le déluge de ce siècle, l’Eglise doit nécessairement contenir ces deux espèces d’homme, le corbeau et la colombe. Qui sont les corbeaux ? Ceux qui recherchent leurs propres intérêts. Qui sont les colombes ? Ceux qui recherchent les intérêts du Christ 
Saint Augustin, Homélie sur l’Evangile de saint Jean, VI,2
Le déluge de ce siècle : aucune précision chez Augustin. On peut lire cette formule aujourd'hui comme hier. Le déluge est toujours là qui emporte tout sur son passage et tend à supprimer tout centre. Mais l'arche est là aussi. "Au commencement était l'Eglise..." écrivait Rohrbacher à la première ligne de sa monumentale Histoire de l'Eglise. L'Eglise existe depuis le martyre d'Abel aimaient à dire les Pères. L'arche de Noé elle-même est donc plus récente que l'Eglise, et du reste elle n'en est qu'une figure.

Mais quelle figure ! Saint Pierre, le premier chef de l'Eglise, apercevait déjà la figure de Noé dans chacune de ses deux épîtres ; se prenait-il lui-même pour le nouveau Noé ? Pour le vrai Noé ? "Dieu n'a pas épargné les anges qui avaient péché, mais Il les a mis dans  le Tartare et livré aux abîmes des ténèbres. Il n'a pas épargné l'ancien monde, mais il a préservé huit personnes dont Noé, héraut de sa justice, tandis qu'il amenait le déluge sur un monde d'impies" (II Petr. 2, 4-5). La sentence de Pierre est trop dure ? Disons-nous toujours en tout cas que la punition divine ne fait qu'entériner le délire de l'homme révolté. "Si Dieu existait, écrit Sartre dans L'existentialisme est un humanisme, ce serait une raison supplémentaire pour nous de le combattre". Voilà une phrase qui est bien caractéristique du déluge dans lequel nous sommes aujourd'hui !

Qui sont les sauvés ? Suffit-il d'être dans l'arche pour être tranquille sur ce point ? Saint Augustin oppose très clairement les corbeaux et les colombes les blancs et les noirs. Dans le champ de l'Eglise l'ivraie pousse avec le bon grain et le Seigneur lui-même nous dit : "Laissez les pousser ensemble jusqu'à la moisson, de peur qu'en arrachant l'ivraie on n'ôte aussi le bon grain". La "moisson" ? Le jugement que Dieu a remis à son Fils (Jean 5). Bref : l'image d'Augustin est forte, mais elle est en dessous de la vérité.

La vérité, c'est qu'il est parfois bien difficile de sonder les reins et les coeurs. Tel qui se dit colombe se révèle corbeau et inversement. Il nous faut être exigeant pour notre Eglise parce que nous aimons avec nos tripes cette arche du salut, et qu'il n'y a pas d'amour sans exigence. Mais il faut aussi que nous soyons tolérant avec elle, aussi tolérant qu'amoureux. La parabole du bon grain et de l'ivraie donne la formule exacte de cette tolérance chrétienne jusque dans le champ du Seigneur.

10 commentaires:

  1. Ça alors, voilà encore d'autres perspectives...c'est formidable et tellement plein d'enseignements. Merci.

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  2. Conseils au resposables du site

    Votre site reste confidentiel car il n'est parcouru que par vos seuls partisans. Bref cela fait du gnan-gnan, avec peu de réponses.

    Si vous voulez qeu votre blog soit il faut organiser de la discussion et des confrontations entre points de vue divers.

    Une bonne controverse fait toujours remonter l'audience.

    Alors de grace que le webmetre cesse la censure. En terme de com c'est tout à fait contre productif.

    J'en veux une seule preuve : ce sont les sujets où il y a eu le plus d'opposants qui ont été les plus lus et qui ont fourni le plus de réponses (voir la controverse sur Lisieux).

    Moi j'aime bien discuter avec des personnes dont je ne partage pas les idées. Quelle idée de ne par ler qu'avec des gens avec qui on est d'accord. On n'a rien à se dire.

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    1. Anonyme de 05h09 ne voit d'interêt que dans la polémique. Dommage, il passe à côté d'un texte profond -et bellement illustré- comme celui-ci et y perd beaucoup d'intelligence de la Foi (un des dons du St-Esprit) et de cette tolérance dont parle l'abbé.
      Je me permets de rappeler à Anonyme qu'il s'agit chaque jour ici d'une réflexion de carême et que par conséquent la finalité est d'aller, guidés par notre bon pasteur, au plus profond de notre coeur.
      Si, de temps en temps, polémique il y a, pourquoi pas ? mais s'il y a concorde, faut-il s'en lamenter ?
      Autre rappel, certains lecteurs ont décidé d'un effort de carême : ne pas intervenir par humilité, par abstinence, peut-être parce qu'ils aiment justement beaucoup (trop?) parler, dialoguer sur ce blog. Voilà pourquoi il n'y a pas toujours beaucoup de "répondant" en ce moment. Mais je répète que provoquer la discussion n'est pas l'objet de ces billets de carême.
      Qu'il n'y ait pas toujours de répondant n'indique nullement que le nombre de lecteurs ait diminué.
      Pour ma part, je n'ai pas toujours envie d'écrire, surtout si ces billets me nourrissent en profondeur : qu'aurais-je à rajouter ? ma prétention, peut-être. On comprend que je m'abstienne alors.
      Et pourtant oui, je lis avec joie ces billets toujours nouveaux, toujours beaux. "Quelle idée de ne parler qu'avec des gens avec qui on est d'accord" dites-vous Anonyme, ce n'est pas du tout le cas. L'abbé est toujours prêt à la confrontation d'idées, il aime beaucoup les débats. Et puis, qui n'aime pas parler avec ses amis ?
      "On n'a rien à se dire" insistez-vous...il faut croire que si !
      Et puis, St Augustin, St Ignace d'Antioche, Pascal, etc., on est gâtés, non ? Vous faîtes bien le dégoûté, Anonyme !

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  3. Saint Pie X écrivait seize siècles après Saint augustin dans son célèbre catéchisme que, dans l'eglise, il y avait "les membres vivants" et "les membres morts".

    "Dieu quand Il punit ne fait qu'entériner le délire de l'homme révolté"." Or quel est le problème de l'homme révolté? C'est qu'il ne trouve pas en lui la raisonnance de l'appel. Et l'homme qui n'est pas révolté, est-il nécessairement élu? Il peut aussi être tout simplement "tiède". Et, quand on sait comment Dieu traite les tièdes, il vaut mieux être un homme révolté qu'un "piètre pécheur" (Bernanos). Qu'est-ce qu'être un "membre vivant" de l'Eglise? C'est d'entrer dans son élection personnelle. Or il arrive que beaucoup n'y entrent pas, car il semble qu'ils n'aient pas eu le talent de la discerner. Et ceux-là mêmes qui y entrent, encore n'y entrent-ils que par intervalles. On n'est vivant, on ne vit en "craignant-Dieu", on n'est sain, voire on n'est saint que dans les intervalles qui nous sépare de nos péchés. La conversion, c'est sans doute en partie travailler à réduire ces intervalles pour être de moins en moins "corbeau" et de plus en plus "colombe" .

    Qu'il y ait peu d'"élus", cela paraît ressortir du principe même de l'élection. S'ensuit-il qu'il y a beaucoup d'appelés, si l'on convient que beaucoup n'ont jamais ressenti d'appel? Humainement, la Parole du Christ semble plutôt s'entendre ainsi:

    "Il y a beaucoup de candidats et peu d'élus". Certes, beaucoup aussi manquent à l'appel. Mais que faire de ceux qui ne se sont jamais sentis appelés? Comment comprendre leur condition, eux qui ne manquent pas à l'appel, c'est l'appel qui leur manque... Est-ce que je me fais des idées, ou les choses se passent-elles bien ainsi? Pour quelqu'un qui s'épanouit dans son travail, combien travaillent par nécessité ! N'en va-t-il pas de même dans la vie spirituelle?

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  4. Je ne suis pas marxiste pour trois kopeks, mais j'aime bien Mélanchon. Il a des arguments et c'est un orateur de tout premier ordre. Il a du souffle.Son discours de la Bastille avait "de la gueule" (je parle de la forme bien entendu et non pas du fond qui est insensé).

    Quel dommage que nous n'ayons pas des prédicateurs d'égal talent, cela nous réveillerait.

    Lorsque j'écoute les semons des prêtres ou des évêques, j'ai toujours envie de dormir. Il n'y a aucun souffle. Ils ne font rien passer.

    Lorsque ma fille accompagnait sa mère à la messe elle me disait "Papa c'est nul, il ne se passe rien, le curé tient des propos inintéressants et les gens font semblant de l'écouter". Un beau jour elle a cessé d'y aller et m'a dit que désormais il était inutile de lui parler de religion.

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    1. Anonyme de 04h38, vous prêtez trop attention à la forme. Il ne vous faut que des grandes gueules, donc ?
      Dommage pour votre fille, c'était le moment de lui dire ce que c'est que la Messe au fond, pas une tribune. Elle a dû surtout comprendre que VOUS ne trouviez rien à la Messe...donc il vous faut revoir vos fondamentaux de la Foi. Vous êtes dans une vraie recherche de qualité et vous avez raison.
      Cela dit, il arrive, il est vrai, que des "prédicateurs" soient ennuyeux, lénifiants, socialisants, bref : ch...s.
      Raison de plus pour faire un tour au Centre Saint-Paul. Les homélies de l'abbé de Tanoüarn sont tout sauf "dodo-ronron".
      Je vous souhaite un bon 5è dimanche de carême, Anonyme. Avez-vous un "Magnificat" ? ou un "Prions en Eglise" ou un missel ? Je vous le conseille afin que, vous-même, suiviez le temps liturgique, ancien ou moderne.
      Tout seul, pour commencer. Cela nourrit vraiment bien et répond à toute exigence personnelle légitime de l'intelligence et de l'esprit et puis, un jour, pourquoi pas, voilà qu'on se rapproche de l'église (de sa paroisse ou non) et qu'on se met à suivre la Messe, non pour les beaux prêches -quoi qu'il y en ait- mais pour le Christ, tout simplement. Par Amour.
      Bonne route, Anonyme, vent debout !

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  5. Votre propos sur Sartre est un peu elliptique. On ne peut le balayer d'un revers de manche. Cela mériterait un commentaire plus approfondi de votre part.
    Vous auriez pu citer Camus qui a fait à Alger son mémoire de licence consacré à Saint Augustin (c'est curieux mais la terre d'Algérie a engendré deux des plus grands philosophes, peut-être plus proches qu'on ne croit).

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  6. @ Je souhaiterais dire à Anonyme de 01h59 PM, qui s'en prend à celui de 05h09 AM, que ce dernier - me semble-t-il - n'est pas du tout mal intentionné, bien au contraire, en dispensant quelques conseils destinés à augmenter l'audience du Métablog.

    Une seule petite réserve, lorsqu'il évoque la censure de notre Webmestre. Quant à moi, je n'ai pas le souvenir de l'avoir jamais subie, et Dieu sait pourtant! si je ne suis pas dans la ligne "tradi-catho-intégriste" pure et dure, censée s'exprimer ici, et que j'ai tendance à faire des hors-sujets, en espérant qu'ils n'alourdissent pas trop la lecture du blog (je m'en excuse, le cas échéant, auprès de toutes et de tous).

    P.S. Je trouve vraiment très jolie, l'illustration de ce billet.

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  7. Tout d’abord, Thierry de quoi voulez-vous vous excuser ? Si c’est à cause des « hors sujets », tout le monde en fait ! Je pense qu’écrire sur un blog rend chacun peu sûr de soi, car on ne voit jamais les visages des lecteurs. Ne vous inquiétez pas, vous vous êtes très agréable à lire car vous êtes très courtois et plein d’humour !
    Quant au sujet du bon grain et de l’ivraie, cela me fait penser à Vatican II et surtout à tous les excès qui en ont découlé. Je pense aussi à toutes ces nouvelles communautés, au chemin catéchuménal reconnus par l’Eglise et qui choquent parfois. La barque de Pierre prend peut-être l’eau de toute part, mais on est bien obligé de s’abstenir de juger car justement, du bon grain ou de l’ivraie, cela n’est pas en notre pouvoir de les discerner. Et puis la barque ne coule pas ! « fluctuat nec mergitur » C’est la devise de la ville de Paris que l’on pourrait bien attribuer aussi à l’Eglise. D’ailleurs, cela dit en passant… si la France (sa capitale) a une telle devise, c’est qu’étant la fille aînée de l’Eglise, elle doit être bien protégée par le Ciel ! N’ayons donc pas peur ni pour notre pays (quel langage à contre courant !) ni pour l’Eglise, Dieu veille au grain ! Peut-être que la FSSPX pourrait tant soit peu envisager le problème de cette façon et éviter de s’enfermer ainsi dans un certain orgueil samaritain. Elle qui semble avoir été la gardienne de la Tradition au moment où celle-ci allait se perdre, faut-il qu’elle se prenne pour le « bon grain » car, en se justifiant soi-même on risque de devenir « ivraie » !
    Benoîte

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  8. @ Benoîte: très touché par la remarque que vous avez bien voulu faire au sujet de mes "tartînes", et là, Benoîte, je vais m'excuser (très catho. ça, de s'excuser pour un oui ou pour un non hélas! mais on ne se refait pas) pour une autre raison: celle de blesser votre modestie mais c'est vous qui êtes très agréable à lire, tant y affleure votre sincérité.

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