«Lorsque Pierre baptise, c’est le Christ qui baptise; lorsque Paul baptise, c’est le Christ qui baptise, et même lorsque Judas baptise, c’est le Christ qui baptise.» Augustin d’Hippone, Homélies sur l’Evangile de Jean, homélie VI, §7, DDB, coll. «Bibliothèque Augustinienne» n°71, p.357.
Cette célèbre "sortie" de saint Augustin renvoie aux corbeaux et aux colombes dont nous parlions la semaine dernière. L'Eglise n'est pas, elle n'a jamais été, elle ne sera jamais une société de purs ou de parfaits. Dire par exemple que seuls ceux qui enseignent la vraie foi correctement disent la vraie messe et donnent les vrais sacrements, c'était déjà le problème des donatistes au IV et au Vème siècles, donatistes contre lesquels le concile d'Arles au IVème siècle n'a pas suffi, malgré la présidence de Constantin empereur (313). Augustin en parle encore un siècle plus tard. C'est donc une déformation psychologique profonde qui risque de nous atteindre nous aussi : confondre les sacrements, qui sont les signes objectifs de la présence et de l'action du Christ au milieu de nous, et les personnes qui les donnent, forcément indignes et qui - peu importe - pourraient même être des Judas : "Quand Judas baptise c'est comme quand Pierre ou Paul ou l'abbé Untel ou le Père Truc baptise : c'est le Christ qui baptise".
Le baptême de Pierre n'a pas une force particulière qui viendrait de la sainteté personnelle de Pierre ; le baptême de Paul itou. Le baptême de Judas n'a rien à voir avec Judas qui n'est que la cause instrumentale de la grâce divine dira saint Thomas d'Aquin - et non la cause efficiente [le stylo non la main qui le tient]. Ces considérations me semblent particulièrement importantes aujourd'hui : certains mettent en cause la légitimité des sacrements au nom des personnes qui les donnent ; d'autres parlent sans vergogne de "nos" sacrements à cause de l'excellence putative des ministres. Ainsi la Fraternité Saint Pie X interdit à ses membres d'assister même à une messe traditionnelle si c'est un membre d'une autre Fraternité (dite "ralliée") qui la célèbre. En Corse m'a-t-on dit elle "excommunie" avec perte et fracas ceux qui ont osé recevoir la confirmation d'un autre évêque et qui n'auront donc pas droit à "nos" sacrements.
Notre respect catholique [universel] pour les sacrements du Christ nous interdit de nous imaginer possesseurs de quoi que ce soit. Il va jusqu'à l'indifférence quant aux ministres. Oh ! Certes, chacun peut choisir son ministre, dans les limites de l'ordre commun. Mais il est impossible d'exclure tel ou tel pour des considérations de personnes sous peine de tomber dans le donatisme.
Le donatisme interdisait de sacrements les lapsi, ceux qui avaient renié leur foi devant les idoles et ceux qui les accueillaient pour l'eucharistie. Sous couvert de "surnaturalisme" et de perfection spirituelle, les donatistes humanisent les sacrements, en parlant des "nôtres" et des "leurs". Au fond, dans cette perspective, le ministre prend une importance prépondérante par rapport aux sacrements qu'il donne. Comme si en donnant un sacrement, il se donnait lui-même, sa doctrine, ses intentions, sa plus ou moins grande fermeté personnelle
Il est difficile, comme dans toutes les périodes de troubles, de ne pas humaniser les sacrements.
Ils excommunient, hein?
RépondreSupprimerJe me demande où est-ce que vous avez bien pu aller chercher ça...
@Au premier anonyme:
RépondreSupprimer"Où est-ce que vous avez bien pu aller chercher ça ?"
N'est-il pas fait état, sur le FC, d'une homélie de l'abbé beauvais à saint-Nicolas du chardonnet disant que, si le Cal Vingt-trois venait à proposer de prêcher dans l'église qu'il dessert plus ou moins légalement, il ne le recevrait pas.
D'où certains en infèrent, sur le même médium, que les hérétiques... sont hors de l'Eglise.
Et vous, Monsieur l'abbé, qu'en pensez-vous?
Monsieur l'abbé a parfaitement raison.
RépondreSupprimerJe signale d'ailleurs qu'en cas de nécessité absolue et en l'absence de prêtre ou de diacre n'importe qui peut baptiser, y compris un non chrétien voire même un non croyant : il suffit de verser un peu d'éau sur la tête de l'intéressé et de prononcer (même intérieurement : cas d'une personne muette) la formule sacramentelle en n'importe quel idiome. Cela s'est beaucoup pratiqué pendant les guerres ou sur les bateaux lorsqu'il n'y avait pas de prêtre et que les trajets étaient longs et périlleux (dans la "Royale" tous les vaisseaux étaient pourvus d'un aumonier choisi en règle générale parmi les Récollets, sorte de franciscains réformés et dont le couvent est encore visible à Paris près du Canal Saint-Martin).
Je précise que les codes de droit canonique tant de 1917 que de 1983 prévoient expressément cette manière de faire (je n'ai pas les références sous la main, mais je vais les chercher et je vous les communiquerai).
D'ailleurs, sous l'Ancien Régime, on exigeait des sage-femmes qu'elles sachent baptiser et le curé de la paroisse devait leur faire passer un petit examen. En effet, la mortalité périnatale était alors fort importante ce qui impliquait que le baptème ait lieu au plus tard 24 heures après la naissance. Dans les faits les sage-femmes "ondoyaient", c'est à dire baptisaient systématiquement tous les nouveaux nés ; le curé "complétait" ensuite et par mesure de précaution célébrait un baptème sub conditio. Tout cela est retracé dans les anciens actes de baptème que vous trouverez aux archives départementales (je signale aux futurs "thésards" historiens ou juristes en mal de sujet que cela pourait faire l'objet d'études et de recherches intéressante).
Historiquement, cela s'explique par la croyance alors généralisée dans la théorie des "limbes" : on croyait que les enfants morts sans baptème ne pouvaient être sauvés et n'allaient ni en enfer ni au paradis mais dans un lieu idyllique appelé limbes. Bien que sans péchés, ils n'avaient pas été lavés du péché originel par le baptème. Je pense que de nos jours plus personne ne croit à de telles théories.
CONCLUSION : tout baptème est valide du moment que les formes prescrites ont été respectées et il est interdit de célébrer un second baptème. Bien entendu en temps normal il est plus que recommandé de s'adresser au curé de sa paroisse.
NB Les Eglises orthodoxes ont des pratiques totalement différentes et "réitèrent" le baptème lorsqu'un chrétien se convertit (en Grèce un non orthodoxe n'est même pas admis à assister aux offices, j'en ai fait la triste expérience).
Non orthodoxe moi-même (catholique), j'ai cependant pu séjourner plusieurs fois dans un monastère orthodoxe, et de manière prolongée, monastère de surcroît de tendance "traditionaliste" je tiens à le préciser. Accueil extrêmement chaleureux et bienveillant. Assistance aux offices et aux liturgies, en entier. C'est une pitié d'être devant ces divisions de l'Eglise chrétienne. Bien des communautés orthodoxes se contentent de la chrismation et ne "rebaptisent" pas.
SupprimerCher Monsieur, si vous avez fait "la triste expérience" de ne pas être admis à l'office orthodoxe, n'en faites pas, je vous prie, une vérité générale : je peux vous assurer au contraire que j'ai moi-même assisté plusieurs fois à des messes orthodoxes grecques (y compris à Noël et à Pâques) sans que quiconque vînt me demander de quelle chapelle j'étais.
SupprimerSuite du précédent :
RépondreSupprimerA propos de la position actuelle de l'Eglise sur les limbes, j'ai trouvé ceci sur Wikipédia :
"Dès 1984, le cardinal Ratzinger (futur Benoît XVI), alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, considérait à titre personnel que la notion de limbes n'était qu'une hypothèse et que cette hypothèse pouvait être abandonnée. En 2004, la Commission théologique internationale a entamé une réflexion sur ce sujet. Lors de son assemblée plénière du 2 au 6 octobre 2006, elle a déclaré que « l'idée des limbes, comme lieu auquel sont destinées les âmes des enfants morts sans baptême, peut être abandonnée sans problème de foi. » Cette conclusion sur les limbes des enfants est confirmée en 2007. D'après le document final, la privation de la vision de Dieu pour ceux qui sont marqués par le péché originel, ainsi que l'avait affirmé Innocent III, demeure un article de foi. La Commission estime toutefois que la privation de la vision de Dieu pour les enfants morts sans baptême et l'existence des limbes sont des « thèses théologiques » ou des « enseignements courants », mais ils n'ont pas la valeur d'un article de foi : « il y a lieu de croire que Dieu pourvoit au salut de ces enfants, précisément parce qu'il n'a pas été possible de les baptiser[7] ». L'existence des limbes n'est pas complètement écartée mais demeure une possibilité parmi d'autres."
Un lecteur aurait-il la bonté de me dire si c'est exact, car je me méfie un peu de Wikipedia ayant été échaudé à plusieurs reprises. Merci de votre aide.
Suite de AnonymeMar 27, 2012 12:36 PM
RépondreSupprimerRéférence au code de droit canonique de 1983 :
"Can. 861 - § 1. Le ministre ordinaire du baptême est l'Évêque, le prêtre et le diacre, restant sauves les dispositions du can. 530, n. 1.
§ 2. Si le ministre ordinaire est absent ou empêché, un catéchiste ou une autre personne députée à cette charge par l'Ordinaire du lieu confère licitement le baptême, et même, dans le cas de nécessité, toute personne agissant avec l'intention requise; les pasteurs d'âmes, surtout le curé, veilleront à ce que les fidèles soient instruits de la façon correcte de baptiser".
Toute personne, cela ne veut pas dire tout fidèle mais n'importe qui.
Martin Luther a, en quelque sorte, étendu ce principe à l'Eucharistie : si l'on se trouve dans l'impossibilité absolue de trouver un ministre ordonné (par exemple en bateau ou dans un village totalement isolé) tout homme baptisé peut célébrer valablement l'Eucharistie.
Suite et fin de AnonymeMar 27, 2012 02:38 PM (ouf !) :
RépondreSupprimerVoici les articles du code de 1917 :
Can. 742
§ 1 Le baptême non solennel, dont parle le Can. 759 § 1, peut être conféré par n’importe qui, en observant la matière, la forme et l’intention requises; autant que faire se pourra un ou deux témoins y assisteront, qui pourront faire la preuve du baptême.
§ 2 Si un prêtre est présent, il sera préféré au diacre, le diacre le sera au sous diacre, un clerc à un laïc, un homme à une femme, à moins que pour un motif de pudeur, il convienne davantage que la femme baptise que l’homme, ou bien que la femme connaisse mieux la forme et le mode du baptême.
§ 3 Le père et la mère ne peuvent baptiser leur enfant qu’en péril de mort, lorsqu’il n’y a personne d’autre pour baptiser.
Can. 759
§ 1 En péril de mort, il est permis de conférer le baptême de façon privée; si le ministre n’est ni prêtre, ni diacre, il fera seulement ce qui est nécessaire à la validité du baptême; s’il est prêtre ou diacre, il accomplira également les cérémonies qui suivent le baptême si le temps le permet.
§ 2 En dehors du péril de mort, l’Ordinaire du lieu ne peut permettre le baptême privé que s’il s’agit d’hérétiques adultes qui sont baptisés sous condition.
§ 3 Les cérémonies qui ont été omises lors de la collation du baptême pour quelque raison que ce soit seront suppléés à l’église le plus vite possible, sauf dans le cas dont parle le Par.2.
A l'anonyme des quatre précédents commentaires fort instructifs:
RépondreSupprimer1. A titre profane, il n'est pas inintéressant de savoir que les limbes intéressent toujours. Le célèbre psychanalyste J.b. Pontalis leur a consacré un livre, moins aux limbes en elles-mêmes qu'à l'espèce de hors-lieu, très propice aux méditations poétiques, qu'elles représentent.
2. Il me semble que denis sureau a, au centre Saint-Paul, médité très longuement pour confirmer les dires de wikipedia sur la valeur d'hypothèse théologique des limbes selon benoît XVI et sur le travail de la commission théologique qu'en qualité de Président de la congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal ratzinger avait mise en place pour discuter de la valeur de cette hypothèse théologique.
3. On retrouve un cas flagrant d'importance secondaire à accorder aux ministres dans l'administration des Sacrements, telle qu'évoquée par Monsieur l'abbé dans son billet, à la fin du "Journal d'un curé de campagne" de bernanos, dans l'épisode célèbre où le héros vient mourir au domicile de son ami, le prêtre concubinaire, et lui demande de lui donner le viatique, reprenant la parole de la petite Thérèse, selon qui "tout est grâce".
4. J'en profite pour faire un excursus qui me tient à coeur à propos du mariage. Les canons que vous citez ayant trait au baptême insistent beaucoup sur la valeur testimoniale des personnes présentes, si possible, lors du baptême. On reconnaît généralement au mariage une valeur sociale. Pourtant, il s'est toujours produit des occasions où le Sacrement a été conféré à des unions morganatiques, c'est-à-dire qui n'avaient pour seul témoin que le prêtre, notamment par crainte, en cas de mésalliance, que la connaissance du mariage ne fût cause de scandale public, le cas le plus célèbre étant celui des noces de Louis XIV et de Madame de Maintenon, qui ne fut jamais reine de france. En allant plus loin, il est reconnu que ce sont les époux qui se confèrent l'un à l'autre le Sacrement du mariage, certes pas en l'absence de témoin, mais pas nécessairement en présence de prêtre, qui n'est de toute façon que le témoin du Sacrement. Les conditions de la vie moderne ayant changé, sans qu'il faille aller jusqu'à dire que le prêtre n'aurait plus les moyens d'être toujours physiquement présent pour le mariage des fidèles, pourquoi l'Eglise n'accorde-t-elle pas la valeur d'un mariage à deux concubins sérieusement engagés l'un envers l'autre et qui ne peuvent se marier pour des raisons qui tiennent à leur vécu ou à leurs conditions de vie actuelle? Au lieu de quoi on n'accorde plus le mariage qu'à des gens qui s'y sont longuement préparés, de même que j'ai vu tout récemment un prêtre refuser le baptême à un Hindoue manifestement un peu désaxé, mais qui le demandait en urgence, car il disait qu'il en allait du salut de son âme qu'il sentait qu'on assassinait.
L'Eglise, pas plus que l'Etat, ne peut "accorder la valeur d'un mariage à deux concubins sérieusement engagés l'un envers l'autre".
RépondreSupprimerVous oubliez que le mariage a une dimension sociale. C'est un engagement que l'on prend devant Dieu si l'on est croyant et dans tous les cas devant la société pour des raisons morales et bien entendu juridiques.
L'Eglise ne pet pas déclarer mariés des gens qui ne snt pas mariés. Au demeurant la loi interdit à un ministre du culte de marier des gens qui ne peuvent présenter un acte de mariage.
Si on admettait votre point de vue ce serait ce serait nier la valeur du mariage civil et dans ce cas pourquoi ne pas admettre le mariage same-sex.
Si des gens choisissent de vivre en concubinage, libre à eux, mais on ne peut pas dans ce cas revendiquer les bénéfices moraux, juridiques et financiers du mariage.
Le concubinage est un pur état de fait qui ne peut entraîner aucune conséquence juridique ou sociale.
J'approuve tout à fait la position de l'Eglise catholique qui n'accepte de procéder à un mariage qu'après une longue et sérieuse préparation, même si dans un cas sur deux cela se termine dans le cabinet d'un magistrat aux affaires familiales. Mais ceci est une autre histoire...
Code pénal : Article 433-21
RépondreSupprimerTout ministre d'un culte qui procédera, de manière habituelle, aux cérémonies religieuses de mariage sans que ne lui ait été justifié l'acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l'état civil sera puni de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende.
Sujet d'examen pour des élèves de 2ème année de licence en droit :
Le ministre d'une confession religieuse qui admet le mariage entre personnes de même sexe procède de manière habituelle à la célébration de telles unions dans un local consacré à l'exercice public de ce culte.
Auditeur(trice) de justice en stage auprès du Parquet d'un TGI, le Procureur de la République s'interroge sur le point de savoir si l'on peut exercer des poursuites pénales à l'encontre de ce triste individu sur le fondement de l'article 433-21 du code pénal. Votre substitut vous charge de rédiger sur ce point une note argumentée à l'attention de ce haut magistrat.
(durée 4 heures)
A l'anonyme du 28 mars 2012 à 16h46:
RépondreSupprimerJe ne méconnais pas du tout la valeur sociale qu'a prise l'institution du mariage aux yeux de l'Eglise. Je note seulement qu'à cette valeur sociale, il y a l'exception des unions morganatiques. Partant de là, je me demande si la valeur sociale est intrinsèque au Sacrement du mariage. Une chose qui a l'air de plaider dans votre sens est la nécessité du témoin. Mais on peut à la limite se demander si, les époux se donnant le sacrement l'un à l'autre, soit cette présence n'est pas superflue, soit il ne pourrait pas y avoir une sorte de "mariage de désir" comme il y a un "baptême de désir". Je ne pense pas que vous puissiez appeler la loi ni le code pénal à votre rescousse, pour la raison très simple, déjà évoquée sur ce blog, que la nécessité pour le mariage religieux d'être précédé par le mariage civil a correspondu à une volonté de l'Etat de subjuguer l'Eglise à travers la soumission de l'ordre sacramentel à l'ordre civil.
Réponse à journal torrentiel de Julien WeinzaepflenMar 29, 2012 01:21 AM qui prétend que "la nécessité pour le mariage religieux d'être précédé par le mariage civil a correspondu à une volonté de l'Etat de subjuguer l'Eglise à travers la soumission de l'ordre sacramentel à l'ordre civil".
RépondreSupprimerJe ne suis pas d'accord avec vous.
Ce texte issu du code pénal de 1807 tire les conclusions de l’instauration du mariage civil qui seul produit des effets juridiques. En effet, sous l‘Ancien Régime le problème ne se posait pas pour les catholiques car c’était le curé qui célébrait le mariage qui produisait des effets religieux et civils. Peu à peu un modus vivendi s’était instauré : les tribunaux ecclésiastiques étaient les seuls juges du sacrement du mariage, mais les tribunaux du roi étaient seuls compétents pour se prononcer sur les effets civils.
L'article 433-21 du code pénal n'est d’ailleurs nullement une mesure anti-catholique car il s’applique à tous les ministres du culte de toutes les religions.
Cette disposition garantit le sérieux de la démarche des futurs époux à l'égard du ministre du culte et donne à leur union le sceau de l’État. En assurant une publicité elle permet aux tiers de connaître la situation matrimoniale des intéressés. Imaginez que vous désiriez prêter une somme d'argent à quelqu'un ; il vous faut connaître sa solvabilité et donc savoir s'il est célibataire ou marié et éventuellement selon quel régime.
Enfin, cela évite que des personnes qui ne seraient mariées que religieusement puissent se donner l'apparence du mariage et ainsi risquer de tromper les tiers avec lesquels elles sont amenées à contracter.
Ni l’Église catholique, ni aucun autre culte sérieux n'a jamais demandé l'abrogation de ce texte.
Toutefois, il est arrivé que la jurisprudence tempère la sévérité de ce principe en reconnaissant, par exemple, la putativité d'un mariage uniquement religieux célébré in articulo mortuis par un aumônier entre un soldat et l'infirmière qui le soignait (Trib. Civ. Bordeaux 16 juin 1937, DH 1937, 539) même si ce mariage est bien évidemment inexistant au regard de la loi civile faute de célébration.
Le mariage dit morganatique n’a rien à voir, c’était un mariage valide mais secret (ce qui ne veut pas dire célébré sans témoins et d’ailleurs le prêtre n’est pas le ministre mais un témoin un peu solennel du mariage) ce qui est désormais totalement prohibé par la loi française même si le mariage secret est théoriquement possible en droit ecclésiastique (y compris dans le nouveau CIC de 1983 qui a maintenu cette pratique anachronique).
Erratum de AnonymeMar 29, 2012 04:00 PM
RépondreSupprimerJe bats ma coulpe car il y avait une ereur de saisie dans la référence ; il fallait lire : CA Bordeaux, 11 juin 1937 : DH 1937, p. 539. Voici l'attendu de principe de cet arrêt qui ne manque pas d'intérêt :
"lorsqu'il existe un titre ou une apparence qu'il faut détruire, les effets du mariage putatif peuvent se produire, qu'il en est ainsi de l'union célébrée par une personne qu'il s'agisse soit d'un officier de l'état civil incompétent ou même n'ayant que l'apparence de cette qualité, soit d'un mariage célébré par une personne que les époux ont pu croire qualifiée ainsi qu'en l'espèce : un prêtre."
Selon un savant auteur, la solennité, aussi minime soit-elle, sert à établir la différence entre le mariage et le concubinage. Celui-ci ne saurait être confondu avec un mariage : il ne crée pas une apparence de mariage mais un "ménage apparent" (G. Raymond, Le consentement des époux au mariage : LGDJ 1965, p. 64 ; Ombres et lumières sur la famille : éd. Bayard-Centurion, 1999 ; Bicentenaire, in Mélanges Cornu : éd. PUF 1994, p. 362.).
On voit bien la différence entre le mariage et le concubinage. Le mariage ne peut résulter que d'une célébration. le mariage est l'union solennelle d'un homme et d'une femme : pour qu'il y ait mariage il faut un rite minimum qui manifeste que l'homme et la femme ont eu l'intention de se prendre pour époux in facie societatis, sinon il n'y a que concubinage (voir Jurisclasseur civil arts. 201 et 202 sur LEXISNEXIS).
A propos du mariage j'ai trouvé cet après-midi cette phrase, que je trouve assez jolie, dans la présentation au Parlement de Paris de l'Edit de juillet 1607 du Roi Henri IV : " (les Rois) ont contracté ( à leur avènement) avec leur couronne une espèce de mariage communément appelé saint et politique, par lequel ils l'ont dotée (la couronne) de toutes les seigneuries qui, à titre particulier leur pouvaient appartenir..." Tout comme les évêques, les rois de l'ancienne monarchie recevaient lors de leur sacre un anneau, symbole de leur union avec leur peuple.
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