- Mon Dieu, pardonnez-moi d'avoir attendu si longtemps / Avant de décider ; mais puisque les Anglais / Ont décidé d'aller à l'assaut d'Orléans, / Je sens qu'il est grand temps que je décide aussi: / Moi, Jeanne, je décide que je vous obéirai (un silence bref).
Moi, Jeanne, qui suis votre servante, à vous, qui êtes mon maître, en ce moment-ci je déclare que je vous obéirai.
Charles Péguy, Jeanne d'Arc (1897), éd. Gallimard 1933 pp. 128-129
Une remarque d'abord : la vraie Jeanne de Péguy, ce n'est pas Le mystère de la charité de Jeanne d'Arc, essai théologique et non vraiment johannique. La vraie Jeanne de Péguy, c'est la première, celle que l'on ne connaît pas, qu'il a vendue lui-même à 50 exemplaire. Celle-là est johannique, à chaque page, c'est l'esprit de Jeanne d'Arc qui fuse, saisi dans une étrange prescience du passé, une sorte de divination, qui est propre aux véritables gens de lettres.
Jeanne a 16 ans quand elle parle ainsi dans sa prière. Tout le contraire d'une petite gourde téléguidée par ses voix. La délivrance d'Orléans, c'est elle qui décide, pas sainte Marguerite ni sainte Catherine. Pas Monsieur saint Michel. C'est elle Jeanne qui décide d'aller jusqu'au bout de son chemin. Mais son chemin, c'est l'obéissance.
Cela me rappelle une autre décision, une autre qui a décidé d'aller au bout de son chemin. Elle aussi elle a exprimé sa décision personnelle sous la forme de la plus extrême obéissance, elle a exprimé son obéissance personnelle sous la forme de la décision la plus mûrement pesée. Elle n'a pas voulu balancer son Oui au hasard des circonstances. Elle a précisé à l'ange qu'elle ne connaissait pas d'homme ; à propos de celle que l'on disait fiancée à Joseph, il fallait comprendre qu'elle ne voulait pas en connaître. Elle avait décidé cela par obéissance. Elle rappelait à l'ange sa décision. Marie est cette femme magistrale qui n'obéit pas mais décide d'obéir.
Puissions-nous nous répéter après Jeanne, durant ce Carême : "Je sens qu'il est grand temps que je décide aussi". Puissions nous peut-être simplement nous souvenir de ce que nous avons une fois décidé, aimer nos choix et leur obéir comme à Dieu même. Quand nous aurons décidé, relisons Péguy et pénétrons nous de sa musique : pour durer dans nos décisions.
"Etre libre d'obéir".
RépondreSupprimerCe thème, avec cet oxymore, au moins pour des gens qui, comme moi, ne prétendent pas accéder à la fine pointe du sens spirituel, était celui d'une session organisée il y a quelques années par le foyer de charité de "la roche d'or" et à laquelle je n'ai pas pu participer.
Nous sommes dans une société de l'ondoyance décisionnelle, tant nous sommes abreuvés de messages contradictoires, qui semblent incliner nos choix au gré des circonstances, y compris nos choix électoraux.
En prendre de la graine de cet article d'il y a quelques semaines ou mois, où vous avez semé cette phrase:
"Les chrétiens sont ceux qui font des choix et qui s'y tiennent."